Pensions : 70% des Belges inquiets

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Plus que la santé, c’est leur situation financière à l’heure de la pension qui préoccupe les Belges. Confiants dans les pouvoirs publics, selon l’enquête exclusive Le Vif/L’Express/Knack en partenariat avec Fintro, ils épargnent néanmoins…

Ce n’est pas une obsession mais les Belges attrapent quand même quelques cheveux blancs précoces quand ils songent à leurs vieux jours. Selon notre enquête exclusive réalisée avec Knack et Fintro (1) auprès d’actifs et de pensionnés, ils sont plus de deux tiers (68,3 %) à se faire du souci à ce propos : 7 % se disent fort inquiets, 15 %, raisonnablement inquiets et 46 % un peu. Un tiers seulement des personnes sondées restent de marbre à l’évocation de cette période de leur vie.

C’est d’abord leur situation financière future qui préoccupe les Belges, et de loin (64 %). Viennent ensuite, par ordre décroissant, la santé (57 %), un éventuel lien de dépendance (27 %), une diminution des contacts sociaux (21 ,5 %), de possibles soucis de mobilité (19,1 %), le manque de défis (14,5 %), la solitude (11,4 %), l’ennui (10,2) et la vie avec le partenaire (6,9 %).

Sauf pour les perspectives en matière de santé – où plus jeunes et plus âgés font montre de la même inquiétude – et le risque de voir le réseau social s’étioler – qui préoccupe davantage les seniors -, les moins de 35 ans se font notoirement plus de soucis que leurs aînés sur tous les sujets. Sur la stricte question des finances, les francophones sont un peu plus inquiets (60 %) que les Flamands (45 %).

Cette préoccupation est alimentée par la conviction, pour trois sondés sur cinq, que leur pension légale sera insuffisante pour leur permettre de joindre les deux bouts . Parmi ceux-ci, deux tiers pensent que le montant de leur pension ne sera pas assez élevé pour boucler leur budget mensuel et un tiers est absolument sûr qu’ils ne pourront s’en sortir avec cette somme.

Pourtant, 68,2 % des actifs ont confiance dans le fait que les pouvoirs publics pourront continuer à payer leur pension. On le croit un peu plus dans le sud du pays (88,2 %) qu’au Nord (62 %). Dans la même veine, une écrasante majorité des sondés (74 %), tant parmi les actifs que les non-actifs, n’imaginent pas ne plus recevoir de pension, pas plus qu’ils n’envisagent (59 %) que leurs enfants n’en bénéficient plus du tout.

Néanmoins – on n’est jamais trop prudent -, interrogés sur le choix qu’ils poseraient s’ils pouvaient opter soit pour une augmentation de salaire aujourd’hui, soit pour une augmentation de pension garantie, plus tard, 50 % préfèrent la seconde hypothèse (pour 41,6 % la première). Les moins de 35 ans, plongés dans la vie active et sans doute confrontés à de plus lourdes dépenses que leurs aînés (éducation des enfants, maison…), sauteraient volontiers sur la possibilité de voir leurs revenus augmenter immédiatement.

A combien la retraite ?

Mais entre préoccupations et certitudes, fondées ou non, les Belges sont-ils au moins informés du sort financier qui les attend lorsqu’ils raccrocheront leur tablier ? Eh bien, globalement non ! Quelque 45,5 % des sondés avouent ne pas en avoir la moindre idée. Trois quarts des moins de 35 ans sont dans ce cas, ce qui peut se comprendre : la perspective de la pension leur est encore lointaine. Quelque 26 % des personnes interrogées assurent en avoir une certaine idée, 10,7 % s’être déjà informés, tandis que, passant à l’acte, 17,1 % seulement ont déjà demandé et/ou reçu une estimation précise de ce montant. Parmi ceux-ci, sans surprise, on trouve une majorité de gens de plus de 55 ans.

Sachant que quatre sondés sur cinq considèrent qu’il est de leur responsabilité propre de s’assurer qu’ils auront une pension suffisante, ceux-ci se disent prêts à prendre certaines mesures concrètes pour compenser la perte de revenu qui surviendra lorsqu’ils partiront en retraite. 65,2 % épargnent dès à présent ; 34,7 % assurent qu’ils adapteront leur train de vie à cette nouvelle réalité et 13,7 % sont disposés à chercher un petit emploi qu’ils exerceront après leur pension pour mettre du beurre dans leurs épinards. Pour l’anecdote, 0,4 % des sondés seulement pourraient imaginer d’héberger leurs parents contre monnaie sonnante et trébuchante pour arrondir leurs fins de mois.

