PRESIDENCE BELGE

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

A cent jours du début de la présidence belge de l’Union européenne, où en sont les préparatifs ? Aménagement des lieux d’accueil, répartition des activités entre ministres fédéraux et régionaux, définition des priorités belges… : la course contre la montre est engagée

« La présidence belge ? Cela fait un moment qu’elle nous mobilise à plein temps, s’exclame-t-on au cabinet de Louis Michel, le ministre des Affaires étrangères, associé depuis janvier à la « troïka » qui pilote la politique étrangère européenne. Mais, à trois mois et des poussières du grand moment, la tension devient palpable… »

A partir du 1er juillet prochain et pour six mois, la Belgique tiendra les rênes de l’Union européenne. Le programme de la présidence belge n’a pas encore été officiellement présenté mais on en connaît déjà les grandes lignes. Il sera dans une large mesure dicté par l’agenda européen. Le renforcement de la politique étrangère commune fait partie des priorités, de même que les dossiers d’asile et d’immigration, la sécurité alimentaire, l’Europe sociale et, bien sûr, l’élargissement à de nouveaux pays. La Belgique est, par ailleurs, chargée de préparer le lancement de l’euro, prévu dès la fin de son mandat. Mais le point d’orgue de la présidence sera sans aucun doute la déclaration sur l’avenir de l’Union européenne, qui devrait être approuvée lors du sommet européen de Laeken de la mi-décembre.

En réalité, les Belges préparent leur présidence depuis un an déjà. La complexité institutionnelle du pays ne simplifie pas, en effet, l’organisation des activités. La présidence des différents conseils formels et informels et la représentation de la délégation belge lors de ces sommets ont fait l’objet de longues tractations entre le gouvernement fédéral, les Régions et les Communautés. La Région bruxelloise a ainsi décroché la présidence du Conseil de la recherche scientifique et elle représentera la Belgique au Conseil du marché intérieur. La Région wallonne hérite, elle, de la présidence du Conseil des ministres de l’industrie (le 18 décembre, à Bruxelles) et de celle du Conseil informel centré sur la politique régionale et l’aménagement du territoire (les 13 et 14 juillet, à Namur). La Région flamande conduira, pour sa part, les débats des ministres de l’Education, de la Jeunesse et du Tourisme.

Le Conseil de la culture et de l’audiovisuel fait l’objet du compromis le plus boiteux. Le secteur est sensible, puisqu’il concerne notamment la question de l’aide au cinéma. La Communauté française a réussi à arracher la présidence de cette réunion, tandis que la Région flamande y défendra le point de vue belge. Toutefois, comme Bruges aura en 2002 le titre de capitale européenne de la culture, la Flandre a tenu à organiser son propre Conseil des ministres de la culture dans la Venise du Nord. Or le calendrier fixe ce rendez-vous brugeois après le Conseil formel. Ce qui n’a pas beaucoup de sens, puisque les réunions informelles servent notamment à préparer les sommets officiels des Quinze…

Pour coordonner les efforts et éviter les couacs, l’établissement du calendrier a été confié à la direction de l’intégration européenne du ministère des Affaires étrangères – « P 11 » en jargon bureaucratique – qui collabore étroitement avec la représentation permanente auprès de l’Union, « vitrine » de la Belgique au niveau européen. Tous les cabinets fédéraux et fédérés ont été consultés. Quant au budget de la présidence, il a été arrêté à 900 millions de francs, auxquels viennent s’ajouter la participation de la Région flamande (200 millions), celle de la Région wallonne (autour des 150 millions), celle de la Région bruxelloise (de 30 à 50 millions) et celle de la Communauté française (environ 37 millions). Soit, au total, 1,3 milliard de francs, alors que la Suède, qui préside l’Union actuellement (lire aussi en page 74), à prévu un budget trois fois plus élevé ! Sont comptabilisés dans ces dépenses le renforcement du personnel des Affaires étrangères – une centaine de diplomates, fonctionnaires, secrétaires et hôtesses sont affectés à la présidence – ou encore les nombreux déplacements internationaux des ministres belges.

Le budget et le calendrier fixés, il a fallu aussi veiller à l’organisation pratique de l’événement. Une « cellule présidence » de quatre personnes, dirigée par Xavier Demoulin, ancien ambassadeur à Madrid, a été mise sur pied pour superviser tous les préparatifs. Chapeautée par une « task force » présidée par un représentant du Premier ministre, cette cellule s’appuie surtout sur les services des Affaires étrangères et la Régie des bâtiments. Plusieurs immeubles doivent, en effet, être aménagés ou remis à neuf en vue de la présidence.

