POLICE Soupçons de corruption et estompement de la norme

Certains marchés publics de la police intégrée pourraient avoir été manipulés. Illustration de ces dérives par les enquêtes en cours à Bruxelles.

Un parfum de corruption plane sur le marché des pistolets Smith & Wesson de la police fédérale, préférés entre autres à ceux de la FN Herstal, en décembre 2011. Une instruction a été ouverte à Bruxelles. Avatar d’une série d’affaires, pas toutes pénales, heureusement, relatives à la gestion des deniers publics dans la sphère policière ? De l’abus des primes de service à la prise d’intérêt lors de la passation de marchés publics, il y a une différence de nature, certes, mais elles ont toutes en commun de coûter cher à l’Etat.

En 1999, le statut policier avait été négocié avec les organisations syndicales par le ministre de l’Intérieur, Luc Van den Bossche (SP.A), puis traduit en textes par son successeur, Antoine Duquesne (MR), avec l’appui du Premier ministre Jean-Luc Dehaene (CD&V). Un statut généreux qui pèse lourdement – on s’en aperçoit aujourd’hui – sur les finances publiques. Tous les avantages des gendarmes, des enquêteurs judiciaires de la PJ, des policiers communaux, etc., ont été égalisés vers le haut pour amadouer des hommes meurtris par l’interminable guerre des polices ayant culminé avec l’affaire Dutroux.

En 2011, l’affaire des primes perçues indûment par le chef de la zone de police Hazodi (Hasselt) avait mis en évidence une graaicultuur (culture du profitariat) qui commençait à déranger en haut lieu. Mais jusqu’à une époque récente, le comité permanent de contrôle des services de police (comité P), chargé du contrôle externe des polices, n’avait pas été en mesure de contrer ces dérives. Et pour cause : certains de ses membres étaient eux-mêmes fort dépensiers, comme l’a dénoncé le blog bonneadministration(Le Vif/L’Express du 13 février 2012). Une culture ambiante.

Succédant à Fernand Koekelberg, la nouvelle commissaire générale, Catherine De Bolle, a juré de s’attaquer au système des  » inconvénients  » (de nuit, de week-end, de bilinguisme…) qui donnent lieu à des primes. Il y en a 62 au total, dont beaucoup, précisent les syndicats, ne sont pas cumulables. La simplification de ce système ne sera pas chose évidente, car les organisations syndicales montent la garde, ulcérées par une décennie de gabegie qu’elles attribuent principalement à l’état-major.

Les organisations syndicales ont beau jeu d’argumenter que l’exemple vient d’en haut. En novembre 2010, dans une lettre ouverte à la ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom (Open VLD), Eddy Lebon, secrétaire général du Sypol.be, énumérait les postes de dépenses auxquels on aurait dû s’intéresser avant de  » harceler  » les hommes de terrain. Une suggestion parmi d’autres :  » L’on pourrait vérifier l’utilité des très nombreuses « missions à l’étranger » non judiciaires ni réellement opérationnelles et évaluer le budget consacré à ces multiples voyages. Vous constaterez que, dans ce domaine, des sommes importantes peuvent être récupérées. Rappelons le colloque de lutte contre le terrorisme auquel ont participé nombre de nos hauts dirigeants, à Copacabana.  » Autre conseil perfide :  » Limiter les dépenses de prestige : réceptions, frais de représentation, séminaires stratégiques dans des hôtels luxueux…  » Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas renforcer l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC), afin qu’il puisse avancer  » dans les enquêtes menées en matière de corruption et de s’intéresser davantage à certains marchés publics passés à la police fédérale, voire dans certaines zones  » ?

En 2006, déjà, dans une lettre adressée au Premier ministre (Guy Verhofstadt, Open VLD), au ministre de l’Intérieur (Patrick Dewael, Open VLD) et à la ministre de la Justice (Laurette Onkelinx, PS), le syndicat Sypol.be menaçait à demi-mot :  » Nous ne tolérerons pas plus longtemps que, preuves à l’appui, certains soient auto-privilégiés, trichent ou commettent des malversations diverses, alors que les droits fondamentaux des fonctionnaires zélés sont violés.  » A l’époque, les autorités n’avaient pas réagi.

