Où s’arrêtera Stéphane Moreau ?

Le patron de Tecteo propulse les intercommunales dans une nouvelle ère. Vrai ou faux ? FAUX. Deux cabinets ministériels socialistes s’activent dans l’ombre pour tailler un costume sur mesure à Tecteo, en le débarrassant de ses couleurs trop voyantes.

L’incroyable culot de Stéphane Moreau (PS), patron de l’intercommunale liégeoise Tecteo, a payé. En une seule année, il s’est emparé de la moitié du capital de l’aéroport de Liège et a avalé les Editions de l’Avenir, sous réserve du feu vert du Conseil de la concurrence. Il convoite toujours le groupe IPM (La Libre Belgique, La Dernière Heure), qui a un besoin urgent d’argent frais. IPM a un nouvel interlocuteur : la Société régionale d’investissement de Wallonie (SRIW). A la demande du ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS), celle-ci examine comment elle pourrait venir en aide au groupe IPM, tout en donnant aux acquisitions  » presse écrite  » de Tecteo une apparence de pluralisme politique. La viabilité de l’entreprise publique qui serait ainsi constituée avec Voo, L’Avenir,La Libre Belgique,La Dernière Heure et Twizz Radione saute cependant pas aux yeux. D’où l’étude de marché qui va être commandée prudemment par la SRIW. Après l’effet de surprise suscité par le rachat de L’Avenir, la normalisation est en marche, qui passe d’abord par le mode  » pause « …

Les défauts les plus voyants de Tecteo vont être estompés. Premier principe, et son application en trompe-l’oeil : les intercommunales plurirégionales qui échappaient à la tutelle d’une Région – entre autres, Tecteo – vont rentrer dans le rang. Les partis se sont accordés au fédéral, en Comité de mise en oeuvre des réformes institutionnelles (Comori), pour que ces intercommunales dépendent à l’avenir de la Région qui abrite leurs activités principales. Tecteo reviendra donc dans le giron de la Wallonie. L’intercommunale Tecteo, mais pas ses filiales de droit privé, Tecteo Services et Resa Services, où Stéphane Moreau et ses amis ont logé le véritable pouvoir. On ne reviendra pas sur les opérations – si contestées – de filialisation et de rachats de la puissante intercommunale liégeoise.

Deuxième principe : une forme d’ouverture à un mode de gestion plus moderne et efficace, inspiré du privé. Depuis des mois, le ministre des Pouvoirs locaux Paul Furlan (PS) s’en va répétant que  » dans certains cas, le modèle intercommunal a atteint ses limites  » et qu’il faut passer à celui d’entreprise publique autonome, comme à Belgacom, tout en préservant l’actionnariat communal de base et en sécurisant les dividendes. Loin de rationaliser le monde enchevêtré, et parfois redondant, des 106 intercommunales wallonnes, Paul Furlan accède à la demande formulée in tempore non suspecto par Tecteo et Ores (gestionnaire semi-public de réseaux de distribution de gaz et d’électricité). Ces sociétés se sentent à l’étroit dans leur statut et ont besoin de capitaux pour répondre à d’importants défis technologiques.

Troisième principe : le  » contrôle  » et la  » transparence « . Paul Furlan a présenté au gouvernement wallon une note d’orientation qui vise à dissiper l’opacité qui entoure ces outils publics. La Région aurait ainsi un représentant au conseil d’administration des  » intercos  » très étendues ou d’intérêt stratégique (énergie, télécommunications, hôpitaux, etc.). Ce mandataire exercerait un  » contrôle sur place  » et ferait également du  » reporting  » auprès du gouvernement, tandis que le comité de direction (management) serait tenu d’informer plus régulièrement le conseil d’administration (élus), en y intégrant des  » techniciens « . Paul Furlan veut aussi mettre un frein aux salaires mirobolants que se sont octroyés certains dirigeants d’intercommunales, avec un plafond fixé à 245 000 euros brut par an. Le comité de rémunération devra comprendre des représentants de tous les partis, voire de la Région, pour les grosses intercommunales, mais pas question de divulguer ces montants,  » par respect pour la vie privée « . Seule concession : la présence de tous les partis au comité de rémunération.

D’ici aux élections de mai 2014, il y a peu de chance de voir aboutir ce processus de réforme encore timide. Le ministre des Pouvoirs locaux n’a remis qu’une note qui, avant d’être traduite en décret, doit être avalisée par les membres de la coalition olivier et faire l’objet d’une comparaison avec le statut d’autres entreprises publiques.

MARIE-CÉCILE ROYEN

 » Les lignes vont quand même bouger, mais à la marge  »

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