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Le « value investing », qui se détourne des coûteuses actions à la mode au profit de valeurs un brin délaissées, peut mettre un peu de baume dans votre portefeuille. Mais la Bourse n’en conservera pas moins toujours sa part d’incertitude.

Si vous êtes amateur d’actions technologiques, il y a fort à parier que, ces derniers mois, vous n’ayez guère eu l’occasion de sourire en constatant l’évolution des Bourses. Certes, investir en actions a toujours été un exercice périlleux. Et les descentes aux enfers peuvent parfois être à la hauteur des précédentes envolées : il arrive que certains replis dépassent les 90%, comme on l’a vu dernièrement au sein du secteur Internet.

Dans les journaux financiers, les experts opposent plusieurs philosophies d’investissement et affirment le retour du  » value investing  » au détriment du  » growth investing « . Qu’est-ce que cela signifie ? La Bourse est-elle totalement aléatoire ou existe-t-il quelques règles permettant de mieux performer ?

Des marchés toujours efficients ?

L’une de ces règles prend pour principe l’efficience des marchés. Cela signifie que, à tout moment, un cours de Bourse est censé reflèter correctement et rationnellement l’information disponible quant aux perspectives bénéficiaires de l’entreprise concernée. Dans cette hypothèse, il n’y a pas d’action chère ou bon marché : chaque action serait, à tout moment, correctement évaluée par le marché. Le seul choix qui revient à l’investisseur serait donc celui du niveau de risque qu’il accepte de supporter étant donné son horizon d’investissement. Si l’on accepte le postulat de l’efficience des marchés, il ne peut y avoir de meilleures philosophies d’investissement que d’autres, chaque action évoluant autour de sa juste valeur.

Cette notion d’efficience des marchés, qui ne fait pas l’unanimité parmi les spécialistes, est cependant de plus en plus battue en brèche. Car les Bourses sont peuplées d’êtres humains qui ne sont pas toujours rationnels. La psychologie joue souvent un rôle important dans les comportements des investisseurs. Ainsi, à court terme, la spéculation basée sur des rumeurs ou sur des informations d’importance marginale peut provoquer des écarts de cours sans réel rapport avec les fondamentaux.

En période favorable, le simple fait, pour une entreprise, de battre une prévision bénéficiaire, ne serait-ce même que de 1 %, peut provoquer un bond important du cours. De plus, les effets de mode peuvent influencer tout un secteur d’activité. C’est ainsi que, à la fin des années 90, les investisseurs se sont focalisés sur les perspectives de croissance et se sont enthousiasmé pour les petites entreprises de technologie. Les investisseurs extrapolent alors souvent pour plusieurs années une forte croissance de l’activité d’une entreprise. Or, parfois, celle-ci n’a encore rien démontré ! La bulle spéculative qui s’est développée autour des valeurs technologiques en général et du Nasdaq en particulier en est l’exempole le plus récent.

Privilégier ce type d’actions dites de croissance est au centre de ce qui est conventionnellement appelé le  » growth investing  » : l’investisseur table sur des promesses de bénéfices parfois fort éloignés (lorsque le rapport cours/bénéfice est très élevé, par exemple).

Or, ce qui est beau (ou paraît beau) est (souvent) cher, ce qui réduit bien évidemment les perspectives de rendement. Et c’est là qu’intervient le  » value investing  » : il s’agit, cette fois, d’investir au contraire dans des actions présentant notamment un rapport cours/bénéfice faible.

Se méfier des « mauvaises » nouvelles

Les investisseurs en général et les analystes financiers en particulier tendent à exagérer la portée des informations relatives à une entreprise, qu’elles soient positives ou négatives. Alors que certaines actions surmédiatisées ont la cote et se voient propulsés vers des hauteurs excessives, d’autres actions sont délaissées parce que leur profil bénéficiaire est décevant. Quand elles ne sont pas lourdement, et parfois injustement, pénalisées à la suite d’une nouvelle négative quant à leurs perspectives. Rappelons donc qu’au-delà de cinq ans, voire moins, la qualité des prévisions des analystes s’émousse très largement.

D’autre part, une récente étude a montré une tendance dans l’évolution de la rentabilité des entreprises : il y a, à moyen terme, un mouvement de  » retour vers la moyenne « . Des entreprises qui connaissent un passage vide ou, à tout le moins, une période difficile (ce qui est rarement apprécié par la Bourse), reviennent généralement par la suite à des niveaux de rentabilité plus satisfaisants. Quant aux premiers de classe, ils font souvent le chemin inverse et sont davantage susceptibles de ne pouvoir maintenir la qualité de leur profil.

Conclusions

Il n’est pas inintéressant de jeter son dévolu sur des actions d’entreprises présentant un potentiel d’amélioration de rentabilité (retour espéré vers la moyenne du secteur), d’autant plus si elles sont par trop pénalisées ou délaissées. Etre un  » value investor « , c’est, en effet, aller contre la nature humaine et les effets de mode. C’est, aussi, tâcher de mettre à jour des indices qui peuvent laisser entrevoir une embellie boursière : un secteur positionné pour rebondir, un nouveau management ayant fait ses preuves, la mise au point d’une nouvelle unité de Recherche et développement ou de marketing, ou encore une amélioration progressive du cash flow. Si l’on en croit diverses études boursières, sur longue période (plusieurs dizaines d’années), le  » value investing  » bat le  » growth investing « . En moyenne, les actions de type  » value  » sont meilleur marché que les actions de type  » growth « .

Alors suffit-il de tout miser sur le  » value investing  » ? Ce n’est malheureusement pas aussi simple. D’abord, choisir les actions apparaissant comme les moins chères d’un marché n’est pas la panacée. D’un côté, le marché lui-même peut être cher, comme cela nous semble être encore globalement le cas du marché américain, même après la récente correction. D’un autre côté, assurez-vous qu’une action en apparence  » bon marché  » ne cache pas un cadavre dans son placard ! Ainsi, si le cigarettier américain Philip Morris a actuellement de quoi séduire à première vue un amateur de  » value « , la perspective de longs procès et de lourdes amendes éventuelles a de quoi faire réfléchir ! Ensuite, répétons-le, un style d’investissement comme le  » value investing  » peut rester improductif pendant de longues années, si la psychologie des marchés en décide ainsi. A ce titre quelques actions  » high tech  » d’entreprises solides et leaders de leurs marchés ne peuvent pas faire de mal, même si leur prix semble un peu élevé.

Regle d’or à répéter : ne jamais se limiter à une ou deux actions mais se constituer un portefeuille diversifié (contenant également, si possible, des obligations et des liquidités), ce qui réduit les risques. Si le montant à investir est relativement peu élevé, les sicav permettront malgré tout cette diversification.

Cela dit, en Bourse, il n’y a aucune certitude à 100% et la pratique financière se conjugue avec une certaine conception de l’art. Pimentée d’un zeste de chance.

Vincent Colot (Budget Hebdo)

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