Partir, apprendre le monde

Leur certificat de fin d’études secondaires en vue, ils sont des dizaines d’autres jeunes à rêver d’horizons lointains, de rencontres, de découvertes, de liberté. C’est décidé, ils vont partir étudier à l’étranger. Mais où ? Un projet bien mûri permettra à chacun de trouver sa réponse

« Partir, c’est un « plus » incontestable et une expérience inoubliable », assurent en choeur les associations qui organisent des programmes d’études à l’étranger. Toutes s’appuient sur des années de pratique et des témoignages enthousiastes par dizaines. Mais elles ajoutent aussitôt que « c’est une décision qui ne doit pas être prise à la légère ». Si l’expérience est riche, elle n’est pas tous les jours facile à vivre. Et pour surmonter les inévitables petits heurts, il faut être sûr de ses options et de sa motivation.

Comme tout choix d’orientation, le séjour à l’étranger commence par une solide information. Les responsables des organisations – AFS, WEP, Rotary, YFU, pour ne citer que les plus connues – se montrent très disponibles et jamais avares de renseignements et de « tuyaux ».

Les premiers programmes scolaires à l’étranger – plus communément appelés exchange programs, même lorsqu’ils n’impliquent pas un échange direct entre familles – sont nés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans l’enthousiasme de la Libération. A l’époque, il s’agissait essentiellement d’échanges avec les Etats-Unis. Les jeunes Belges y suivaient une année d’études, souvent ils y recommençaient leur rhéto, pour perfectionner leur anglais et découvrir la culture américaine.

Plus d’un demi-siècle plus tard, les destinations se sont étoffées: les Etats-Unis demeurent une destination très demandée, mais les élèves sont nombreux à partir pour l’Amérique latine, le Canada, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et, bien sûr, les pays européens.

Les formules de séjour se sont, elles aussi, largement diversifiées. Le séjour « classique » reste le plus demandé: l’étudiant est inscrit dans une école et est reçu par une ou plusieurs familles, dont il partage la vie quotidienne. Mais, aujourd’hui, il est possible aussi de passer un semestre dans un pays et un semestre, dans un autre. Enfin, la formule mixte « Etudes et volontariat », six mois d’études linguistiques aux Etats-Unis puis quatre mois de bénévolat dans une organisation sociale en Amérique latine ou en Afrique, connaît un succès croissant.

En dépit d’inévitables déceptions et coups de blues, la plupart des étudiants reviennent enchantés. On compte malgré tout de 5 à 10 % d’échecs. « On peut mettre beaucoup de choses derrière les mots et les intitulés de programme. La réalité peut être différente de ce que le jeune a imaginé, explique François parti suivre des études dans un autre pays européen. Après trois semaines, je suis rentré. Je n’ai rien à reprocher à l’école qui m’accueillait ni à l’organisation. Simplement, la réalité ne correspondait pas du tout à mes attentes. Il faut bien s’informer et poser de très nombreuses question. » L’expérience des « anciens » corrobore le propos des associations: il est indispensable de se préparer très soigneusement au voyage et de bien choisir l’association avec laquelle on part. Chacune a ses spécificités, chacune a ses qualités. Leur diversité permet aux jeunes et à leurs familles de trouver la formule la plus adaptée à leurs souhaits.

Les sites Web et les brochures d’informations envoyées sur simple demande permettent une première approche des organisations et des programmes proposés. Dans la foulée, il est toujours possible d’obtenir un rendez-vous et des renseignements plus détaillés. L’étudiant intéressé par un programme précis introduit un dossier de candidature. Il faut s’y prendre à temps, environ un an avant la date de départ, soit dès le début de la dernière année du secondaire. En effet, les organisations disposent d’un nombre limité de places par pays. Une fois atteint le nombre déterminé pour un pays donné, l’organisation clôt les inscriptions.

Une question d’affinité

Durant la procédure de sélection, les organisations auront un entretien avec l’étudiant et sa famille. Si le jeune persévère dans sa démarche, il devra parfois réussir un test linguistique certifiant des connaissances suffisantes pour se débrouiller dans sa famille d’accueil et pour suivre les cours.