Aujourd’hui, les choses sont plus claires. La réputation de la police fédérale est ébranlée par des affaires de corruption touchant, non des sous-fifres, mais des  » topflics « . Il semble même que l’OCRC, qui est une section de la police judiciaire fédérale, travaille essentiellement sur des dossiers… policiers. Après l’affaire des Smith & Wesson, la ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet (CDH), a demandé à ses services de passer au crible les marchés publics lancés, ces dernières années, par la police fédérale. Un tel examen pourrait aussi être demandé dans les zones de police (niveau local de la police intégrée) où les chefs de corps ont reçu, lors de la réforme, des responsabilités importantes, notamment en matière de marchés publics. La situation y serait cependant plus saine.  » A la décharge des chefs de corps actuels, intervient Vincent Gilles, président national du Syndicat libre de la fonction publique (SLFP)-Police, on leur en demande beaucoup. Maîtriser la loi sur les marchés publics et résister à des délégués commerciaux entreprenants tout en dirigeant une équipe n’est pas à la portée du premier venu. « 

Le scandale des Smith & Wesson, s’il est avéré, fera certainement date. Encore faudrait-il que la justice mette le turbo. L’attente indéfinie d’une décision alimente les fantasmes du  » tous pourris  » et empêche les corps de police touchés par une vilaine affaire de se ressaisir. La zone de police Bruxelles-Midi (Forest, Saint-Gilles, Anderlecht), où un ancien commissaire divisionnaire et un commissaire en exercice sont inculpés de corruption passive, n’arrive pas à engager la soixantaine d’inspecteurs de police auxquels elle a droit. En revanche, les candidats se bousculent au portillon dans la zone de police de Bruxelles-Nord (Schaerbeek, Evere, Saint-Josse), dont la réputation est impeccable.

 » Quand il tire sur un fil, un juge d’instruction résiste mal à l’envie de débobiner toute la pelote, s’inquiète un observateur. La prescription et le dépassement du délai raisonnable risquent de faire capoter les enquêtes qui s’éternisent. Ne reste alors que la sanction médiatique.  » Le Vif/L’Express a fait le point sur les dossiers policiers en souffrance au seul parquet de Bruxelles. Leur nombre et leur ancienneté semblent démontrer une ambiance permissive et un défaut de contrôle, y compris ministériel, qui a sans doute favorisé des dérapages individuels.

2002 LA ZONE DE POLICE BRUXELLES-MIDI ET LE FARDEAU DES  » AFFAIRES « 

L’enquête a débuté en 2002 et a été ponctuée par de spectaculaires perquisitions au commissariat de police de la rue Démosthène, à Anderlecht, le 1er avril 2008. Le juge d’instruction Jean-Claude Van Espen vient de la clore. Le parquet de Bruxelles va devoir tracer ses réquisitions. En comptant sur les devoirs d’enquête complémentaires que les avocats de la défense ne manqueront pas de demander, un jugement définitif devant la cour d’appel de Bruxelles n’est pas attendu avant 2014 ou 2015. Ainsi va la justice.

Treize personnes, au total, sont inculpées. L’affaire comprend deux volets. Dans le plus ancien, il est question de l’acquisition par la zone de police d’un système de 68 caméras de surveillance incomplet et obsolète, pour un montant d’environ 2,5 millions d’euros, avec infraction à la loi sur les marchés publics. Sont inculpées quatre personnes : l’ancien commissaire divisionnaire Gérald Noon (2002-2009), aujourd’hui retraité en Espagne ; le comptable spécial de la zone (l’équivalent d’un receveur communal), Jos Woumans ; le fonctionnaire chargé de rédiger le cahier des charges, Alain Godelaine, ainsi que le vendeur du matériel insatisfaisant, Christophe Castiaux (alors délégué commercial de la firme belge Sicom, reprise par Fabricom GDF Suez).

Le second volet de l’enquête du juge Van Espen porte sur les agissements du commissaire Philippe Boucar, directeur opérationnel de la police de Bruxelles-Midi, responsable du maintien de l’ordre lors des grands événements qui se déroulent à Anderlecht (dont les matchs de foot). L’inculpation d’Eddy Merckx pour faux et usage de faux (un document antidaté pour couvrir une irrégularité) n’est qu’une infime partie de cette affaire. Les observateurs s’accordent à présenter Boucar comme un bon flic, aux méthodes parfois musclées. Il se serait laissé tenter par divers avantages en nature : prêt d’une Toyota 4 x 4, cadeau d’un vélo Eddy Merckx Cycles à sa compagne (une échevine PS d’Anderlecht), installation de conditionnements d’air privés, etc. En échange de quoi, Boucar aurait pesé sur certains marchés : les 46 vélos Eddy Merckx Cycles acquis par la zone de police pour sa brigade cycliste, plusieurs dizaines de voitures Toyota achetées chez le même concessionnaire de Linkebeek, etc. D’autres faits délictueux sont évoqués. Ils sont jugés importants.