Le palais d’Egmont, dont les salles accueilleront de nombreuses réunions et réceptions organisées par les ministres fédéraux, est l’un de ces lieux en pleine cure de jouvence. On prévoit aussi des travaux à l’abbaye Saint-Pierre, à Gand, où se tiendra un conseil le 12 octobre prochain. L’Orangerie du château de Laeken sera également aménagée: elle hébergera les délégations lors du sommet des 14 et 15 décembre. Les milliers de journalistes qui viendront suivre l’événement s’entasseront, eux, dans trois palais du Heysel qui seront équipés de studios, de postes de travail, de lignes télécoms…

« La plupart de ces aménagements, souvent temporaires, ne pourront être réalisés qu’au dernier moment, remarque Xavier Demoulin. Car ces lieux fort utilisés ne sont pas encore disponibles pour la présidence. D’ici là, on doit tout vérifier dans les moindres détails pour pouvoir mandater les entrepreneurs: besoins techniques et informatiques, télécommunications et sécurité des bâtiments, accueil et restauration… On finalise ainsi les cahiers des charges en vue de lancer les appels d’offres. »

Le Premier ministre Guy Verhofstadt attendra le début du mois de mai pour présenter au Parlement belge, puis aux médias, les grands axes politiques et les aspects pratiques de la présidence. De même, le site Internet officiel créé pour l’occasion ne sera pas mis en service avant le 1er juin prochain, « pour ne pas faire concurrence aux Suédois », explique-t-on aux Affaires étrangères. La réalisation de ce site en quatre langues a été confiée à la firme gantoise The Reference, qui teste actuellement son fonctionnement. Le Conseil des ministres a, dans le même temps, approuvé le logo officiel de la présidence belge, qui sera également utilisé par les Régions et les Communautés (elles pourront néanmoins l' »individualiser » dans leur correspondance).

Tout doit être réglé comme du papier à musique. Un document approuvé par le gouvernement évoque ainsi les mesures de sécurité particulières à prendre pour certaines délégations, en particulier l’espagnole et l’italienne. On y mentionne encore les besoins en escortes motorisées, en voitures blindées, voire les régimes alimentaires exigés par certains dirigeants et les cadeaux qui seront offerts aux invités: mallettes Delvaux pour les chefs d’Etat et de gouvernement; CD du concours Reine Elisabeth et de « musique actuelle belge », BD, pralines, foulards, cravates ou jeux de cartes pour les autres membres des délégations. « Il faut soigner nos hôtes, remarque Demoulin, le coordinateur. On tient également compte de l’expérience acquise par nos prédécesseurs. Lors des derniers sommets, on s’est aperçu que les dirigeants européens accordaient beaucoup d’importance à l’acoustique des lieux. Certaines salles avaient une insonorisation déficiente. »

La perspective de la présidence belge a, en outre, incité la capitale à se refaire une beauté. L’accord de coopération entre l’Etat et la Région bruxelloise a permis d’accroître l’enveloppe fédérale consacrée à des investissements de dimension nationale à Bruxelles. Le cabinet de la ministre Isabelle Durant suit donc de près, pour le gouvernement, plusieurs chantiers à réaliser ou à accélérer pour le 30 juin. Ainsi, la future place du Conseil, au bas de la rue Belliard, doit être terminée, contractuellement, à cette date. Les travaux de ce chantier de 100 millions de francs ont commencé le 10 janvier dernier. Un autre chancre du quartier européen est également en train de disparaître. Situé à l’ombre du Berlaymont, le « Jardin de la vallée du Maelbeek », planté sur un morceau de verdure sauvé in extremis par la Ville, sort de terre. Son inauguration est prévue pour le 21 juin, premier jour de l’été.

D’ici là, le « mail », l’immense dalle de béton posée sur la gare du Luxembourg, doit être parachevé: la société Espace Léopold et la SNCB sont convenus de terminer cette liaison entre le Caprice des dieux (le Parlement européen) et l’accès à la nouvelle gare bruxelloise avant juin prochain. Par ailleurs, la rénovation de la rue des Petits Carmes, où trône l’imposant bâtiment du ministère des Affaires étrangères, est en cours. De même, la Belgique tient à ce que les travaux d’aménagement des abords de la gare du Midi, une zone chaotique qui ternit, depuis des lustres, l’image de la capitale, soient pratiquement terminés pour le début de la présidence. Les retards accusés par plusieurs chantiers ne menaceraient pas, selon le gouvernement fédéral, « l’achèvement de la plupart des travaux pour le 30 juin ». Mais le temps presse. A cent jours de la présidence, le compte à rebours a commencé.

Olivier Rogeau

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire