Petit logement : je t’aime, moi non plus

Le marché immobilier ne se laisse pas décontenancer par la crise, grâce au bon sens des candidats-acquéreurs. La Ville, elle, part en guerre contre les petits logements, de façon souvent justifiée, parfois abusive.

Plusieurs mots reviennent dans les bouches des courtiers comme des notaires pour qualifier les Liégeois.  » Ils sont fidèles, affirme Déborah Vanesse, de l’agence éponyme. Et tendent à habiter là où ils ont leurs habitudes.  »  » Ils sont aussi paresseux, sourit le notaire Jean-Louis Jeghers. Ils visent le centre-ville et ses abords, et n’aiment pas s’en éloigner.  » Mais les Liégeois sont également pragmatiques.  » Mieux vaut être propriétaire dans un « mauvais » quartier que locataire dans un « bon », intervient Eric Meuris, de l’agence Century 21 Bureau Blavier. Du coup, certains ciblent les zones moins demandées, quitte à faire un léger sacrifice sur leurs lieux de prédilection.  » Enfin, ceux-ci se montrent prudents. Et ce, plus que jamais, en ces temps de crise.  » Les achats « coups de c£ur » sont rares, remarque Déborah Vanesse. On sent que les candidats- acquéreurs sont à la recherche d’un bien qui corresponde à leurs critères.  » Tant budgétaires –  » dictés par leur capacité d’emprunt, plus ajustée qu’avant « , glisse Eric Meuris – que qualitatifs, et ayant plus particulièrement trait aux travaux à effectuer ou à la facture énergétique du bâtiment.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les biens qui se vendent le mieux s’échelonnent entre 80 et 220 000 euros.  » Lorsque ceux-ci présentent un bon rapport qualité-prix, ils partent dès la première ou la deuxième visite, assure Déborah Vanesse. Les acheteurs ont bien souvent largement étudié le terrain et ne laissent pas passer les bonnes occasions.  » Quand bien même l’ambiance générale n’est pas meilleure qu’en 2009 ou en 2010,  » aujourd’hui, les Liégeois vont jusqu’au bout de leurs projets, poursuit-elle. C’en est fini pour eux d’attendre des jours meilleurs, qui ne viendront sans doute pas de sitôt. Si la banque donne son feu vert – ce qui n’est déjà pas gagné d’avance – autant agir « . Avec discernement, évidemment.

Résultat ? Le bilan des transactions en ce premier trimestre 2012 est plutôt bon, voire  » excellent « , comme en atteste Eric Penners, de l’Immobilière B.I.V. Par contre, côté prix,  » c’est plus difficile, note Éric Meuris. Pas de chute, pas d’augmentation non plus « .  » Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’on estime un bien, il faut viser le prix le plus serré possible, observe toutefois Eric Penners. Se laisser aller à 5 % de plus, c’est prendre le risque de voir celui-ci rester sur le marché pendant des mois.  » Ce qui n’est pas plus mal, constate Déborah Vanesse.  » On était arrivé à un stade où, avant la crise, n’importe quelle petite maison mitoyenne en bon état avoisinait les 200 000 euros. Les prix se devaient de se stabiliser. « 

Haro sur les petits logements…

Liège compte environ 100 000 logements. La moitié d’entre eux sont loués, les autres, occupés par leurs propriétaires. Par ailleurs, 48 % des biens sont des appartements. Qui, lorsqu’ils sont mis en location, prennent souvent la forme d’un studio, voire d’une chambre d’étudiant. Une tendance qui devrait profiter aux particuliers qui s’improvisent investisseurs, et ciblent les immeubles de rapport et autres unifamiliales à transformer en petits logements. Quoique. Si la demande est là, l’offre, elle, laisse à désirer.  » Non pas qu’il n’y ait pas assez de biens à diviser, au contraire, explique Eric Penners. Mais les règles en la matière sont beaucoup plus strictement appliquées qu’avant.  » Avant, c’était quand la Ville  » fermait les yeux  » sur les infractions urbanistiques, qui étaient pourtant légion.  » Beaucoup de gens se sont lancés dans cette brèche par pure spéculation, sans se préoccuper des dispositions légales, attirés par un rendement de 10 à 15 % par an, déplore Olivier Hamal, président de la section liégeoise du Syndicat national des propriétaires et des copropriétaires (SNP). Et aujourd’hui, la loi les rattrape au tournant. « 

En effet, afin de  » lutter contre les logements insalubres et les marchands de sommeil « , et dans le même temps  » d’augmenter l’offre de maisons unifamiliales ou d’appartements de qualité  » – dont les hauts revenus des occupants profitent, il faut le dire, aux caisses de la Ville – les autorités ont décidé d’appliquer fermement les règles édictées il y a belle lurette par la Région wallonne. Ainsi, depuis 1994, les subdivisions d’immeubles en petits logements sont soumises à la délivrance d’un permis d’urbanisme. Tandis que depuis 1998, les logements de taille inférieure ou égale à 28 m² doivent décrocher un permis de location pour faire leur entrée sur le marché. Lequel est un gage de conformité aux règles de sécurité, d’hygiène, de salubrité, de confort, etc. Et, depuis 2005, est octroyé uniquement sur présentation du permis d’urbanisme précité.

Autant de points sur lesquels la Ville se montre désormais intraitable. Les courtiers interrogés parlent même de  » chasse  » aux petits logements.  » C’est parfois excessif, condamne Olivier Hamal. Ainsi, certains propriétaires se voient refuser le renouvellement de leur permis de location alors que celui-ci leur avait été accordé précédemment. Eux qui ont fait des travaux importants pour que leur bien réponde aux normes et se sont toujours acquittés des taxes voulues sans rechigner, se retrouvent soudain déboutés.  » Et Olivier Hamal de s’interroger sur les raisons qui poussent les autorités à mettre des bâtons dans les roues de ces petits propriétaires consciencieux… tout en donnant leur feu vert à la reconversion en 236 kots étudiants de l’ancienne résidence André Dumont, place du XX août.

… et repli sur les résidences à appartements

Echaudés par leurs déboires avec la Ville, les investisseurs ont alors pris le chemin du Grand Liège. Et ont changé de cible.  » Ils se sont tournés vers la construction. Ainsi, il y a deux ans, on a assisté à un boom des résidences à appartements, se souvient Déborah Vanesse. C’était incroyable, il en poussait de partout. Leur nombre dépassait largement celui des candidats-acquéreurs car, bien souvent, ces résidences n’étaient vendues qu’à hauteur de 70 à 80 %.  » Mais le métier de promoteur immobilier ne s’invente pas.  » Beaucoup de personnes dont ce n’était pas la profession ont investi dans un terrain, puis dans une construction, ajoute-t-elle. Cela semblait être de l’argent facile. Malheureusement, quelques dérapages ont fait du tort aux professionnels tout comme au marché.  » Aujourd’hui, la situation semble se stabiliser.  » Il y a encore des projets immobiliers, mais dans une proportion plus raisonnable qu’avant. « 

Ceci étant,  » Liège, comme Charleroi, se portent bien car leur marché immobilier est sain, conclut Éric Penners. Ce sont des villes où le rapport entre les prix des biens et les loyers que l’on peut en tirer est équilibré. Les investisseurs le savent. Ici, ils peuvent réellement compter sur le rendement de 7 % que tous promettent ailleurs en Belgique. « 

FRÉDÉRIQUE MASQUELIER

Ce sont des villes où le rapport entre les prix des biens et les loyers que l’on peut en tirer est équilibré

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