Pourquoi Carrefour se casse les dents sur la Belgique

Les rumeurs d’un abandon de la Belgique par le géant français de la distribution Carrefour reviennent en force. Anatomie d’un échec déjà avéré, dont la facture sociale risque d’être élevée.

« Nous sommes intéressés par la reprise de magasins Carrefour afin de compléter notre réseau « , déclarait récemment Pierre-Olivier Beckers, patron de Delhaize, à nos confrères de Trends. Le fonds CVC Capital Partners a également marqué son intérêt. Lars Olofsson, CEO du géant français de la grande distribution, n’a pas caché que le groupe était mécontent de ses performances en Belgique, mais un porte-parole a assuré la semaine dernière qu' » une vente ou une reprise n’est pas à l’ordre du jour « . Le chiffre d’affaires 2008 de Carre- four Belgium (4,637 milliards d’euros) est en baisse de 2,7 %. Le groupe de distribution français détient chez nous 56 hypermarchés Carrefour, 372 supermarchés GB, 164 Express et un Rob, et emploie plus de 16 500 personnes (sans compter les magasins franchisés). Depuis sa création en 2000, Carrefour Belgium a  » épuisé  » 2 administrateurs délégués. A l’heure où nous imprimions ces lignes, les rumeurs ne donnaient pas cher de la peau du troisième, Marc Oursin, qui serait remplacé par le patron de Carrefour en… Chine ! C’est dire si la Belgique fait figure de défi…

Une  » malédiction belge  » ?

Pourquoi cette  » malédiction belge  » ?  » D’abord, parce que Carrefour fait face chez nous à deux concurrents très installés : Delhaize et Colruyt, résume Pascale Weber, analyste chez KBC Securities. Colruyt a un modèle très efficace, qui lui permet de pratiquer des prix très bas tout en lui assurant des marges élevées. Impossible, pour Carrefour, de tenter une concurrence sur les prix de ce côté-là. Quant à Delhaize, il met l’accent sur le service, la variété de l’assortiment, et jouit d’une bonne réputation de qualité. La firme a d’ailleurs augmenté ses parts de marché en début d’année, grâce à une communication intense sur ses produits propres. Carrefour  » flotte  » un peu dans ce paysage. Avec des marges minimes et des parts de marché en baisse, difficile d’imaginer comment il pourrait se maintenir.  » Et les  » hypermarchés  » du distributeur français n’ont plus la cote.  » Avec la récession, les clients achètent moins de biens durables, comme de l’équipement ménager ou audiovisuel, reprend Pascale Weber. Les petites surfaces suffisent donc à leurs achats. Et quand ils se décident à acquérir un bien d’équipement, ils se tournent vers des enseignes spécialisées, comme Vanden Borre, MediaMarkt… « 

Si Carrefour se retirait de notre pays, il aurait moins à vendre que l’on pourrait croire. La plupart des magasins sont en  » leasing « , donc moins intéressants pour un éventuel candidat.  » De plus, Carrefour a déjà poussé assez loin sa logique de sous-traitance « , rappelle Pascale Weber.

 » Les enseignes démarchent régulièrement, depuis des années, les franchisés des autres, reprend Pascale Weber. D’ailleurs, les franchisés de Carrefour se portent mieux que les magasins détenus directement par l’enseigne. Leur modèle est plus familial, et donc nettement plus flexible. Souvenez-vous du mois de mai dernier : les hypers – détenus en propre – ont dû fermer le 2 mai, et donc  » faire le pont « , sous la pression des syndicats. Ce n’est sans doute pas un hasard si Colruyt (qui était ouvert le 2 mai 2008) a réalisé, ce mois-là, une de ses meilleures performances. Chez eux, les employés sont actionnaires, la culture d’entreprise est très forte.  » Bref, ce sont plutôt les salariés de Carrefour qui pourraient pâtir d’un retrait…

A.P.

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