» Pour une fois, une réforme de l’Etat respecte la Constitution ! « 

Johan Vande Lanotte (SP.A), vice-Premier ministre et constitutionnaliste, négociateur institutionnel au long cours, est formel : jamais on ne va aussi peu manquer de respect à la Constitution.

Le Vif/L’Express : Réviser la Constitution comme le fait votre gouvernement, dérange le constitutionnaliste que vous êtes ?

Johan Vande Lanotte : Pas du tout. Jamais la Constitution ne sera aussi bien respectée lors d’une réforme de l’Etat ! 1970, 1980, 1988, 1993 : à chacune de ces réformes de l’Etat, on a modifié des dispositions de la Constitution qui ne pouvaient pas l’être sans passer par des élections. Cette fois, on fait beaucoup mieux. Je respecte l’article 195 de la Constitution, mais je suis désolé de dire qu’il n’a jamais été respecté.

Des constitutionnalistes crient pourtant au viol !

Complètement faux. On n’applique que ce qui a été convenu et annoncé clairement au Parlement avant les élections de juin 2010.

L’article 195 est formel : pas question de toucher à des articles non révisables de la Constitution sans de nouvelles élections…

Dans d’autres pays, changer la Constitution nécessite une approbation populaire par référendum. Cela n’existe pas en Belgique. D’où la procédure prévue par cet article 195. Mais c’est un système fou, intenable : on fait des élections, on conclut un accord institutionnel, et puis on devrait refaire des élections pour que l’électeur approuve éventuellement cet accord ? Pourquoi alors avoir voté la première fois ?

Le procédé actuel de révision de la Constitution est-il absurde ?

Il me paraît fondamentalement douteux sur le plan démocratique. Si une majorité élue doit se plier aux décisions d’une majorité sortante, pourquoi les gens doivent-ils encore voter ?

L’électeur ne doit-il pas avoir son mot à dire quand on modifie, sans l’avoir prévu, la Loi fondamentale ?

Etait-ce pour que l’électeur puisse s’exprimer, qu’on a créé ce mécanisme ? Allez ! Au XIXe siècle, je doute fort que le régime était fort intéressé par la voix de l’électeur : ils étaient 50 000 pour toute la Belgique, en 1840. Personnellement, je ne suis pas favorable à la stabilité de la Constitution.

Les francophones y tiennent pourtant farouchement, à ce mécanisme protecteur…

Mais parce que les Flamands le veulent. Il suffit que les Flamands demandent quelque chose pour que les francophones le refusent. Et vice versa. C’est toujours comme ça, en Belgique.

Vous ne risquez rien. La Cour constitutionnelle ne peut juger la régularité du procédé…

Encore heureux ! La Cour constitutionnelle est là pour veiller à l’application de la Constitution, pas pour la faire. C’est au constituant, le pouvoir démocratique, que revient le dernier mot. Le régime de contrôle que vous évoquez a fait couper la tête de Louis XVI, lors de la Révolution française.

ENTRETIEN : PIERRE HAVAUX

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