Le choix de l’association peut aussi dépendre d’affinités plus difficiles à définir. Les sessions de préparation – une journée ou un week-end – offrent une occasion de se confronter à l’esprit de l’organisation: « Lors de la première rencontre, je me suis rendu compte que je n’appréciais pas beaucoup le ton des responsables et le discours des autres participants. Je ne me sentais pas à l’aise. Cela ne correspondait pas à ce que j’espérais, explique Charlotte, candidate au départ. J’ai donc changé d’organisation et je suis très contente d’avoir bénéficié de cette occasion. »

Le choix peut également être déterminé par le type de projet envisagé: « Je ne voulais pas recommencer une sixième année. J’avais envie d’avoir déjà accès à la formation supérieure que je veux suivre quand je reviendrai en Belgique, explique Pierrot. Or YFU a des contacts avec différentes écoles d’enseignement artistique en Amérique latine. C’est ainsi que je suis parti là-bas. »

Au terme du processus de sélection vient le moment du départ. Et l’arrivée dans une famille bénévole, de bonne volonté, heureuse d’accueillir un étudiant étranger. Souvent, la rencontre se déroule plutôt bien, même si, de part et d’autre, il faut parfois mettre de l’eau dans son vin ! « Après dix ans, je suis toujours en relation avec ma famille d’accueil. Je suis retournée plusieurs fois lui dire bonjour et un de leurs enfants est venu passer quelques semaines à la maison », explique Myriam. Beaucoup d’autres ont également partagé de vrais moments de complicité. Mais, il y a aussi, plus souvent qu’on ne l’imagine, des désaccords. La vie familiale aux Etats-Unis ou au Mexique peut être très différent de celle d’un foyer belge. De plus, chaque famille a ses propres règles, ses exigences, ses limites.

Pour limiter les accrocs, chaque organisation a sa philosophie. AFS, WEP, YFU sélectionnent une famille par séjour, alors que Rotary opte pour trois familles sur l’année de séjour. « Cela permet aux jeunes de rencontrer des personnes différentes et d’établir des liens avec plus de gens, explique un responsable. Et quand l’entente n’est pas harmonieuse, cela permet à l’étudiant de patienter en se disant qu’il n’en a que pour trois mois. » En revanche, si les relations sont bonnes, la séparation peut être douloureuse.

Le Rotary demande aux familles qui envoient un enfant à l’étranger de prendre en charge un étudiant du pays où se rend leur enfant. « Toutefois, nous n’organisons jamais d’échange direct entre les familles, remarque un responsable. Ce serait bien trop délicat en cas de mésentente dans une des deux familles. » Le Rotary , service club, veut favoriser les relations non seulement entre les cultures, mais aussi entre les membres du Rotary. Pour autant, le service d’échanges de cette organisation est ouvert à tous; les enfants des membres constituant même la minorité des étudiants engagés dans le programme. Les autres associations ne font pas de la réciprocité de l’accueil une condition de participation. Toutes cherchent en permanence des familles d’accueil bénévoles, que celles-ci aient ou non un enfant inscrit dans le programme de l’association.

En principe, l’étudiant ou la famille peut recourir à un coordinateur local pour régler les éventuels différends et l’assister si des problèmes surgissent. En réalité, le rôle du coordinateur est assez théorique. Au Rotary, celui-ci est un membre du club, tenu de prendre plusieurs fois contact avec l’étudiant durant son séjour. Dans les autres organisations, les coordinateurs se tiennent plutôt à la disposition des étudiants s’ils font appel à eux.

Beaucoup de jeunes se débrouillent donc eux-mêmes. Cela fait partie de l’expérience. Durant le séjour, l’étudiant passe d’ailleurs par différentes phases. Celle, d’abord, de la découverte d’un univers très différent. Il faut s’accoutumer, trouver ses marques et ses repères. Durant cette période, tout le monde se tient sur la réserve. Mais, une fois les habitudes prises, les premiers heurts peuvent survenir. Chacun a tendance à moins se surveiller. Pour l’étudiant, c’est souvent le temps de la nostalgie et des heures de blues. Puis, avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, la situation s’apaise: c’est le moment le plus fort de l’échange. Il faudra alors rentrer à la maison. Malgré le bonheur des retrouvailles, l’atterrissage ne se fait pas toujours en douceur. Les parents pensent retrouver l’enfant qui est parti. Or celui-ci a beaucoup changé durant cette année: il a bénéficié d’une large autonomie et pris de l’assurance. Et s’il est heureux de revoir sa famille, sa maison, il a perdu l’habitude – et, sans doute le désir – de vivre exactement comme avant. Il va donc falloir trouver un nouvel équilibre, une nouvelle harmonie dans les relations. Tout à coup, l’adolescent est devenu adulte. N’est pas précisément pour cela que sa famille l’avait laissé partir?

La semaine prochaine: étudier à l’étranger pendant et après les études supérieures.

Anne-Marie Pirard

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