» Pas de solutions pour tous « 

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Frappé par une paupérisation importante, le centre-ville de Verviers est tapissé d’immeubles mal entretenus ou excessivement peuplés. Pour répondre à cette problématique, la Ville se veut plus sévère avec les propriétaires. Et, par effet domino, avec les locataires, souvent précarisés.

Le problème, c’est le centre-ville. Pas besoin de tourner mille heures autour du pot quand on évoque la question du logement à Verviers. La périphérie, qui recueille les familles plus aisées et une série de projets neufs, garde le cap. Merci pour elle. Mais pas le c£ur de ville. Parce que le tissu résidentiel est fatigué par l’ancienneté, d’abord. Un paquet d’immeubles, construits en pleine période de poussée industrielle dans des quartiers ultradensifiés, marquent le coup. Le déclin de l’industrie lainière entraînera une déshérence de ces quartiers ouvriers,  » peuplés à partir de la fin des années 1960 par plusieurs vagues successives d’immigration « , comme l’explique le bourgmestre.  » Ce sont des populations qui n’ont pas toujours eu les moyens ou l’envie de rénover leur logement « , poursuit Claude Desama.

Au manque d’entretien et à la paupérisation galopante s’ajoute ce que Freddy Breuwer, l’échevin du Logement (MR), qualifie de  » business malsain « , à savoir la division à l’arrache de maisons individuelles en cellules locatives indignes d’être habitées.  » Avec nos nouveaux partenaires libéraux, on s’est attaqué au problème des propriétaires abusifs à qui on fait la guerre. La fédération nationale des propriétaires nous assigne d’ailleurs devant le Conseil d’Etat pour casser notre règlement communal « , confie le mayeur socialiste. Depuis deux ans, pas moins de 250 immeubles ont été frappés par un arrêté d’inhabitabilité :  » Il en reste certainement autant, voire deux fois plus à prendre, plaide Freddy Breuwer. A terme, je considère que 20 % du parc locatif doit être déclassé et remplacé par la construction ou la rénovation d’autant de logements, dont la plupart doivent être pensés pour des ménages avec deux ou trois enfants. Chacun doit pouvoir disposer, à Verviers, d’un logement décent, sûr et confortable. « 

Trop de pauvres ?

Le n£ud du problème est grosso modo le même partout : les villes courent toutes après des ménages capables d’alimenter leurs recettes fiscales. Pas après des allocataires sociaux. Or, quand un propriétaire divise une maison unifamiliale en six appartements minuscules, ce n’est généralement pas au panier fiscal de la Ville ou au bien-être des familles qu’il pense…  » A Verviers, sur 1 000 habitants, 44 disposent d’une aide sociale, alors que la moyenne wallonne est de 14 et que, dans les villes auxquelles nous pouvons être comparés, elle est de 23, poursuit Freddy Breuwer, bien décidé, manifestement, à sabrer en profondeur. L’explosion des petits logements issus des divisions d’immeubles a fixé sur Verviers une petite misère où certaines personnes, au courant des avantages du système, viennent uniquement avec l’objectif d’être accueillis socialement.  » En clair, dans une ville qui compte une proportion de locataires très élevée (entre 40 et 45 % sur 22 500 logements, ce qui est énorme en Belgique), l’échevin et sa majorité veulent assainir l’offre de logements, mais également la demande. Quand on lui demande platement s’il y a  » trop de pauvres  » à Verviers et si la Ville ne cherche pas simplement à refiler à d’autres la patate chaude, Freddy Breuwer ne se défile pas :  » La paupérisation, notamment liée à la dégradation de la qualité du logement, est trop forte, oui. J’ose dire que nous n’aurons pas de solutions pour tous et que l’on n’a pas l’obligation de créer à grands frais des logements pour tout le monde : les locataires pensent qu’il appartient aux pouvoirs publics de leur trouver un logement. Je suis MR, donc pour les droits mais aussi les obligations de chacun. On doit accepter l’idée que tous ne retrouveront pas un logement à Verviers. Ceux qui le veulent devront y consacrer un certain prix : dire qu’on peut continuer avec des loyers de 250 euros, c’est leurrer les gens. « 