L’avocat de Philippe Boucar, Me Daniel Spreutels, dément toute prise d’intérêt et impute les accusations portées contre son client à des mécontents ou à des jaloux. Après son inculpation en décembre 2011, Boucar avait été suspendu deux mois, sans diminution de salaire, par le collège de police, composé des trois bourgmestres de la zone de Bruxelles-Midi. Il a repris son service.

2007 LE DOSSIER MUYLAERT : ROLAND-GARROS, MONT VENTOUX ET VACANCES ITALIENNES

En 2007, le commissaire divisionnaire Eddy Muylaert, responsable de la direction des services télématiques de la police fédérale (DST), est inculpé par le juge d’instruction bruxellois Olivier Anciaux pour corruption passive dans le cadre de la passation de marchés publics pour divers équipements informatiques de la police fédérale. A cette époque, la Belgique devait de toute urgence s’intégrer au nouveau système d’échange de données Schengen décidé par l’Union européenne. Malgré les soupçons qui pèsent sur Muylaert, ce dernier n’a pas été suspendu par le commissaire général de l’époque, Fernand Koekelberg. De sa propre initiative, il changera cependant de fonction au sein de la police fédérale.

Cela vaut-il quitus ? A l’approche de la présidence belge de l’Union européenne, en 2010, il est désigné par sa hiérarchie comme futur président du Collège européen de police. Le syndicat Sypol.be s’en indigne. Il faudra un coup de gueule de la ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom (Open VLD), pour que Muylaert n’occupe pas cette fonction honorifique, alors qu’il est sous le coup d’une inculpation.

Que lui reproche-t-on ? D’avoir été choyé, des années durant, par les firmes qui soumissionnaient pour des contrats d’achat ou de maintenance et, par ses choix orientés, d’avoir sans doute fait perdre beaucoup d’argent à l’Etat belge. Encore aujourd’hui, un procès-verbal dressé par un policier de la section judiciaire d’une zone de police doit repasser au stade  » papier  » si ce PV doit être transmis à une PJF (police judiciaire fédérale). Les systèmes informatiques judiciaires ne sont pas compatibles.

A la mi-janvier 2007, un collègue de Muylaert, après avoir tenté en vain de conscientiser l’état-major de la police fédérale, adresse un premier rapport confidentiel au procureur du roi de Bruxelles, Bruno Bulthé. Celui-ci est confié à l’Inspection générale des services de police et mis à l’instruction. Des perquisitions vont alors avoir lieu à la direction des services télématiques de la police fédérale et au siège de sociétés informatiques partenaires de la police fédérale. L’Inspection générale n’étant pas rôdée aux procédures de marché public, c’est l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) qui reprend les investigations. L’analyse des pièces saisies prendra trois longues années.

Le Vif/L’Express a pu prendre connaissance de l’un des rapports confidentiels adressés au procureur du roi de Bruxelles. Il relaie les  » rumeurs  » courant sur Eddy Muylaert, avec un luxe de détails bling-bling. Toscane :  » Le directeur DST aurait passé ses vacances d’été dans la villa que possède Paolino L., un cadre commercial de la firme Fujistu Siemens, il y a deux ou trois ans (août 2004). Cette période pourrait correspondre à l’acquisition par la DST de plusieurs centaines de PC Desktop de marque Fujitsu Siemens, suite à une procédure de marché.  » Mont Ventoux :  » Une activité de cinq jours est offerte par la firme Alcatel (renouvellement de la téléphonie au niveau de la police intégrée) au directeur DST. Il s’agit de l’escalade à vélo du mont Ventoux. Cette activité est très prisée par les amateurs de la petite reine. Celle-ci s’est déroulée du 15 au 19 juin 2006. Le directeur DST a sollicité la participation du consultant civil, Monsieur Marc K., de DTTN (Direction Télématique Telefon Network) afin de lui assurer un reportage photographique. Celui-ci a accompagné le directeur sur place et aurait logé dans son motor-home pendant que le DST descendait dans les meilleurs hôtels (estimations de cette activité à environ 2 500 euros). Les jours passés sur place par Monsieur Marc K. ont été payés sur le budget DST (environ 1 200 euros/jour). Le directeur DST aurait forcé la main du chef de département DTTN (téléphonie) pour disposer de la personne de Monsieur Marc K. Le directeur DST aurait signé à la place du chef de département la feuille de prestation du consultant. Un quotidien flamand aurait publié une photographie de cette activité, sur laquelle le directeur DST est reconnaissable.  » Tour de France.  » Le directeur DST participe depuis plusieurs années à une ou plusieurs étapes du Tour de France en tant qu’invité VIP de la firme CSC. Il accompagne la caravane dans une des voitures de l’équipe du sponsor CSC. En 2006, il a participé à une étape lors de la dernière semaine du Tour, probablement le mardi.  » Roland-Garros.  » Le directeur DST, avec son épouse, a été invité par une société informatique, en date du 6 juin 2006, à une journée à la finale de Roland-Garros.  » Etc.

