Peut-on faire confiance à son médecin ?

Les médecins et hôpitaux du pays se targuent d’être les meilleurs d’Europe. Mais leurs prestations sont-elles vraiment sûres, efficaces et procurées dans un délai raisonnable ? Enquête et témoignages sur la disponibilité des praticiens, les surcoûts pratiqués, les erreurs médicales et les droits du patient.

Peut-on faire confiance à son médecin ? En voilà une question ! Ne soulève-t-elle pas implicitement le doute, la défiance, comme le suggèrent certains de nos interlocuteurs au sein du corps médical ? Si l’on en croit les études évaluant la confiance du public à l’égard des blouses blanches, le pays fait bonne figure : 85 % des patients considèrent comme fiable ou très fiable leur relation avec leur médecin généraliste et ils sont 80 % à être satisfaits ou très satisfaits de leurs spécialistes (enquête Quintiles de 2012, réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 patients). Les médecins sont, après les pompiers et avant les professeurs, la deuxième profession en laquelle les Belges ont le plus confiance, indique le Journal du Médecin. En outre, selon les chiffres de la Commission européenne, les Belges francophones sont les citoyens de l’Union les plus satisfaits de la qualité de leurs organismes de soins de santé.

 » L’exhortation chronique à se défier du corps médical est une réalité presque aussi vieille que le monde, prévient le Dr Marc Moens, secrétaire général du GBS, l’union professionnelle des médecins spécialistes. Elle tient au fait que nous sommes tous des malades en puissance et qu’il est désagréable d’être confronté aux soignants. Le patient attend de la médecine une solution à tout, or notre art n’est pas parfait.  » Pour le Dr Moens, la méfiance à l’égard de la communauté médicale est alimentée par les mutuelles :  » La Mutualité chrétienne prétend que près d’un quart des consultations chez un spécialiste conventionné sont surfacturées. Ce pourcentage nous paraît très exagéré. L’enquête ne tient pas compte de prestations facturables mais non remboursables pas les mutuelles.  » Parmi les praticiens qui ne respectent pas les tarifs de la convention médico-mutuelliste figurent, d’après cette enquête-choc publiée en octobre 2013, les gynécologues – près de la moitié des consultations seraient surfacturées -, les cardiologues (35 %) et les ORL (32 %).

Manque d’écoute du corps médical ?

Sans verser dans la défiance à l’égard des médecins, il est permis de s’interroger sur leur disponibilité et leurs honoraires, sur la transparence en matière d’erreurs médicales, sur la mise en pratique de la loi de 2002 sur les droits du patient, ou encore sur les couacs constatés dans l’organisation des soins de santé en Belgique. L’enquête menée par Quintiles signale ainsi que les patients attendent de leur docteur plus d’informations précises sur le diagnostic et le traitement à suivre. Ils demandent aux spécialistes de leur accorder davantage de temps et d’attention.

Le manque d’écoute du corps médical est également pointé du doigt dans une enquête menée par Test-Achats en novembre 2010. Selon ce sondage, effectué sur un échantillon représentatif de 930 personnes de 18 à 74 ans, 23 % des patients ont une  » perception négative  » de leur praticien. Ils sont 17 % à s’en déclarer  » insatisfaits « . Ils leur reprochent surtout de ne pas chercher à connaître leur opinion à propos du traitement, d’utiliser un langage trop technique et de passer trop de temps devant leur ordinateur. Un patient sur dix a le sentiment que son toubib lui cache quelque chose et un sur cinq avoue ne pas lui confier tous les détails de sa santé.

Par oubli, manque de confiance dans le diagnostic ou peur du coût du traitement, un gros dixième des patients ne prend pas les médicaments prescrits. Une petite majorité seulement (57 %) respecte  » à la lettre  » l’ordonnance quant aux dosages et aux moments de la prise des médicaments.  » Un rapport de confiance a une influence déterminante sur le déroulement du traitement et, par conséquent, sur la guérison, note Peter Kupers, du service statistique de Test-Achats. Plus un traitement est imposé de façon autoritaire, moins le patient a tendance à le suivre.  »

Points faibles du système

La Belgique n’a rien à envier aux pays voisins sur le plan de l’accessibilité aux soins de santé, admettent tous les acteurs de terrain rencontrés au cours de notre enquête. Mais le système de santé belge a des points faibles, identifiés par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) et l’Institut scientifique de la santé publique : le taux de dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus est insatisfaisant, le taux de césariennes reste trop élevé, tout comme le nombre de radiographies effectuées, d’où une irradiation inutile. Le KCE insiste aussi sur la prescription excessive d’antibiotiques, sur le manque de données relatives aux causes de mortalité et sur la grande frilosité des hôpitaux en matière de publicité des erreurs médicales.

Encore faut-il nuancer : les scores varient fortement d’une région à l’autre. Dans certains hôpitaux, 4 % des admissions mènent à une infection nosocomiale. Dans d’autres, on frôle les 10 % ! Le risque de devoir repasser sur la table d’opération après le placement d’une hanche artificielle est vingt-huit fois plus élevé dans l’hôpital le moins bien noté que dans celui qui obtient les meilleurs résultats. Les chances de survie peuvent dépendre de l’expérience du médecin et de l’équipe soignante, et de la qualité de leur collaboration. Mais le patient ne peut savoir s’il est dans un service très ou peu expérimenté.  » Dans les pays voisins, des sites Internet permettent de comparer la qualité des hôpitaux, signale le Dr Martine Van Hecke, coordinatrice santé à Test-Achats. En Belgique, ce n’est pas le cas. Les hôpitaux flamands ont commencé à collaborer avec les autorités à un projet d’indicateurs de base pour cinq domaines médicaux. Certains de ces établissements ont rendu publics les premiers résultats, mais cela ne permet pas de faire des comparaisons. Dans le reste du pays, il n’y a pas encore d’indicateurs. C’est déplorable !  »

Evaluer la qualité des hôpitaux

Aux Pays-Bas, un top 100 des hôpitaux est publié au départ de données officielles. Inconvénient du système : les scores sont attribués par établissement et non par secteur de soins. Or, un hôpital peut être excellent pour le traitement du cancer du sein et exécrable en orthopédie. En Belgique, les résultats des études de qualité ne sont pas accessibles au public. Le patient ne dispose pour s’informer que d’un bouche-à-oreille subjectif sur la valeur des services. Il ne peut savoir dans quels domaines un hôpital est bon, moyen ou sous-performant.  » Les médecins et hôpitaux belges ont tendance à se vanter d’être les meilleurs d’Europe, mais il faut pouvoir mesurer pour savoir, estime le Dr Van Hecke. Mesurer, c’est aussi s’améliorer : si les résultats étaient publics, les hôpitaux, soucieux de leur réputation, feraient plus d’efforts pour être les meilleurs.  »

Par Olivier Rogeau

Un hôpital peut être excellent pour le traitement du cancer du sein et exécrable en orthopédie

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