Nos téléviseurs vont devenir multiservices

Les télévisions connectées arrivent dans les foyers. Leur raccordement à Internet annonce de nouveaux services et contenus. Les chaînes françaises les déploient et la RTBF s’y prépare. La convergence entre Web et télévision devient réalité.

Depuis deux mois, l’émission quotidienne de France 5 C dans l’air est passée en mode  » télévision connectée « . En pressant un bouton de leur télé- commande, les téléspectateurs français peuvent lire la biographie des débatteurs invités en plateau, découvrir les livres relatifs au thème du jour, revoir les cinq dernières émissions et accéder à une série d’autres fonctionnalités.  » L’interactivité est totale, explique Philippe Bourquin, directeur des projets innovation et développement à France Télévisions. Les téléspectateurs ne sont plus obligés d’envoyer un courriel, un SMS ou de passer par les réseaux sociaux pour poser une question aux invités de l’émission : la télécommande suffit pour rédiger et transmettre un message à l’animateur. Et c’est par le même biais qu’ils peuvent participer à la « Question du jour » et accéder au résultat du vote des autres téléspectateurs en temps réel.  »

Autre chaîne du groupe, France 2 utilise le même procédé pour la diffusion du tournoi de tennis de Roland-Garros qui s’achève ce 10 juin. Avec leur télécommande, les téléspectateurs français naviguent dans une interface où l’image cohabite avec des panneaux donnant accès aux statistiques des joueurs en temps réel, leurs fiches personnelles et les scores des autres matches en cours.

Derrière ces prouesses se cache un dispositif dont sont équipés les nouveaux téléviseurs : une prise Ethernet (ou une interface wifi) qui les connecte à Internet. Ce branchement transforme le téléviseur en récepteur hybride : les programmes y parviennent comme avant (antenne, câble, satellite ou ligne téléphonique), mais sont enrichis de services véhiculés par le réseau informatique.

Comme pour la plupart des nouvelles technologies, une des difficultés consiste à choisir un standard commun. C’est ce à quoi s’emploie l’Union européenne de radio-télévision (UER), association qui fédère les chaînes publiques du continent.  » La plupart des fabricants de télévisions connectées utilisent un système qui leur est propre, précise Peter Mac Avock, responsable des services technologiques de l’UER. Notre rôle est d’unir industriels et diffuseurs autour d’un même procédé.  » Mission quasi accomplie puisque la norme HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV) a rallié une majorité de pays européens. La plupart des téléviseurs produits depuis un an sont d’ailleurs compatibles avec ce système.

Les Belges hors norme ?

Dans les faits, le téléspectateur belge n’aura sans doute pas à se soucier de ces histoires de norme. Chez nous, ce n’est pas le téléviseur qui gère les services interactifs, mais le décodeur fourni par le télédistributeur. Rien ne devrait donc changer pour des applications comme  » RTBF à la carte  » et  » RTL à l’infini « . En revanche, s’ils veulent donner accès aux services que viennent de lancer les chaînes françaises, les VOO et autres Belgacom seront contraints d’adapter leurs terminaux au nouveau standard.

A la RTBF, on suit de très près l’ouverture des téléviseurs à Internet.  » Les possibilités d’interactivité vont se multiplier, confirme l’administrateur général, Jean-Paul Philippot. Nous planchons sur une série de nouveaux services afin d’en tirer le meilleur parti. « 

Au-delà d’une interactivité décuplée, le raccordement des téléviseurs à Internet va aussi donner accès à de nouveaux contenus. Les services de programmes à la demande, par exemple, pourraient se multiplier. Belgacom s’est engouffré dans la brèche en lançant une offre indépendante baptisée  » Movie Me « . Depuis six mois, plus besoin d’être abonné à Belgacom TV pour accéder à son catalogue de films à la demande : un téléviseur Samsung équipé d’une application spécifique suffit pour regarder un film qui n’est plus transmis par ligne téléphonique, mais par Internet. Ce type de diffusion peut étonner chez nous, mais il est devenu banal aux Etats-Unis où Netflix, la principale offre de vidéo à la demande, accapare à elle seule 30 % du trafic sur Internet.

Cette convergence entre le Web et la télévision a tôt fait d’aiguiser l’appétit d’autres acteurs. Ainsi, Apple vient de confirmer qu’il avait de grandes ambitions en la matière. La rumeur lui prête le lancement prochain d’un téléviseur que les aficionados ont déjà baptisé iTV. Et il se chuchote que le géant serait intéressé par les droits de diffusion du championnat de football britannique dès l’an prochain.

C’est précisément ce qui commence à inquiéter les responsables des chaînes classiques. Avec leurs immenses moyens financiers, ces nouveaux venus n’auraient aucun mal à s’emparer des droits sportifs générateurs d’audience. Et à s’imposer sur un terrain qu’ils viendraient à peine de fouler.

En télévision, aussi, la concurrence risque de devenir internationale.

LAURENT HOVINE

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