Pourquoi la N-VA doit sauver le Vlaams Belang

Se rendre incontournable au parlement flamand au soir des élections de mai 2014 : la clé de la stratégie de la N-VA passe par la bonne tenue électorale du Vlaams Belang. En lui abandonnant les obsessions communautaires pour se rabattre sur la priorité socio-économique.

C’est un parti au tapis. Tenu désormais pour quantité presque négligeable. Et que certains croient même déjà pouvoir enterrer. Y a pas photo : le Vlaams Belang ne fait plus rêver une grande partie de la Flandre et ne fait plus frémir le pays. Le cauchemar n’est plus qu’un mauvais souvenir : l’extrême droite flamande raciste et triomphante, qui a volé de victoire en victoire jusqu’au scrutin fédéral de 2007. Jusqu’à capter 24 % des voix flamandes au scrutin régional de 2004 et devenir, de fait, le premier parti de Flandre.

Plus lourde a été la chute. Première vraie défaite électorale aux régionales et européennes de 2009, graves dissensions internes, à peine 12,4 % de voix engrangées au dernier scrutin fédéral de 2010. Le Vlaams Belang est tombé de haut. Sans trop savoir s’il a déjà touché le fond.

Déclin aussi spectaculaire que l’envol de la N-VA qui lui a volé la vedette. Le Belang, combien de divisions ? Onze députés fédéraux, quatre sénateurs et dix-huit parlementaires régionaux, soit toujours un de plus que la N-VA au parlement flamand.

Plus pour longtemps, sans doute : les perspectives en vue du triple rendez-vous électoral du 25 mai 2014 (fédéral, régional, européen) s’annoncent peu réjouissantes. Mais pas désespérées. Le Vlaams Belang connaît des hauts et des bas au fil des sondages. Piquant : ses scores en dents de scie coïncident systématiquement avec les soubresauts à la baisse ou à la hausse qu’enregistre la N-VA.

N-VA qui rit. Belang qui pleure. Et inversement

Février 2013 : la N-VA grimpe à 39 % des intentions de vote en Flandre, alors que le VB pique du nez à 6,8 %. Mai : la N-VA est annoncée en net recul à 32,8 % des voix, le Vlaams Belang connaît un rebond tout aussi spectaculaire, pointé à 11,4 %. Rebelote début septembre : la N-VA, à 30,7 % des intentions de vote, décroche son plus mauvais score depuis le scrutin de 2010, le Vlaams Belang est crédité de 11,9 %.

N-VA qui rit, Belang qui pleure. Et inversement. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme au sein de la mouvance nationaliste flamande. Bart De Wever et ses conseillers en stratégie ont tout intérêt à méditer la théorie des vases communicants. Mal assimilé, ce principe peut contrarier leur marche vers le pouvoir.

Pleins feux sur le parlement flamand. Les nationalistes ambitionnent de s’y rendre mathématiquement incontournables, au soir du 25 mai 2014. Ils en font une clé décisive de leur stratégie conquérante.  » Un atout crucial, insiste le politologue à la KUL Bart Maddens. Ce sera le seul moyen pour la N-VA d’éviter, comme c’est très probable, d’être mise sur la touche par les autres partis au lendemain des élections.  »

A moins d’un tsunami d’une amplitude inouïe, impossible pour la N-VA de s’assurer cette position de force par ses propres moyens. Qui d’autre que le Vlaams Belang pour lui prêter son concours ?  » Etant donné que toute participation du Vlaams Belang à un gouvernement flamand est exclue par les partis traditionnels, plus le Belang sera important, plus il augmentera les chances pour la N-VA de devenir incontournable.  »

Une équation à deux inconnues :  » Tout dépendra du résultat commun de la N-VA et du Vlaams Belang aux élections régionales en Flandre. N-VA et Vlaams Belang doivent ensemble obtenir environ 47 % des voix. Si ces deux partis décrochent 61 des 124 sièges au parlement flamand, aucun gouvernement flamand ne pourra être formé sans la N-VA.  » C’est loin d’être gagné. Les scores de la N-VA et du VB aux élections provinciales d’octobre 2012 (37 % des suffrages, 49 sièges) témoignent d’un manque à gagner de 10 % de voix sur l’objectif 2014. Le défi suppose que le bloc nationaliste flamand sorte sensiblement renforcé du prochain scrutin régional. Qu’en son sein, le Vlaams Belang assure sa part du travail par un apport suffisant de voix. Et que l’extrême droite flamande cesse, dès lors, d’être siphonnée par le parti de Bart De Wever.

Affaiblir le Vlaams Belang, participer à son effondrement, ce serait se tirer une balle dans le pied. Aux nationalistes flamands à peser le pour et le contre. Gros dilemme.

Le scénario du bon sens

 » Si la N-VA se profile radicalement sur le plan communautaire, elle peut prendre des sièges au Vlaams Belang mais elle perdra des voix au profit des partis traditionnels « , observe Bart Maddens. Cette option-là ne sert pas la cause nationaliste : elle revient à diminuer le nombre global de sièges nationalistes au parlement flamand. Et maintient hors de portée le levier de blocage sur les négociations fédérales tant convoité.

En revanche, que la N-VA glisse vers le centre en lissant son profil communautaire, et le Belang devrait reprendre du poil de la bête, tandis que Bart De Wever se consolera en grappillant des voix aux partis traditionnels. Le scénario du bon sens, argumente Bart Maddens :  » Le nombre de sièges de la N-VA reste stable, mais le nombre total de sièges décrochés par le bloc nationaliste flamand augmente. C’est la seule chose qui compte : accroître les chances de la N-VA de devenir incontournable au gouvernement flamand.  »

Mieux vaudrait que la N-VA arrête sa pêche intensive dans les eaux troubles du Vlaams Belang pour tenter de ferrer des électeurs de centre droit logés du côté de l’Open VLD et du CD&V.

Changement de cap, machine arrière et barre à droite : la N-VA met une sourdine à sa vision fumeuse du confédéralisme et évite ainsi de passer pour le parti du chaos et de l’aventure. Elle lui substitue la priorité au redressement socio-économique par la mise en oeuvre d’un programme gouvernemental de droite. C’est la nouvelle trajectoire que Siegfried Bracke, député fédéral et lieutenant trop bavard de De Wever, a éventée dans la presse. En causant embarras et tensions au sein de son parti.

C’est que la N-VA joue sur la corde raide. Elle devrait ainsi se résigner à laisser au Vlaams Belang la joie d’un retour au bercail de militants et d’électeurs radicaux. Par pur calcul électoraliste, insiste Bart Maddens.  » La N-VA tient à se profiler comme le parti anti-Vlaams Belang : légaliste et pas révolutionnaire, adversaire d’une indépendance immédiate de la Flandre, porteur d’un discours positif sur la politique d’immigration, profilé au centre droit sur le plan socio-économique.  »

Le Vlaams Belang n’en a cure. Le maillon faible de la chaîne nationaliste se prépare à jouer les utilités pour la puissante N-VA en mai 2014. A l’affût du moindre faux pas de son frère ennemi pour rebondir. Qui sait ?

Par Pierre Havaux

 » Plus le Belang sera important, plus il augmentera les chances pour la N-VA de devenir incontournable au gouvernement flamand  »

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