Pourquoi la France devient anti-Sarko

Une révolution, président ? Non, mais une révolte. Des fonctionnaires qui désobéissent, des ouvriers qui grondent, des électeurs de droite qui doutent… Pendant que la crise mondiale s’aggrave, la personnalité et la politique du chef de l’Etat suscitent de plus en plus de tensions.

La paix n’est pas son genre. Nicolas Sarkozy donne toujours l’impression d’être en guerre. Au cours des dernières semaines, il n’a pas dissimulé sa rage contre (dans le désordre) la Commission européenne, les banquiers, Gordon Brown, les enseignants  » qui disent à peine bonjour « , les humoristes, ses propres collaborateurs, Ségolène Royal, les psychiatres, etc. – la liste est longue.  » Il est dans une stratégie de violence permanente « , note un ministre, qui sait de quoi il parle : les membres du gouvernement ne sont pas les derniers à subir les colères présidentielles.

Parce que la quête permanente de clivages est érigée en ligne politique à l’Elysée, l’antisarkozysme se propage, de manière à la fois diffuse et confuse. Plus que celle de ses prédécesseurs, la cote du chef de l’Etat est soumise à des fluctuations de forte ampleur : Nicolas Sarkozy exacerbe les sentiments sur sa personne et porte à leur paroxysme les mouvements contradictoires de l’opinion publique.

Eternel candidat en campagne

Dans cette France qui dit non à son président, on retrouve, sans surprise, des fonctionnaires : la crise aide à transformer certains de leurs réflexes corporatistes en défense du service public. Apparaissent aussi des  » déçus du sarkozysme « . Les classes populaires, que le n° 1 de l’UMP avait séduites en 2007, fournissent le gros de ces bataillons. Mais l’électorat traditionnel de la droite donne également quelques signes d’inquiétude. Selon un récent sondage Ifop, 68 % des médecins libéraux se rangent dorénavant parmi les mécontents. Aussi le projet de loi présenté par leur ministre de tutelle, Roselyne Bachelot, a-t-il la sagesse de repousser à 2012 la remise en question de la sacro-sainte liberté d’installation.

A la fin du mois, après la journée de manifestations du 19 mars, le président, éternel candidat en campagne, tiendra un meeting destiné à prouver qu’il entend les réactions du pays. Et que sa volonté de séduire est intacte. Elle s’exerce toujours en priorité – c’est l’une des clés de son tempérament – en direction des plus antisarkozystes de ses adversaires, pour peu que leur notoriété les place sous les feux des projecteurs. Le footballeur Lilian Thuram n’avait pas eu de mots assez durs sur sa politique ; il s’est vu proposer, à la fin de 2008, d’entrer au gouvernement. Daniel Cohn-Bendit n’avait pas lésiné sur ses critiques sur l’attitude française face à la Chine en matière de droits de l’homme ; il reçut plusieurs coups de téléphone du chef de l’Etat sur son portable. Et entendit même, à l’issue d’un déjeuner, cette gentille proposition :  » Tu as écouté le dernier disque de Carla ? Sinon, je te le donne ! « 

Chercher la reconnaissance de ceux qui le combattent le plus est peut-être pour le président un moyen de se rassurer. A ses amis, il a souvent parlé de  » Marie-Antoinette  » : ainsi, la France est un pays qui n’a pas hésité à guillotiner son roi – et même, pour faire bonne mesure, sa reine, alors que l’intérêt politique ne semblait pourtant pas le commander. Les  » anti  » sont souvent des gens déterminésà

éric mandonnet et ludovic vigogne

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