Quand les partis osaient annoncer la couleur

1961, 1965, 1968 : c’était au temps où les rendez-vous électoraux s’abordaient sans ménagements. Où l’envie d’en découdre s’affichait sur les murs, aux coins des rues. Le Vif/L’Express a ressorti des affiches électorales. Et les a soumises à des acteurs politiques d’hier et d’aujourd’hui.

Elles débutent dans le fracas de la plus grande grève jamais connue en Belgique, elles se clôturent dans la fureur et les larmes du  » Walen buiten  » qui boute les francophones hors de Louvain. Hot, les sixties ! Elles ont mis plus d’une fois le feu au sein du monde politique. Droite-gauche, Flamands-Wallons : les partis se montrent d’humeur belliqueuse. Quand ils partent en campagne, ils ne craignent pas encore de désigner ouvertement l’adversaire. Souvent pour mieux le dénigrer.

Mars 1961, mai 1965, mars 1968 : trois batailles électorales d’envergure nationale, dont deux anticipées. Et pas vraiment la guerre en dentelles.

Une personnalité prend tous les coups, à l’aube de la décennie : Gaston Eyskens, Premier ministre CVP. Incarnation du mal, de cette  » loi unique  » qu’il porte à bout de bras et qui conduit le pays au bord du chaos social.

 » Eyskens à la porte ! », tout un programme… Le mot d’ordre qu’affiche la gauche vaut tous les discours.

Son fils Mark n’a pas trente ans à l’époque. Tous les jours, il voit son père encaisser, stoïquement.  » C’était un moment extrêmement dur à vivre pour lui. Il recevait des menaces, il était protégé jour et nuit par les gendarmes. Le Lambermont, la résidence du Premier ministre, était transformée en forteresse, avec des sacs de sable disposés sur les soupiraux pour éviter qu’on y jette des grenades « , raconte Mark Eyskens.

 » Lors des débats parlementaires sur le projet de loi unique, mon père a été pris d’un malaise, il est tombé de son banc à la Chambre. On a diagnostiqué un problème d’équilibre au niveau de l’oreille, causé par un stress trop intense. Tandis qu’il gardait le repos au Lambermont, les coprésidents du Parti socialiste, Léo Collard et Jos Van Eynde, ont demandé à pouvoir lui rendre visite. « 

 » Ma mère, indignée, ne voulait pas : « Recevoir des gens qui appellent à la grève et l’insurrection ! Un comble ! »  » s’emportait-elle. Je l’ai convaincue qu’il fallait pouvoir faire la distinction entre relations personnelles et combat politique. Mon père, alité, a été très touché par ce geste. Même si Jos Van Eynde l’a prévenu : « Dès que vous êtes rétabli, on reprend les hostilités. » Et la bagarre a effectivement repris. « 

Les sixties, une autre planète en politique. Une façon radicalement différente de communiquer, de convaincre, de séduire ou de faire peur à l’électeur. L’affiche électorale est encore reine quand il s’agit de frapper les esprits, la télévision pointe seulement le bout du nez pour la détrôner, les nouveaux médias sont une vue de l’esprit.

Pour le plaisir des yeux, du trait qui porte et de la formule qui pique, Le Vif/L’Express a exhumé quelques belles pièces de l’arsenal électoral de l’époque. En confrontant des acteurs politiques de premier plan aux affiches qui portaient leurs couleurs.

Années 1960… Mark Eyskens (CD&V), Herman De Croo (Open VLD), et Willy Claes (SP.A) faisaient leurs premiers pas en politique. Thierry Giet (PS), Charles Michel (MR) et Benoît Lutgen (CDH) n’étaient pas encore ou à peine nés. Regards croisés d’anciens ténors de la politique flamande et des présidents des trois partis francophones traditionnels, sur une com’… comme on n’en fait plus.

ENTRETIENS : PIERRE HAVAUX

Une façon différente de communiquer, convaincre, séduire

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