Présidence

Le présidentialisme renforce-t-il, ou non, le régime démocratique ? Christine Demay, Bruxelles

Un Etat démocratique où existe la double élection d’une assemblée parlementaire et d’un président connaît un conflit permanent de légitimité, puisque président et parlement sont issus des urnes. Soit ils appartiennent à la même majorité et le pouvoir du président n’a pratiquement pas de limites : le parlement devient un parlement croupion. Soit les majorités sont différentes et elles se neutralisent l’une l’autre. Or la démocratie ne fonctionne correctement que si une majorité se dégage périodiquement pour mettre en pratique ses propositions. Si la majorité qui élit le président est contraire à celle – tout aussi légitime – qui élit le parlement, que peut faire ce dernier ? Et inversement ? Imaginer que l’on puisse partager les pouvoirs – en gros, au président l’exécutif, et au parlement, le budget – est illusoire. La démocratie est un tout qui légifère, nomme l’exécutif et le contrôle.

Le second défaut du présidentialisme accentue encore le désarmement démocratique du pays. L’élection du chef de l’Etat transforme les partis en écuries pour présidentiables. Leur fonctionnement n’obéit plus qu’à ce seul objectif. Aux Etats-Unis, un électeur sur deux s’abstient. Pourquoi mettre un bulletin dans l’urne ? Idéologiquement, les partis sont des coquilles vides. Ils n’existent que pour installer à la Maison-Blanche un homme qui s’est imposé parce qu’il dispose de ressources financières considérables. En France, les candidats « sérieux » n’ont cure d’une majorité d’idées. Ils aspirent à gouverner au centre. Là, avec des nuances, règne un consensus traversé essentiellement par des intérêts strictement corporatistes. Ce qui permet de promettre un peu de tout à tout le monde. L’opinion en a, sinon la certitude, du moins une appréhension certaine. Son dédain des partis, citadelles des professionnels de la politique, s’en trouve renforcé. Ainsi s’étiole toute espérance d’un changement vrai.

Ce mépris – et c’est le troisième défaut du présidentialisme – infantilise les électeurs. Foin de débats d’idées, foin d’un projet politique fort, foin de cette longue et active patience qui fait d’une personne un citoyen politisé. Reste l’indifférence individualiste ou, avec les meilleures intentions du monde, des activités gesticulatoires, voire caritatives. Quant à l’élection présidentielle, elle vole en général assez bas. S’agissant du choix d’une personne, l’important est de porter celle-ci aux nues ou de la salir de quelque manière que ce soit. Père noble, père outragé, nous sommes tous tes enfants !

Jean Nousse

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