Le CPAS n’a désormais plus le droit d’avancer la garantie locative aux allocataires qui voudraient s’installer dans un logement insalubre. L’une des solutions, de plus en plus appliquée d’ailleurs, passe par l’AIS (Agence immobilière sociale), qui prend les immeubles des propriétaires en gestion. En responsabilisant forcément lesdits propriétaires. L’agence dispose d’environ 200 immeubles en portefeuille, un chiffre qui reste marginal.

Dans cette politique volontariste mais dure, l’opposition Ecolo pioche à boire et à manger…  » Il est évident que l’on ne peut pas laisser faire les marchands de sommeil. En même temps, cette politique va mettre des gens à la rue. Dire qu’il n’y a pas de solution pour tout le monde, c’est démissionner. La paupérisation grandit aussi à Dison ou à Pepinster. Je reproche clairement à Claude Desama et à sa majorité d’en faire plus pour l’image de la ville que pour les allocataires sociaux. Le projet de Foruminvest, dans ce contexte, amènera des chalands, pas des habitants. La précarité restera dans le centre-ville à moins qu’on se mette à travailler sur le cadre de vie : c’est ça qui fera revenir des habitants « , argumente l’Ecolo Dany Smeets, chef de groupe au conseil communal.

30 millions d’euros contre… 600 000

Si l’échevin Breuwer considère que les loyers pratiqués tirent le marché vers le bas, on peut se demander quelles seraient, en contrepartie, les obligations d’un propriétaire dont le revenu locatif augmenterait. Demander 100 ou 200 euros en plus à un allocataire social n’a rien d’un jet de pierre dans l’océan : l’effort à fournir mérite qu’il soit contrebalancé.  » L’arrêté d’inhabitabilité vaut rupture de bail. Dans les trois mois, le locataire doit partir et le propriétaire ne peut plus relouer sans visite de nos services. Des systèmes de taxation et d’amendes administratives sont également en vigueur pour les propriétaires qui ne respecteraient pas les règles « , lance encore l’échevin libéral, bien conscient pourtant qu’une grosse partie de ce  » business « , par nature, se poursuit de manière souterraine et avec une grande rotation.  » Sans cynisme, je le clame : il y a des gens qui n’ont pas de raisons d’être à Verviers. Mais j’ai un credo : créer du logement moyen et social, sans que l’on retombe dans les travers des logements à 250 euros. « 

Les réponses plus globales apportées par la Ville passeront inévitablement par la rénovation des quartiers paupérisés et la lutte contre la ghettoïsation. L’arrivée de Foruminvest et de ses mannes à millions devrait faire respirer la Ville, notamment pour la réhabilitation de la très endommagée rue Spintay. La rue de Heusy, autre artère importante de Verviers, sera elle aussi prise en charge par l’entremise d’une collaboration entre la Ville, qui a racheté 26 maisons de la rue, et le groupe Palm, qui va y construire 56 logements  » de qualité « .  » Pour la rue Spintay, il faut compter un budget de 30 millions d’euros… alors que la Ville n’en reçoit que 600 000 par an de la Région pour l’ensemble de la rénovation urbaine « , clame Claude Desama. Son échevin précise :  » Prochainement, nous développerons, notamment par l’apport d’un fonds d’investissement d’un million d’euros alimenté par Foruminvest, toute une politique de réhabilitation et de réoccupation intelligente des étages au-dessus des commerces, trop souvent inoccupés.  » Une initiative de plus pour un centre qui en aura besoin encore et encore, au cours des années à venir, s’il veut sortir de l’ornière.

GUY VERSTRAETEN

 » travailler sur le cadre de vie fera revenir les habitants « 

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