Patrons à la place des patrons

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Bouées de sauvetage temporaires pour entreprises en perdition, les administrateurs provisoires s’emploient à éviter des faillites ou à les traverser le plus sereinement possible. Gros plan sur un rôle essentiel et méconnu.

Leurs contrats de travail sont, par définition, à durée déterminée : les administrateurs provisoires que désignent les tribunaux du commerce quand une entreprise part à vau-l’eau reçoivent un mandat limité dans le temps. Durant quelques semaines ou jusqu’à deux à trois ans, ils remplacent un gérant d’entreprise, ou un conseil d’administration, et prennent toutes les décisions qui s’imposent dans la gestion de la société : passer commande de matériel, payer des fournisseurs, licencier du personnel…  » Pour travailler au mieux, ils rencontrent généralement la direction, qui, même si elle digère mal son dessaisissement, est tenue d’être de bonne composition, relève Philippe Evrard, vice-président du tribunal de commerce de Liège. Sans quoi, sa responsabilité pourrait être engagée. « 

Le président du tribunal de commerce nomme des administrateurs provisoires dans trois cas de figure : lorsqu’un conflit oppose des associés au point que la société ne peut plus être correctement gérée ; lorsque la mauvaise gestion d’un patron met une entreprise en péril ; et lorsqu’une société, en faillite virtuelle, risque bien d’être déclarée en faillite réelle. Un conflit social, si dur soit-il, ne peut pas justifier le recours à des administrateurs provisoires.

Toute personne intéressée (travailleur, créancier, fournisseur, ONSS…) peut adresser une telle demande au tribunal s’il juge que la continuité des activités de l’entreprise n’est plus garantie. Le président du tribunal peut aussi intervenir d’initiative.

Quel est le profil des administrateurs provisoires ? Le plus souvent, des avocats qui peuvent être désignés comme curateurs, mais pas seulement : des consultants ou des administrateurs indépendants, des experts comptables et des réviseurs d’entreprises fleurissent aussi dans les carnets d’adresses que consultent les présidents de tribunal de commerce.  » Les administrateurs provisoires que je contacte doivent pouvoir se libérer pratiquement dans l’heure « , précise un président, car il y a souvent péril en la demeure.  » A Liège, une bonne quarantaine d’administrateurs provisoires potentiels sont recensés, dont une trentaine de curateurs. Charleroi compte, elle, 35 curateurs, auxquels s’ajoutent des réviseurs d’entreprises ou des experts comptables.

De 100 à 200 euros l’heure

Les administrateurs provisoires, qui ne travaillent pas d’office 10 heures par jour au siège de la société en danger, sont payés par celle-ci, en fonction d’un tarif horaire préalablement fixé. A Liège, le tarif de base oscille entre 100 et 150 euros l’heure ; à Charleroi, il avoisine les 125 euros, tandis qu’à Bruxelles il peut dépasser les 200 euros.  » Nous essayons que les mandataires de justice ne vivent pas que de missions comme celles-là, de manière qu’ils ne développent pas de relations intéressées avec les magistrats « , souligne Jean-Philippe Lebeau, président du tribunal de commerce de Charleroi.

C’est au tribunal de commerce que les administrateurs provisoires doivent rendre des comptes et c’est lui aussi qui décide de la fin de la mission ou de son éventuelle prolongation. L’opération se conclut soit par une déclaration effective de faillite – dans ce cas, un curateur remplace l’administrateur provisoire -, soit par un rejet de la faillite, auquel cas l’ancienne direction reprend les choses en main.  » Le tribunal ne peut pas maintenir indéfiniment une administration provisoire en fonction « , soupire un président. Dommage, sans doute, dans certains cas…

LAURENCE VAN RUYMBEKE

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