Parmi les formes d’épargne possibles, c’est le plan épargne-pension qui semble le plus populaire : 75,6 % des sondés ont souscrit à une telle formule et 54 %, à une autre formule de tirelire . L’immobilier constitue également une piste d’investissement pour le futur (41,3 %), comme les assurances de groupe liées au travail (32 ,1 %). Cyniquement, 10 % avouent compter sur des héritages… Quelque 5,5 % assurent n’avoir pas les moyens financiers de se lancer dans ce type de démarche.

Tout indique que les Belges, même peu informés, sont sensibilisés à la question du financement futur des pensions. Car ils mettent assez tôt en place une épargne qui leur servira de poire pour la soif, quand aura sonné l’heure de leur retraite. A une extrême de l’échelle de l’âge, 2 % s’y collent dès leurs 18 ans ! Plus globalement, 26 % des sondés commencent à mettre de l’argent de côté pour leur pension avant leurs 35 ans ; 29 % entre 30 et 39 ans ; 23 % entre 40 et 49 ans, et 5 % seulement après 50 ans.

Dans près de deux tiers des cas, cette épargne constituera un revenu complémentaire à une pension de base jugée raisonnable. Dans un cas sur cinq, elle servira de revenu de base, c’est-à-dire qu’il s’agira de la source de revenus essentielle des personnes interrogées à partir de leur départ en pension. Dans 13,6 % des cas, enfin, cet argent permettra de s’offrir des dépenses extras.

Peut-on imaginer, si les Belges s’inquiètent de leur situation financière à l’heure de la retraite, qu’ils soient prêts à travailler plus longtemps ? C’est aller un peu vite en besogne. Ils sont 38 % à exclure cette hypothèse et souhaitent dire adieu à leurs collègues avant 65 ans, même si le montant de leur pension doit s’en trouver réduit ; 15,9 % avertissent qu’ils raccrocheront leur tablier à 65 ans et bénéficieront alors des montants auxquels ils ont droit. Dans le camp d’en face, un sondé sur cinq envisagerait de rester actif au-delà de 65 ans, à condition de profiter d’une pension regonflée d’autant.

L’âge de la pension du capitaine

Avec tout ça, on ne sait toujours pas où les sondés fixent l’âge idéal d’un départ en pension. Ils ne sont que 28 % à évoquer le seuil des 65 ans, parmi lesquels une majorité (42 %) de pensionnés ou prépensionnés. Seul un quart des actifs partagent cet avis. En revanche, 37,8 % pensent qu’il serait préférable de raccrocher dès 60 ans. Un peu paradoxalement, 48 % des sondés jugent pourtant que l’âge de la pension légal, fixé à 65 ans pour les hommes comme pour les femmes depuis le 1er janvier 2009, est juste. Un petit tiers aimerait que cette limite soit revue à la baisse (et davantage les francophones que les néerlandophones) et 12 % suggèrent qu’elle soit carrément supprimée.

Que faire de tout ce temps soudainement libre ? Les Belges ne le savent pas précisément. Interrogés sur les différentes façons de vivre sa vie sans travailler, un sondé sur quatre répond systématiquement qu’il n’en a pas la moindre idée. Les autres envisagent de développer davantage leurs contacts sociaux, de voyager, de se promener, de suivre des cours, de s’occuper de leurs petits-enfants. Peu matérialiste, la majorité se dit en revanche non intéressée par une nouvelle voiture, la construction d’une maison ou l’achat d’une deuxième, et moins encore par un déménagement à l’étranger.

Les Belges interrogés ont en revanche un avis beaucoup plus tranché sur leur futur habitat. Quelque 60,9 % d’entre eux préféreraient ne jamais avoir à vivre dans une maison de repos et 16 % s’y opposeront catégoriquement. Leur opinion est tout aussi claire lorsqu’on les questionne sur la possibilité d’habiter chez leurs enfants : 50,6 % ne voudraient absolument pas de cette solution et 43,1 %, plutôt pas. Le service flat recueille en revanche près d’un avis favorable sur deux tout comme les services des soins à domicile, de type Croix Jaune et Blanche (82,5 %). Les avis sont en revanche plus partagés à propos d’une prise en charge des seniors à domicile, par des membres de la famille ou des amis.

En sens inverse, interrogés sur la possibilité ou le souhait de prendre en charge leurs propres parents, les participants au sondage sont 60,9 % à s’y opposer, avec, parmi eux, une majorité de Flamands. Ils sont plus prompts (68,3 %) à imaginer de les aider financièrement pour payer leur placement en maison de repos.

(1) Un sondage Fintro/Le Vif/L’Express/Knack réalisé entre le 13 septembre et le 18 octobre auprès de 2 547 personnes, dont 758 francophones (pour 1 742 néerlandophones) et 1 901 actifs (pour 556 pensionnés et prépensionnés).

LAURENCE VAN RUYMBEKE

1 sondé sur 5 envisagerait de rester actif après 65 ans

50,6 % des sondés n’aimeraient pas vivre chez leurs enfants

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