Pierre Le Roy, héros castel-papal
Né en 1890, fils du pays des pommes, la Normandie, Pierre Le Roy de Boiseaumarié (photo) découvre la vigne à 15 ans quand son père, officier supérieur de cavalerie plutôt à cheval sur la religion, démissionne de l’armée, en désaccord avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il se retire sur ses terres de Vendargues, près de Montpellier.
Le jeune baron, lui, entame des études de droit en pleine crise viticole du Languedocet choisit vite son camp : en 1907, au plus fort du soulèvement du Midi rouge, il participe à une tentative d’incendie du palais de justice de Montpellier.
A la mort de son père, cinq ans plus tard, l’avocat fraîchement diplômé prend les rênes du domaine familial. Brièvement : mobilisé en 1914, il intègre à
sa demande l’aviation de chasse où il se spécialise dans le combat aérien (sept engins et zeppelins descendus, deux fois touché lui-même). Le courageux pilote termine la guerre
en héros, couvert de médailles, mais sans domaine viticole, sa mère l’ayant vendu.
Tandis qu’il hésite entre la robe et la Banque de France, dont il a réussi le concours, le juriste, chasseur passionné et talentueux versificateur (il dédiera un poème en alexandrins
à son percepteur), fait
la connaissance d’une demoiselle Bernard Le Saint : Edmée. Il l’épouse en 1919 et se retrouve de nouveau vigneron, sur la propriété de ses beaux-parents, le Château Fortia, à Châteauneuf-du-Pape.
Dans ces années post-phylloxériques, Pierre Le Roy découvre auprès des viticulteurs de la région les autres fléaux du vignoble reconstitué avec
des plants greffés : la disparition des vignes de coteaux, l’augmentation des rendements dans la plaine, la chute de la qualité, et l’ampleur des fraudes dont sont victimes les vins du cru. Et la misère de ses confrères… Ces derniers lui demandent solennellement,
en délégation, de les défendre. Il accepte,
» à condition que tous les vignerons du lieu soient honnêtes et disciplinés « . Car il ne voit qu’une seule issue : la discipline et la solidarité pour faire » moins de vin, mais meilleur « . Il crée le syndicat des vignerons de Châteauneuf-
du-Pape, en 1924, avec pour mission la reconnaissance de l’appellation, qui aboutira dix ans plus tard, au terme d’une bataille judiciaire homérique.
Sa définition repose non seulement sur une zone géographique, mais édicte aussi des règles de production : le premier cahier des charges de la viticulture mondiale, qui servira d’étalon pour la création, par décret-loi du 30 juillet 1935,
du Conseil national des appellations d’origine contrôlée (CNAO).
Entre-temps, la croisade
du selon les moments,
a fait des émules dans
les villages voisins qui souffrent des mêmes maux. Le 4 avril 1929, il arrache la fondation du Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône. Il mènera le même combat pour l’appellation, consacrée en 1936 par le tout nouveau CNAO, qu’il présidera – ce dernier étant rebaptisé Institut national des appellations d’origine – de 1947 jusqu’à sa mort, en 1967. Il eut cependant
le privilège d’inaugurer de son vivant un buste
à son effigie, à Sainte-Cécile-les-Vignes. L’occasion pour lui
de rendre hommage à travers sa personne statufiée à l’ensemble des vignerons des Côtes du Rhône, troussant un discours comme il en avait le secret, altruiste et plein d’humour.
J. A.
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