» Pauvres  » riches

La crise n’a pas épargné les riches, qui ont connu quelques sueurs froides avant de se refaire quelque peu. Zoom sur les principales fortunes professionnelles belges.

La crise et ses conséquences ont nourri les débats depuis plusieurs mois. Crise financière, crise sociale, crise politique…  » Crise  » est sans doute aujourd’hui l’un des mots les plus utilisés, dans toutes les langues. La crise a des conséquences sur le portefeuille. Chacun se pose des questions sur les dépenses à effectuer, celles à réduire, à reporter, voire à annuler. Mais, à côté de la sinistrose ambiante, certains regardent ce grand cataclysme de manière sinon éloignée, à tout le moins plus détendue que les autres. Bien sûr, ils souffrent comme tout le monde ; bien sûr, ils doivent réfléchir à leur portefeuille, faire des choix. Mais, pour eux, la souffrance s’arrête généralement aux écrans de cours de Bourse.

 » Eux « , ce sont ceux qu’il est commun d’appeler les riches. En Belgique, ils ne sont pas très nombreux à pouvoir se réclamer de cette espèce. Pas question chez nous de rivaliser avec les plus grandes fortunes mondiales. Seul Albert Frère figure parmi les milliardaires mondiaux retenus par le magazine américain Forbes (lire l’encadré en page 47). Cela n’empêche pas sa fortune d’avoir été sensiblement entamée durant les derniers mois. Comme celle d’autres grands industriels du pays d’ailleurs. Le cours de leurs actions est certes encore en baisse, parfois sensible, par rapport à la fin juin 2008. Néanmoins, la plupart sont déjà reparties à la hausse et ont refait une partie de leur retard. Depuis le début de l’année (cours arrêtés au 15 juin), pratiquement tous les grands groupes familiaux ont retrouvé la voie de la croissance. Bien évidemment, on n’a pas encore rattrapé les niveaux les plus hauts mais, de nouveau, tout est relatif : par rapport aux valeurs affichées lors de leur introduction en Bourse ou lors de rachats, les titres sont tous bien au-dessus de leur plus bas niveau historique.

Les grands groupes familiaux

Si l’on prend le cas de CMB, par exemple, le cours de l’action végétait aux alentours de 5,7 euros au début de 2002. Il est monté jusqu’à plus de 60 euros fin 2007. Au 30 juin dernier, il était retombé à 38,61 euros, est passé à 18 euros en fin d’année, avant de remonter à présent à plus de 23 euros. Ces avatars ne perturbent pas trop fortement la marche des affaires du groupe maritime qui, l’an dernier, a développé une activité aérienne (ASL) malgré les remous financiers. Actionnaires à hauteur de plus de 63 %, la famille Saverys a donc dû composer avec l’évolution du cours de Bourse mais sa fortune est suffisamment importante pour faire face à ces aléas.

Ce yo-yo peut être appliqué à pratiquement tous les groupes familiaux, même si certains ont plus souffert que d’autres et si certaines familles sont plus impliquées que d’autres dans le capital de l’entreprise.

Albert Frère

Si l’on reprend le cas d’Albert Frère, les actions de GBL, la CNP ou encore du groupe de luxe LVMH ont subi de fortes décrues. GBL, qui paradait aux alentours de 93 euros au milieu de 2007, est retombé à 75 euros il y a un an et se situe actuellement légèrement au-dessus des 50 euros. Il s’agit d’un recul qui n’est certainement pas du goût du milliardaire carolo. Néanmoins, il se souviendra certainement que le cours de GBL était retombé à 33 euros à la fin du premier trimestre de 2003.

L’évolution du titre CNP (Compagnie nationale à portefeuille), le bras financier de l’empire Frère, présente une évolution similaire. S’il se trouve encore largement au-dessus de ses cours de la fin du premier trimestre de 2003 (14,76 euros), il est loin du plus haut atteint à la fin juin 2007 (52,2 euros). L’an dernier à pareille époque, il avait reculé à 47,7 euros. Fin décembre, il se situait encore à 34,8 euros). Aujourd’hui, il est aux alentours de 33 euros.

