Ine Mariën, responsable en communication stratégique et en gestion de la réputation. © DR

 » On s’en prend aux personnalités qui sortent du lot « 

Responsable en communication stratégique et gestion de la réputation, Ine Mariën dénonce la stratégie  » facile  » des critiques de Greta Thunberg. L’humour de la jeune activiste est une bonne réponse. Mais d’autres porte-parole devraient peut-être se lever pour soulager la pression.

Les attaques personnelles se multiplient à l’égard de Greta Thunberg. Dénigre-t-on plus que jamais les porteurs de message au lieu de s’attaquer au contenu ?

C’est effectivement une évolution remarquable de ces dernières années. On s’en prend surtout aux personnalités qui sortent du lot, comme Greta Thunberg. Personnellement, je la trouve admirable. Beaucoup de personnes auraient aimé réussir ce qu’elle a fait : créer un tel forum mondial qui mobilise des jeunes dans le monde pour sensibiliser à l’enjeu climatique. Cela suscite sans doute des jalousies. Elle a en outre, et c’est important, la légitimité de son âge pour se préoccuper de l’avenir que l’on réserve à sa génération. Cela dit, elle a peut-être surjoué l’émotion lors de son intervention aux Nations unies, à New York, en affirmant qu’on lui avait  » volé son enfance « . Elle y a développé une vision un rien catastrophiste. Cela donne des arguments à ses détracteurs. Quand on l’écoute attentivement, son discours est pourtant bien plus cohérent que la caricature faite par certains.

Elle a peut-être surjoué l’émotion lors de son intervention aux Nations unies.

Cette stratégie de dénigrement est-elle efficace ?

Elle est surtout très facile, parce que l’emballement est rapide dès lors que les éléments négatifs sont repris abondamment dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ses détracteurs s’en prennent à son âge, à son sexe, à sa prétendue méconnaissance des dossiers ou au fait qu’elle serait manipulée : c’est évidemment plus aisé que de s’en prendre au contenu de son discours environnemental… Ce faisant, ses opposants cherchent à se profiler eux-mêmes. Les stratégies utilisées pour construire une réputation sont d’ailleurs semblables à celles utilisées pour la détruire.

On assiste à d’autres cas d’attaques personnelles, par exemple pour mettre en garde, en raison de sa personnalité, contre la candidature attendue de Georges-Louis Bouchez à la présidence du MR…

On retrouve ce type d’attaques ad hominem contre des leaders, singulièrement en politique. Ces réactions négatives sont souvent à la mesure de la réussite de la personne attaquée ou de la capacité de celle-ci à se bâtir une réputation ; c’est évident pour Georges-Louis Bouchez, hyperactif sur les réseaux sociaux. Dans le cas de Greta Thunberg, ces attaques ne parviennent pas à minimiser l’important soutien qu’elle reçoit : de nombreux jeunes continuent à se mobiliser aux quatre coins du monde. Le mouvement pour le climat reste une lame de fond avec une force morale très solide. Greta Thunberg a réussi à repolitiser un débat en le sortant du domaine de la science pure. Ce n’est pas le moindre de ses mérites. D’autres organisations connexes émergent désormais comme Fridays for Future, qui organise des grèves dans les écoles le vendredi, ou Parents for Climate, qui prolonge le message des jeunes.

Comment réagir à ces attaques ?

Il ne faut pas forcément en tenir compte outre mesure. Greta Thunberg réagit assez bien lorsqu’elle utilise le registre de l’humour en détournant l’ironie du président américain Donald Trump, quand elle met en tête de son profil sa phrase  » Une jeune femme très heureuse qui regarde vers un avenir merveilleux et souriant  » ou quand elle s’amuse du fait qu’elle ne ferait plus que du death metal après la diffusion d’une vidéo détournant son message à l’ONU. Greta Thunberg maîtrise bien le public des jeunes auquel elle s’adresse. Cependant, en plus d’être parfois trop émotionnelle, elle a peut-être un discours qui manque de  » mains tendues  » ou de sous-entendus moins tranchés à destination de ceux qui sont moins convaincus. Elle commet forcément des erreurs, notamment lorsqu’elle porte plainte contre cinq pays, dont l’Allemagne et la France, devant le Comité sur les droits de l’enfant des Nations unies. Ce faisant, elle risque de se mettre à dos des alliés potentiels et elle ne s’en prend pas aux plus gros pollueurs, ce qui risque de brouiller son message.

Faut-il corriger sa communication ?

Il est peut-être venu le moment que d’autres voix se lèvent pour soulager un peu la pression autour de sa personne. Il y a, je l’ai dit, d’autres organisations qui se créent et il existe, dans le monde, d’autres porte-parole que la Suédoise. Une réflexion peut être menée sur la complexité du message à faire passer. Mais cela ne doit en aucun cas remettre en cause sa légitimité.

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