L’enquête judiciaire a tenté de vérifier ces rumeurs. Seul un procès permettrait de savoir ce qu’il en est. La corruption passive semble établie, sous réserve des arguments qu’Eddy Muylaert avancera pour sa défense. Que cela s’est toujours fait comme cela ? Que des affaires de même nature ont été enterrées pour ne pas ternir l’image de l’institution ? A ce stade, il reste le seul inculpé. D’après le porte-parole du parquet de Bruxelles, le juge d’instruction Olivier Anciaux espère en avoir fini bientôt avec cette affaire, qui a débuté en 2007.

2010 L’AFFAIRE KOEKELBERG : DES MARCHÉS SCINDÉS EN TOUTE INNOCENCE

Ce qui est reproché à Fernand Koekelberg, ancien commissaire général et grand ordonnanceur de la réforme des services de police, peut paraître bénin au regard d’autres affaires. Ici, nulle trace de corruption mais des infractions présumées à la loi sur les marchés publics. Après la tournée de lobbying du commissaire général au Qatar, en 2010, en vue d’accéder à la vice-présidence du comité exécutif d’Interpol, il est apparu que la ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom (Open VLD), n’avait donné son feu vert que pour un voyage de trois personnes (et non de six) et que le budget autorisé était de 35 000 euros et non de 92 000 euros.

Cet élargissement de la mission n’a donné lieu à aucun reproche ni procédure disciplinaire. Mais la ministre a demandé à l’Inspection générale de la police (contrôle interne) un audit sur les deux dernières années de comptabilité du commissariat général. L’enquête, menée sous l’égide du parquet de Bruxelles, est à présent terminée. Il apparaîtrait que la loi sur les marchés publics a été contournée à plusieurs reprises pour éviter de demander le visa de l’inspecteur des Finances pour les dépenses supérieures à 5 000 euros. Des factures d’hôtels et de restaurants lors de formations ou séminaires (exemple : 25 personnes régalées à raison de 200 euros le couvert au Radisson de Spa) ont été présentées sous une forme irrégulière.  » On a toujours fait comme ça « , a-t-il été déclaré aux enquêteurs. Plusieurs personnes ont été entendues dans cette affaire, dont Fernand Koekelberg. Aucune n’a été inculpée. Le parquet de Bruxelles doit soumettre le dossier au procureur général. On s’acheminerait vers un non-lieu.

2011 APPUI AÉRIEN : ET VOGUENT LES HÉLICOS !

Le 27 janvier 2011, les patrons de la police fédérale furent frappés de stupeur lorsqu’ils apprirent qu’au moment même des dizaines d’enquêteurs (police fédérale, Computer Crime Unit, Office central pour la répression de la corruption) perquisitionnaient simultanément l’Appui aérien à la base de Melsbroek, les domiciles privés de membres du personnel, des sièges de sociétés liées à l’aéronautique, des fournisseurs ou sous-traitants de la police fédérale, etc. D’après témoins, des membres du personnel de l’Appui aérien étaient en larmes. La cause de ce déploiement de force ? De graves soupçons de malversations pesant sur les responsables de l’Appui aérien de la police fédérale. Cette unité prestigieuse d’une quarantaine d’hommes, dotée de cinq hélicoptères, fournit un appui aux policiers opérant au sol et parfois aux pompiers. La RTBF lui a consacré un documentaire en six épisodes ( 101 Unité aérienne) en 2011.

