© Charles Monnier

Prendre le melon

Et si je vous emmenais en vacances… dans un verre de vin. Par la grâce d’une bouteille, fermer les yeux, faire appel à ses sens et visiter un coin de France, d’ailleurs… En somme, voyager dans le temps et l’espace, juste le nez dans le verre, la langue pétrie de souvenirs.

Le samedi est une journée détestable, souvent. La fatigue de la semaine s’est accumulée, et il faut pourtant sourire, répondre, conseiller, porter, emballer, monter et descendre les escaliers un nombre incalculable de fois. Alors, ce sont les chaussures qui valsent en premier. Tout ce qui est superflu est ôté : bagues, boucles d’oreille, fringues devenues inutiles. Il s’agit de se retrouver soi, sans fioritures. Musique, Bryan Ferry, pourquoi pas, et du vin bien sûr : la bouteille, convoitée depuis le matin, attend au frais, sage, perlée d’humidité. Elle fera la paire avec le plateau de sushis, parce qu’on ne veut plus lutter, parce qu’on mangera à même le plastique, et sans doute avec les doigts. Et songer à cette litanie, martelée trop souvent :  » Non, non, muscadet, ce n’est pas sucré, ça n’a rien à voir avec le muscat.  » Enquiller comme un réflexe sur le melon de Bourgogne, la Loire atlantique, enfin la Bretagne, les vins sur lie, les différents terroirs. Quoi ? Vous n’imaginiez pas ? Pourtant, en se promenant en pays nantais, ce sont tour à tour les sables, les terres limoneuses, le calcaire, la serpentinite, les schistes sous nos pieds. L’été est beau et doux : il est bon d’être, là, d’imaginer apprendre à se taire, juste pour le bonheur du vent teinté d’iode sur les joues, du soleil qui caresse le nez et les cimes des vignes. Longtemps, le muscadet a été méprisé. Un peu si l’on y songe, comme la musique pop, trop varièt’, les chansons d’amour sirupeuses et pourtant irrésistibles. Puis, il y a eu la moustache de Jo, et d’autres plus jeunes qui ont suivi. Des sourires à s’en péter les mâchoires, des bras tendus et des oreilles attentives à renouveler ce qui s’était endormi. Le vin est presque trop froid, mais ce n’est pas si grave : en patientant un peu, la chaleur du verre va se communiquer et ce sera juste parfait. Versé, c’est un liquide à peine teinté, aux reflets or et vert, curieuse métamorphose due au temps passé en cave. Au nez, les agrumes, pamplemousse bille en tête, et des notes plus étranges, comme de la pierre chaude mouillée. Il raconte les pluies d’été, la chair croquante de l’abricot, puis le baiser acide du citron, sur la fin, comme pour rappeler le plaisir de la morsure, du twist qui nous fait nous sentir en vie, ô combien !

Domaine Luneau-Papin, muscadet sèvre-et-maine, Les Pierres blanches, 2010 (Loire).
Domaine Luneau-Papin, muscadet sèvre-et-maine, Les Pierres blanches, 2010 (Loire).
Sandrine Goeyvaerts
Sandrine Goeyvaerts© DR

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire