Notre amie La Lune

Si lointaine et si proche… Depuis toujours, l’homme a rêvé de cet astre qui influence tant la Terre et occupe pour lui une place à part. Il y a quarante ans, il a réussi à le conquérir. Du premier pas d’Armstrong, en 1969, au dernier de Cernan, en 1972, récit d’une incroyable épopée. Elle n’est pas achevée : les Américains vont y retourner.

« C’est un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité.  » N’en déplaise aux amateurs de belles tournures, cette phrase, prononcée le 21 juillet 1969 par Neil Armstrong, le premier astronaute à avoir foulé le sol de la Lune, ne fut pas mûrement pensée.  » Trop occupé par les man£uvres à bord du module lunaire [LEM], j’y ai réfléchi juste avant la sortie extravéhiculaire « , expliquera plus tard, non sans modestie, le héros américain. Parce que, avant de signer sa légende par l’empreinte de ses moonboots dans la poussière sélène, lui et son compère, Buzz Aldrin, ont pu croire au crash : après un départ idéal, trois petits tours au-dessus de la Terre, une mise en orbite parfaite autour de la Lune, puis une séparation réussie entre Eagle (le LEM) et la capsule Columbia – où se trouvait Michael Collins, le troisième homme de l’équipage – la mission Apollo 11 a failli tourner au cauchemar dans sa phase d’alunissage. Ce fameux 21 juillet, quelques minutes après que le moteur de descente a été allumé, une alarme stridente retentit à l’intérieur du LEM : l’ordinateur, doté d’une mémoire record pour l’époque – 64 kilo-octets de ROM et 4 de RAM, moins puissant qu’un actuel téléphone portable – sature, noyé par les infos radar. Sans paniquer, Armstrong prend le pilotage manuellement, guidé à vue par son collègue. A 80 mètres du sol, alors qu’il ne leur reste que 8 % de carburant, les deux hommes évitent un énorme cratère. Sur Terre, au centre de la Nasa, l’inquiétude est à son comble jusqu’à 15 h 18. Au bout d’un long silence les ingénieurs entendent une voix nasillarde :  » Houston, ici la base de la Tranquillité. L’aigle s’est posé ! « 

Une magnifique désolation

Six heures trente plus tard, au terme d’une série de vérifications fastidieuses, Armstrong descend à reculons les neuf marches de l’échelle pour un exploit transmis en direct : 650 millions de téléspectateurs ont veillé, parfois tard, comme en Belgique (il était 3 h 56 à Bruxelles), pour assister à l’événement. Engoncé dans son scaphandre de 83 kilos (qui n’en pèse que 15 à la surface lunaire), le pilote de chasse effectue une série de pas maladroits, arrimé à son engin par une corde, il s’aperçoit qu’il n’a aucune difficulté à se déplacer.  » Dès lors, il a lâché sa laisse pour ramasser en toute hâte une poignée de roches lunaires, au cas où Eagle aurait à repartir en urgence « , se souvient Olivier de Goursac, spécialiste de l’imagerie spatiale, qui a longtemps travaillé à la Nasa. Au bout d’un quart d’heure, Buzz Aldrin rejoint son équipier à l’extérieur. A peine le pied posé, il est saisi par le paysage pétrifié comme un désert, et décrit pour les terriens  » une magnifique désolation « . Les deux hommes n’ont pas le temps de s’attendrir et, Etats-Unis obligent, s’empressent de planter dans le sol, non sans mal, la bannière étoilée. Même si les trois astronautes sont  » venus en paix pour toute l’humanité « , leur exploit vise clairement à célébrer la suprématie technologique américaine sur le reste du monde en général, et sur l’URSS en particulier.

Train spatial

Les Etats-Unis n’ont jamais abandonné la Lune. Ils s’en sont toujours servis à bon escient. En 2004, le président George W. Bush annonce le programme Constellation. Ce nouveau projet donne une feuille de route à l’agence spatiale américaine pour les trente prochaines années : retour de l’homme sur la Lune vers 2019 et installation d’une base permanente à partir de 2025.

S’il n’est pas figé, le scénario pour décrocher de nouveau la Lune est écrit dans ses grandes lignes, avec un double lancement : un pour l’équipage, l’autre pour le matériel. Premier temps, une fusée légère (Ares 1) hissera en orbite terrestre l’équipage de quatre astronautes installé à bord du vaisseau Orion. Côté lanceur, les ingénieurs de la Nasa ont opté pour un mode de propulsion éprouvé. L’étage principal d’Ares 1 est en effet ni plus ni moins qu’un booster à carburant solide, dérivé de celui de… la navette.

Deuxième temps, le tir d’Ares 5, dont la conception n’est pas totalement arrêtée. Et pour cause, il s’agira du plus puissant lanceur de tous les temps. Dans sa soute, il renfermera le module lunaire baptisé Altaïr – l’équivalent de l’atterrisseur LEM – ainsi que l’étage de transfert qui permettra de propulser l’ensemble jusqu’à la Lune. Parce que, une fois en orbite, comme un gigantesque Meccano, ces différents éléments seront arrimés pour former un véritable  » train spatial  » de quelque 70 tonnes… Troisième temps, une fois assemblé, ce train spatial pourra commencer son long voyage (350 000 kilomètres), avant de se satelliser autour de l’astre lunaire.  » Contrairement à Apollo, la capsule Orion sera automatisée. Elle restera seule en orbite alors que tous les astronautes passeront dans Altaïr pour commencer la descente « , précise le planétologue français Francis Rocard. Le dernier temps, celui de l’alunissage, devrait se dérouler de façon classique pour se passer en douceur. Après un séjour de sept jours, les astronautes repartiront comme ils sont venus, blottis dans l’étage de remontée d’Altaïr, qui ira se  » docker  » sur Orion, dont le moteur, suffisamment puissant, permettra de rentrer sur Terre.

Du rêve à la réalité…

de la réalité au mirage

George W. Bush n’est pas John F. Kennedy ; il a préféré donner vingt ans à la Nasa, plutôt que dix, pour accomplir son nouveau dessein. Mais depuis l’annonce du programme Constellation, Barack Obama lui a succédé dans le bureau Ovale. Tout comme la crise économique est passée par là, et l’agence spatiale a changé de patron. Résultat ? Plus personne ne croit à un tel calendrier. Pour les spécialistes, un arrêt pur et simple du programme est improbable tant il est déjà engagé : après des essais en soufflerie et de moteurs, un prototype d’Ares 1 doit être lancé cet automne. De même, la capsule Orion, fabriquée par Lockheed-Martin, a déjà passé des tests de flottabilité (pour son retour sur Terre).  » Les Américains réfléchissent à rendre l’addition moins salée, notamment pour le lanceur Ares 5 « , croit savoir Francis Rocard. Dernièrement, la Maison-Blanche a mandaté un groupe d’experts indépendants pour réévaluer la stratégie des vols habités. Cette commission donnera son avis le mois prochain. Si elle s’arrête aux arguments budgétaires, il lui faudra résoudre la quadrature du cercle : d’ici à 2020, le Congrès a prévu d’allouer 100 milliards de dollars à Constellation. Une somme colossale mais insuffisante. Il en faudra plus du double pour aller au bout du projet… Seule une volonté politique en titane pourrait déplacer ces montagnes financières. Obama sera-t-il Kennedy ?

l B. D. C.

dossier réalisé par Bruno D. Cot

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