Dans cette affaire, il est question de l’achat d’un McDonnell Douglas 10 bi-turbine sans rotor arrière (ce qui permet aux policiers de sauter en corde libre). Acheté neuf par des Allemands, il a transité par le Danemark avant d’être livré à la Belgique via des intermédiaires inhabituels. Les enquêteurs de l’Opération Hélico se sont aussi étonnés que des employés contractuels soient envoyés en formation dans une école privée plus chère que la filière militaire traditionnelle. Petits arrangements entre amis ? D’autres contractuels, chargés de l’entretien des hélicoptères, ont accompli des vols d’essai qui les entraînaient bien au-delà de la base de Melsbroek, dans des aéro-clubs, où ils restaient plusieurs heures et auxquels étaient facturées des prestations. Enfin, un simulateur de vol d’une valeur de 300 000 euros n’aurait pas été livré à la police fédérale, conformément au bon de commande, mais bien un modèle d’une valeur inférieure. On ne trouverait nulle part la trace de la différence de prix (environ 20 000 euros).

Le patron de l’Appui aérien, le commissaire Herman Perdu, et son adjoint, Luc S., sont au c£ur de l’enquête. Rien n’a filtré à propos d’inculpations éventuelles mais l’affaire est visiblement très embarrassante. Ni la direction de la police fédérale ni la ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom (Open VLD), n’ont toutefois demandé de suspensions. Le commissaire Perdu a quitté l’Appui aérien et trouvé refuge à la Cellule financière et budgétaire dépendant de la Direction générale de la police administrative dirigée par Olivier Libois. Le juge d’instruction bruxellois Jeroen Burm se refuse à communiquer la moindre information sur cette affaire.

2012 LES PISTOLETS SMITH & WESSON AU DÉTRIMENT DES FN. CORRUPTION ?

En décembre 2011, le choix de la police fédérale d’acheter, pour 4,35 millions d’euros, 8 361 pistolets américains Smith & Wesson, au détriment de six autres marques (dont le FNP9 de la FN), avait fait jaser. Les syndicalistes liégeois avaient hurlé, de même que le député montois Richard Miller (MR). La ministre de l’Intérieur, Annemie Turtelboom (Open VLD), avait répliqué que la procédure avait été respectée. Un manque de préférence nationale pour un fleuron de l’industrie wallonne, oui, mais de là à imaginer un marché manipulé…

Le PV initial de la police fédérale lançant cette hypothèse se base sur la dénonciation d’un maire du Roussillon, en France, qui évoque l’intérêt suspect d’un Belge et d’un Américain pour l’achat de biens immobiliers dans sa commune. Pourquoi les enquêteurs bruxellois font-ils le lien avec le marché des pistolets Smith & Wesson ? A part confirmer l’existence d’une enquête pour corruption, le juge d’instruction Jean-Claude Van Espen refuse d’en dire plus. Le Vif/L’Express croit savoir que deux hommes sont suspectés, le corrupteur et le corrompu présumés, tous deux de nationalité belge. Les pistolets Smith & Wesson sont importés via la société Belgian Weapons Corporation, qui dément farouchement toute man£uvre malhonnête.

L’indice matériel de la fraude est un critère ( » peut être complètement démonté sans aide extérieure « ) qui a été introduit entre la rédaction du cahier des charges et le lancement de l’appel public .Ce critère guidait d’office l’achat vers le Smith & Wesson. De fait, celui-ci possède, dans sa crosse, une petite pièce qui permet le démontage de certains organes intérieurs de l’arme. Cet ajout au cahier des charges aurait-il fait la différence en faveur du Smith & Wesson ? Et qui en est responsable ?

Les moniteurs de tir et les policiers qui ont déjà eu cette arme en main la jugent peu fiable en tir rapide. Elle est dotée d’une sécurité gênante au doigt. Depuis février 2012, une commission paritaire d’évaluation du matériel a été mise sur pied. Selon une source syndicale, si le Smith & Wesson avait été passé au crible de cette commission qui n’existait pas encore, les testeurs auraient sans doute relevé ce défaut.

En attendant, tous les regards se tournent vers l’une des trois directions générales de la police fédérale : l’appui et la gestion. Elle est dirigée par Jean-Marie Van Branteghem, qui a été entendu par les enquêteurs et mis hors de cause. Cette direction chapeaute un ensemble hétéroclite de 12 directions, dont celles de l’infrastructure et de l’équipement, d’une part, celle des achats, d’autre part, qui sont concernées par l’affaire des Smith & Wesson. On y retrouve aussi la direction de la télématique (DST), où travaillait Eddy Muylaert. On prête à la nouvelle commissaire générale, Catherine De Bolle, l’intention de restructurer la direction générale de l’appui et de la gestion, sans attendre l’issue de l’enquête sur le marché controversé des armes.

MARIE-CÉCILE ROYEN

 » Les organisations syndicales ont beau jeu d’argumenter que l’exemple vient d’en haut « 

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