Quentin Maquet, entre country-rock et chanson française tourmentée. © philippe cornet

Quentin Dalton

Chanteur-auteur à barbe et textes fournis de Dalton Telegramme, Quentin Maquet se raconte… et nous présente Victoria. Second album coquin du groupe liégeois, fruit d’une nouvelle aventure artistique.

Il débarque gare du Midi, à Bruxelles, en provenance de la Principauté : en train, vu que Quentin ne conduit pas. Par contre, il prend bien la direction des chansons de Dalton Telegramme et suit une route spécifique des paroles, encore mieux dessinée sur ce second album parfaitement bitumé. Si le premier opus discographique de Dalton Telegramme, Sous la fourrure, paru en 2016, était de nette obédience country-rockeuse, celui-ci se rapproche clairement d’une chanson française tourmentée par les secousses amoureuses. Pas pour rien que l’allusion à l’équipe Alain Chamfort-Jacques Duvall traverse le disque comme la conversation :  » Sur scène, on joue volontiers Souris puisque c’est grave, l’un des meilleurs titres de Chamfort-Duvall. J’adore parce que c’est le règne du second degré, en toute simplicité, sans que cela ne soit jamais plombant. Malgré l’évocation de sentiments amoureux, disons, compliqués.  »

la prose de Quentin se nourrit moins de roucoulades belgo-siciliennes que de mauvaise foi à la San Antonio.

Et Quentin sait de quoi il parle. Tout en posant le cadre de la carrière de Dalton Telegramme, jusqu’ici marquée par un style parent du folk nord-américain.  » En allant au Canada en 2010 avec le groupe, on a eu un énorme coup de foudre pour le country-folk chanté en français. Et c’est devenu notre paradigme pendant une petite dizaine d’années, mais la chanson française était toujours tapie. Et voilà qu’elle ressurgit maintenant.  » Aux textes fleuris, Quentin aligne des anecdotes de même nature. Par exemple lorsque, profitant d’un autre séjour au Québec, où les Dalton sont mieux accueillis qu’à domicile, le groupe se paie le minitrip à New York.  » A la frontière des Etats-Unis, trimballant nos instruments, lorsqu’on nous a demandé en quoi consistait notre musique, les douaniers américains ont trouvé extrêmement drôle l’idée que l’on chante de la country en français. En fait, ils n’en revenaient pas vraiment. Ah, ah !  »

San Antonio

Au-delà de l’exotisme de la proposition, la bande à Maquet touche déjà par les textes, drôles et fissurés. Ou la plume raconte des histoires volontiers looseuses, foirages sympathiques et amours chancelants souvent tournés à l’aigre-doux existentiel. Difficile, du coup, de ne pas rhabiller pour l’hiver Quentin de ses mots faussement à froid. La réalité se charge, une nouvelle fois, de créer la distance entre fiction et biographique. Scénarios de disques et vécu.  » Je ne suis pas un érotomane (sourire) mais je suis un romantique. J’aime bien qu’il y ait, dans une chanson, à un certain moment, la place pour un sentiment amoureux. Sans être un chanteur de charme comme Frédéric François.  » Certes non puisque la prose de Quentin se nourrit moins de roucoulades belgo-siciliennes que de mauvaise foi à la San Antonio.  » J’ai toujours adoré la série mais j’étais déçu s’il n’y avait pas d’évocation amoureuse dans l’un des bouquins.  »

Album Victoria chez Art-i. En concert le 13 octobre prochain au Botanique, à Bruxelles, et le 30 novembre, à Hotton. www.daltontelegramme.com
Album Victoria chez Art-i. En concert le 13 octobre prochain au Botanique, à Bruxelles, et le 30 novembre, à Hotton. www.daltontelegramme.com

Frédéric Dard donc, mais également Simenon, Tom Wolfe, James Ellroy, Romain Gary ou encore Thomas Gunzig campent régulièrement au pied du lit de Monsieur – et Madame Maquet. Qui se trouve dans une bourgade ardennaise – Comblain-au-Pont – à quelques kilomètres de son job régulier, prof à mi-temps à l’athénée d’Esneux.  » Ce qui est sympa, c’est que l’athénée a une section spéciale d’écriture de chansons. A l’école, j’essaie de ne pas trop mélanger les genres, donc je segmente pas mal. D’ailleurs, les élèves, surtout ceux de 12-13 ans, se foutent complètement de l’existence de Dalton Telegramme. Bon quand ils savent qu’on a joué à Dour, le regard change un peu (sourire).  » Et puis, le contexte scolaire peut aussi servir d’inspiration à l’écriture :  » Je ne peux quand même pas m’empêcher d’être nourri par les ados, des puits d’émotion. Sur le nouvel album, Lolita 83 aborde la question des réseaux sociaux et Mon sanglot, la problématique de l’introverti, du timide de la classe, qui a souvent davantage à dire que le fort en gueule. Ce morceau, c’est le gars qui ne dit généralement rien et qui décide enfin de parler.  »

 » Une espèce de Moulinsart  »

Pédagogie de la musique ? Quentin est né dedans grâce à un père qui travaille aux Jeunesses musicales, et une mère psy qui, aux cours donnés en section professionnelle, ajoute une participation à des fanfares. Le gamin Maquet est du genre décalé :  » J’étais dans ma bulle, avec une barbe à 8 ans comme dans La Famille Addams (rire) et puis, devenu ado moqueur, j’avais plutôt tendance à emmerder les autres. Après, j’ai fait des études d’histoire de l’art à l’université de Liège. Je n’en ai rien gardé même si, à une époque, j’aurais pu gagner Questions pour un champion…  » Après des passages dans le groupe festif Orfeo, où il joue de la trompette, Quentin se met à l’écriture de chansons à l’âge de 25 ans – il en a désormais dix de plus – avec des désirs de  » distanciation et de second degré « . Qu’il exerce dans Dalton Telegramme fondé en 2009. Groupe où il côtoie aujourd’hui Rémi Rotsaert (guitare, banjo, harmonica), Olivier Cox (percussions), Bernard Thoorens (contrebasse) et la dernière recrue, Fanny du groupe Faon Faon, additionnant ses qualités vocales à celles de Quentin.

Le tout, plus électrique qu’auparavant, donne du jus aux morceaux, radiophoniques et faussement bonhommes comme Pourvu qu’on s’en lasse ou Le jour du seigneur.  » Je ne suis pas un grand aventurier ou un grand engagé, mais écrire des chansons reste une évasion. Parfois, ma copine me demande pourquoi je dis telle ou telle chose, comme si c’était la vérité mais en fait, c’est juste le plaisir de raconter des histoires, de se glisser dans des peaux différentes.  » Victoria a été mis en boîte à La Frette,  » une espèce de Moulinsart  » dans les environs de Paris dont le propriétaire a racheté la table de mixage analogique servant au label d’Eddie Barclay dans les années 1960.  » Avant qu’on enregistre là-bas, il y avait eu Arctic Monkeys.  » Sans nul doute, avec un autre genre de budget puisque les Dalton ont bouclé leur second album pour un modeste 20 000 euros, y compris le mix finalisé dans un petit studio liégeois.  » Les disques, en principe, ne se vendent plus guère, précise Quentin, mais il est pourtant impossible de ne pas en faire. L’album reste malgré tout un aboutissement. Et la nuit, je rêve davantage au prochain disque qu’à la célébrité.  » Ce qui n’arrangera pas forcément madame Maquet.

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