Pourquoi l’Europe ne marche pas bien

Comment assurer la croissance dans une zone (euro) où les théories, les contradictions et des voiles aveuglants se côtoient. M. Maystadt, dans votre rubrique Opinions du 1er juin 2012, préconise une  » stratégie d’innovation et de développement industriel  » dans une zone où  » les écarts se sont creusés entre pays membres « , une recherche de  » redressement de la compétitivité  » et  » un système supranational de supervision du secteur bancaire « . Oui, sans doute, mais les règles de base sont ignorées, bafouées. On clame partout plus de croissance, tout le monde est d’accord là-dessus, au point que la réunion du G 8 en mai dernier veut même ignorer les politiques d’austérité et de restrictions budgétaires ordonnées par l’Europe et par le FMI, qui, lui, sanctionne surtout à coups de machettes quand une croissance ambiante peut opérer. Le Japon a une dette de…200 % de son PIB, les Etats-Unis de…300 % tandis que la pire en Europe est la dette grecque de 165 %. Qui dit croissance dit confiance, c’est la base : où est-elle ? […]

L’Europe veut développer l’ultralibéralisme dont l’appât du gain immédiat ou à court terme profite à certains sans être réinvesti dans la collectivité. Le profit motive tous les débordements, la malhonnêteté, voire le vol officialisé. Le politique lui-même ne montre pas l’exemple, buté à favoriser l’austérité d’abord même si son discours parle aussi de plus de croissance. Il n’y croit pas lui-même, il s’en moque et s’évertue à sauver une bureaucratie inefficace, pléthorique et oratoire avant tout. Où est parti l’argent ? Où part-il encore ? Qu’en a- t-on fait ? […] Le cas des banques est révélateur : non seulement elles savent que les Etats devront les sauver irrévocablement de la faillite […] mais encore la barre d’objectifs jusqu’à + 10 % de profits supplémentaires et inhumains (mais l’économie est-elle humaine ?) les a poussés à spéculer sur des rentabilités inatteignables, car devenues factices en fin de compte, et donc vers un glissement irrévocable de faillites annoncées. […]

On pourrait plancher sur un gigantesque plan Marshall de la zone euro, avec obligations pour chaque pays de s’investir dans ses avantages compétitifs (nous rejoignons ici M. Maystadt), mais d’une part l’argent dégagé atterrira-t-il là où il doit (on rejoint encore M. Maystadt quand il parle de gaspillage de  » beaucoup de ressources dans des travaux inutiles « ) et, d’autre part, pourquoi la solidarité des gros salaires et des grandes fortunes protégés cherche-t-elle à éviter impôts et taxes en ne déclarant pas tous leurs revenus qu’on demande au commun des mortels, lui, de réduire ?

Là où le bât blesse, c’est que la sacro-sainte démocratie dans laquelle nous sommes perdus par l’immoralité de beaucoup de politiques,  » est malade de sa démesure, le peuple se transforme en masse manipulable. L’économie, l’Etat et le droit cessent d’être des moyens en vue de l’épanouissement de tous et participent désormais d’un processus de déshumanisation. […] Les chefs d’Etat se comportent la plupart du temps comme les individus au sein d’une nation qui ont choisi de vaquer à leurs propres intérêts et de négliger la défense du bien commun.  » (1).

Une vraie solidarité doit remettre les compteurs à zéro, repartir du bon pied moral et se débarrasser des faux-culs. Que protège M. Maystadt ? Je l’apprécie beaucoup, j’aime cet homme mais sans aucun doute fait-il partie d’un système où il est enlisé pieds et poings liés. […]

(1) Tzvetan Todorov, Les Ennemis intimes de la démocratie, Robert Laffont/ Versilio, 2012.

Il n’est pas donné suite aux lettres ouvertes ou portant des adresses incomplètes. La rédaction raccourcit certaines lettres pour permettre un maximum d’opinions.

JOSÉ HEUDENS, BRUXELLES, PAR COURRIEL

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