Passacailles et autres chaconnes

On l’avait oublié: la danse est intrinsèquement liée à la musique baroque. Elle est au coeur du Printemps baroque et des « Lully » de William Christie

La 7e édition du Printemps baroque du Sablon a fait de la danse son événement d’ouverture, avec un bal baroque (le 20 avril), invitation à suivre la sensualité des folies, passacailles et autres chaconnes des Sonatori de la Gioiosa Marca. William Christie ne sera pas en reste avec ses Divertissements de Versailles (le 29), qui ouvrira la scène du palais des Beaux-Arts de Bruxelles à la danseuse-chorégraphe Hélène Baldini, rejointe par Jean-Charles Di Zazzo.

On sera pourtant loin du faste lullyen du légendaire Atys de 1987. Christie partage en effet son dépit avec tous les danseurs baroques que nous avons rencontrés. « La danse baroque est cantonnée à l’amateurisme, ce qui ne correspond pas au niveau de professionnalisme qu’elle exige », explique Sigrid ‘t Hooft, qui jouera les maîtres à danser au bal du Sablon, avec l’ensemble les Muses galantes. La Française Christine Bayle renchérit: « Il y a moins d’intérêt qu’il y a quinze ans pour le « spectaculaire ». Les maisons d’opéra ne veulent plus y mettre les vrais moyens. »

Pourtant, les faits sont là: la danse fait intrinsèquement partie du tissu musical baroque, même lorsqu’on aborde une suite de Bach. N’a-t-on pas vu Francine Lancelot chorégraphier une partita pour violon du Cantor? Scandale! Il est vrai que la danse brillait davantage en France qu’en Allemagne ou en Italie. Elle y devient une institution sous Louis XIV, qui en fait un instrument de pouvoir, en créant, dès 1661, l’Académie royale de la danse, chargée d’en formaliser les contours. Beauchamp chorégraphie, Feuillet note les pas, les bras et les figures pour qu’on puisse danser à livre ouvert. C’est l’époque des comédies-ballets de Lully ou de Molière qui, avec Psyché, s’aventure à l’orée de la tragédie lyrique (l’opéra à la française): la parfaite adéquation entre le chant, la musique, la danse et le théâtre.

« Comment un musicien peut-il comprendre le rythme, le caractère d’un menuet s’il ne l’a pas vu danser? » reprend Christine Bayle. Et Sigrid ‘t Hooft de renchérir: « Le compositeur part de la structure de la danse. C’est ce que j’explique aux musiciens dans mes cours de gestique au Conservatoire: le caractère profond de la danse. Le tempo, c’est la dernière chose dont je parle, car il découle du caractère. Cela influence énormément leur façon de phraser la musique. » Pour Lieven Baert, qui a ouvert, à Gand, un institut pour la danse historique, le mouvement est porteur de sens: « Ces danses ne sont pas là que pour le divertissement, elles font partie du spectacle, en exprimant les sentiments des protagonistes par le geste. »

Du côté des musiciens, on tient à cet apport. L’organiste Serge Schoonbroodt, par exemple, qui sera, le 25, aux orgues de l’église du Sablon: « L’important, c’est quand Christine Bayle danse devant moi. Il se dégage une conviction qui fait sens. Le premier temps, je le vis sur son pas. Et si cela ne correspond pas toujours, on peut s’en inspirer. » William Christie ne dit pas autre chose: « C’est la danse qui est le matériel instrumental. » Et Sigiswald Kuijken: « Musique et danse, c’est la même chose. Et l’une sans l’autre diminue son pouvoir de conviction. Vous avez déjà vu une suite d’opéra sans danse: c’est fastidieux! »

X.F.

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