Enfin, LVMH, dont Albert Frère est le plus gros actionnaire particulier aux côtés de Bernard Arnault, son président, est une structure qui apparaît comme un baromètre intéressant du monde du luxe mais aussi des initiatives prises par les deux hommes pour trouver de nouveaux débouchés financiers ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils ont créé il y a un peu plus de trois ans une société d’investissement commune dotée de 1 milliard d’euros de fonds propres. L’action LVMH n’est pas revenue à son plus bas de septembre 2001 (35,45 euros). Néanmoins, son évolution a été somme toute assez erratique ces derniers mois. Après avoir flirté avec la barre des 90 euros vers la fin de 2007, le titre était tombé à 66,58 euros à la fin juin 2008. Il a entamé l’année à 47,77 euros pour se situer actuellement à quelque 56 euros.

A l’exception de ce dernier titre, on se rend compte que les deux autres armes de l’empire Frère présentent actuellement toujours des reculs depuis le début de l’année. On peut dès lors se demander si une opération d’envergure (comme à l’accoutumée) ne serait pas actuellement à l’étude du côté de la Blanche Borne à Gerpinnes. Il est vrai que le groupe a largement diversifié ses activités, allant de l’industrie pétrolière (Total…) à l’audiovisuel (M6…), en passant par l’agroalimentaire (Entremont…), et n’a jamais hésité à se lancer dans de nouveaux domaines.

Colruyt et Boone

Dans le tableau ci-après, élaboré par Tony Coenjaerts, directeur de notre confrère Trends-Tendances, on constatera encore que deux groupes ont vécu la crise sans trop de tracas : Colruyt et Lotus. Les familles Colruyt et Boone ont ainsi pu maintenir le cap. Colruyt a atteint son plus haut niveau historique en août dernier (186,18 euros), est retombé à 153,75 euros à la fin de l’année et se situe actuellement autour de 170 euros. On est bien loin des 40 euros du milieu de 2001. Au contraire, depuis cette date, le groupe n’a cessé de progresser, renforçant la richesse des héritiers de Franz Colruyt qui, en 1928, avait créé un commerce de gros en denrées coloniales à destination des épiciers de la région de Lembeek (Halle). Une activité largement diversifiée par son fils Jo à partir de 1958 et la création des premières enseignes de libre-service aux particuliers.

Pour Lotus Bakeries, l’évolution de ces derniers mois a connu des hauts et des bas, avec une action descendant à 213 euros à la fin janvier 2008, remontant à 282 euros six mois plus tard, rechutant à 215 euros fin novembre et terminant l’année à 245 euros. Depuis, l’action a dépassé son plus haut niveau, tournant aux alentours de 290 euros. On est, là aussi, loin des 40 euros de l’automne 2001… Pour le baron Karel Boone et sa famille, la crise actuelle est donc aussi toute relative.

Des données relevées dans le tableau on constate que toutes les familles ne sont pas logées à même enseigne. Mais, avant de s’en faire (trop) pour elles, il est bon d’analyser les performances de leurs portefeuilles sur un plus long terme qu’une année difficile. On remarque aussi que les groupes qui sont moins affectés par la crise sont ceux qui jouent avant tout sur leur marché local, sans gros développements internationaux et sans trop utiliser les structures et outils financiers mondiaux.

D’Ieteren

Par contre, des entreprises fortement soumises aux marchés internationaux souffrent particulièrement, la  » palme  » revient à D’Ieteren dont l’importante dépendance à l’égard de son fournisseur VW et du marché automobile apparaît très clairement. En décembre dernier, le titre a fini l’année sur un petit 75 euros, un niveau jamais atteint en huit ans et qui est bien loin de 330 affichés en juin 2007 ou encore des 175 euros de juin 2008… Aujourd’hui, il gravite autour des 140 euros, démontrant la faiblesse actuelle du marché automobile…

Didier Grogna; D.G.; D.G.

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