Cosina : " On aurait tort de considérer que le sujet de cette prise de vue est le personnage qui se trouve au centre. Si on regarde bien le bord de gauche, on aperçoit un encadrement de pierre, une marge. Ce détail est crucial, il bouleverse toute l'image. " © Francesco Neri

Prétextes paysans

A Bruxelles, la Fondation A expose le travail de Francesco Neri, dont les images, s’appuyant sur le monde rural, invitent à porter un regard rapproché sur la photographie. Pour Le Vif/L’Express, il commente six d’entre elles.

Né en 1982 à Faenza, en Emilie-Romagne, dans le nord de l’Italie, Francesco Neri a d’abord étudié le graphisme avant de s’intéresser à la photographie. Son parcours le confronte à deux conceptions radicalement différentes de l’image.  » J’ai accompli un stage de plus d’un an à Paris, chez Magnum, confie-t-il. Ensuite, j’ai découvert l’approche de Guido Guidi en suivant ses cours à l’Académie des beaux-arts de Ravenne. D’un côté, le sentimentalisme du reportage ; de l’autre, une volonté de tendre vers l’objectivité.  »

Au moment de choisir sa voie, Neri n’a pas une seule hésitation, c’est dans les traces du maître italien obsédé par l’idée d’une  » insistance du regard  » qu’il s’engouffre. Passant progressivement d’un petit Leica à une chambre technique Deardorff 8×10, la même que Walker Evans mais en version 2.0, le jeune homme dessine les contours d’une oeuvre exigeante et paradoxale. Paradoxale ? Sans hésiter. Aussi, lorsqu’il nous donne à voir des  » paysans et des villageois  » – la traduction de  » Contadini e Paesani  » -, il est aisé de faire fausse route en imaginant le propos d’un Raymond Depardon sur la disparition du monde agricole. A mille lieux de là, Francesco Neri explique s’être intéressé à la ruralité parce que cet environnement constituait son entourage le plus proche et aussi parce que les gens y cultivaient la lenteur – le rythme qui est le sien lorsqu’il s’agit de prendre des photos.

Castelguelfo :
Castelguelfo :  » Une mauvaise lecture de ce cliché consisterait à penser qu’il s’agit d’une fourche envisagée comme un symbole de la condition paysanne. Le vrai sujet de cette image est la lumière, comment celle-ci éclaire le réel, le façonne. « © Francesco Neri

Francesco Neri. Contadini e Paesani : à la Fondation A, à Bruxelles, jusqu’au 29 mars prochain. www.fondationastichting.be

Bagnile :
Bagnile :  » Cette photographie représentant une grenade est assez atypique dans mon oeuvre puisqu’il s’agit d’un hommage, ce que je pratique rarement. En immortalisant ce fruit, qui ne donne pas envie de le manger, j’avais en tête une célèbre pomme shootée par le grand photographe américain d’origine luxembourgeoise Edward Steichen. « © Francesco Neri
Fognano :
Fognano :  » J’ai pris cette image de Pina en 2019. Mon travail doit également se comprendre comme une entreprise autobiographique. En photographiant les paysans de la région qui m’entoure directement, je choisis de laisser une trace de ma propre existence. A côté de cette trace, j’entends aussi créer un document de mon époque. « © Francesco Neri
Bagnacavallo :
Bagnacavallo :  » Les gens des campagnes ont ceci de formidable qu’ils ne cherchent pas à donner une quelconque image d’eux-mêmes. Ils sont juste là, simplement présents. Dans mes photographies, je ne traque surtout pas la beauté du sujet, je souhaite au contraire que celui-ci s’efface pour que le spectateur puisse s’intéresser au reste du cadrage. « © Francesco Neri
Borgo San Lorenzo :
Borgo San Lorenzo :  » Pour une fois, il ne s’agit pas de l’Emilie-Romagne mais de la Toscane. Le matin, très tôt, du jour de Pâques 2019. Pour moi, c’est la lumière parfaite. Il n’y a pas d’ombre, pas de relief. Chaque élément de l’image a la même importance, le regard peut donc circuler librement des feuilles aux troncs, des troncs à l’échelle. « © Francesco Neri

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