Nouvelle presse, vieilles recettes

Rue89, Mediapart, Slate France… Les sites d’information en ligne imitent les médias traditionnels pour sortir du rouge. Entre version papier et appel aux subventions.

Les quatre mousquetaires d’Alexandre Dumas enchaînaient les victoires. Ce quatuor-là cumule les déconvenues. Aujourd’hui, les principaux sites d’information en ligne – Rue89, Mediapart, Slate France et Le Post – sont encore loin d’avoir prouvé leur viabilité. En 2009, ils ont affiché 5 millions d’euros de pertes cumulées ( voir le tableau ci-dessous).

La crise économique, qui frappe aussi de plein fouet la presse traditionnelle, est certes passée par là. Mais, à l’évidence, les médias Internet souffrent encore plus. Ni l’information financée par la seule publicité, ni les abonnements payants ne leur suffisent à trouver le chemin de l’équilibre. Voilà ces nouveaux venus contraints de multiplier les augmentations de capital et, plus surprenant, de redécouvrir les vieilles recettes de la presse écrite.

Slate France, par exemple, cherche à diversifier ses sources de revenus en déclinant la marque sous toutes ses formes. Né d’un partenariat avec le quotidien américain Washington Post, le site gratuit a déjà passé un accord avec Orange, qui reprend certains articles sur son portail Internet. Et une version payante destinée à la tablette multimédia d’Apple, l’iPad, pourrait voir le jour. Pas de quoi pavoiser tout de même avec un maigre résultat de 380 000 euros.  » L’an dernier, nous venions juste d’ouvrir nos portes, se défend Jean-Marie Colombani, cofondateur de Slate.fr. En 2010, la situation sera différente, avec un chiffre d’affaires de près de 1 million d’euros.  »

 » Le site, point d’appui pour d’autres activités « 

Chez Rue89, d’autres pistes ont été explorées avec plus de succès.  » Le site nous sert de point d’appui pour d’autres activités, explique l’un des cofondateurs, Laurent Mauriac. Les formations au journalisme sur Internet et la création de pages Web représentent 40 % de nos revenus.  » Plus étonnant encore, une édition papier a vu le jour récemment. Le premier numéro de ce mensuel a été distribué dans les kiosques en juin dernier à la suite d’une association avec Frédéric Allary, ancien directeur général du magazine Les Inrockuptibles.  » Nous attendons quelques mois avant de tirer un bilan mais, pour l’instant, nous sommes satisfaits. Le magazine ne sera qu’un plus par rapport à nos objectifs « , ajoute-t-il. Sans compter cette nouvelle diversification, la société vise l’équilibre financier dès ce trimestre.

L’appel des rotatives et l’odeur de l’encre ont également séduit un autre acteur. Bakchich Hebdo, déclinaison papier du site Internet satirique, tarde pourtant à se faire une place.  » Avec 6 000 à 9 000 copies chaque semaine, nous sommes encore loin du but « , souligne Nicolas Beau, directeur de la rédaction. Placée à plusieurs reprises en redressement judiciaire, la société vient de lever près de 1 million d’euros pour se relancer en espérant doubler ses ventes.

De son côté, Mediapart a préféré se tourner vers les rayons des librairies. Il vient de publier L’Affaire Bettencourt. Un scandale d’Etat (Ed. Don Quichotte).  » Cela nous permet de promouvoir notre marque. Grâce à nos révélations, le nombre de nos abonnés dépasse maintenant les 40 000, et nous serons à l’équilibre en 2011 « , prévoit Edwy Plenel, cofondateur du site. Quitte à les recruter à coups d’offres promotionnelles à 1 euro par moisà

Tous ces acteurs ont retenu une grande leçon. Regroupés dans un syndicat, ils cherchent à peser auprès des pouvoirs publics. Et cela les sert. Comme le remarque, un brin ironique, Philippe Jannet, PDG du Monde interactif et du site Le Post :  » Nous faisons appel au fonds d’aide à la presse en ligne mis en place par le gouvernement.  » La chasse aux subventions est ouverte.

E. Pa

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