» Nos concurrents ne nous attendront pas « 

Député européen sortant et ancien commissaire européen en la matière, Philippe Busquin (PS) dresse, en cinq questions-réponses, un constat encourageant et préoccupé de la recherche.

Le Vif/L’Express : Vous aviez lancé aux Etats de l’Union européenne le pari de consacrer 3 % du PIB à la recherche & développement. On est loin du compte ?

> Philippe Busquin : Le chemin est encore long. Le taux européen est de 1,84 %.

La Wallonie est bien placée ?

> La recherche fondamentale y a toujours été de qualité. Le rôle prépondérant des universités en Communauté française nous permet aujourd’hui d’être le leader mondial en intensité de recherche dans un secteur aussi crucial que les biotechnologies. En Wallonie, on a compris l’importance de regrouper les forces en présence. Les entreprises, les universités et les pouvoirs publics travaillent de plus en plus ensemble. Il a fallu faire sauter des barrières idéologiques et artificielles : ainsi, la recherche fondamentale est du ressort de la Communauté française, la recherche appliquée revenant à la Région.

Comment garder les cerveaux chez nous ?

> S’il est bon que nos chercheurs acquièrent un complément de formation dans une université étrangère, il faut leur donner l’envie de revenir chez nous. Par la politique menée ces dernières années, on a fortement réduit le phénomène de  » fuite des cerveaux « . Le Fonds national de recherche scientifique est reconnu au niveau international et ses recherches sont essentielles. Ces dernières années, on a fait des avancées extraordinaires, mais il faut poursuivre l’effort, surtout en cette période de crise : nos concurrents ne nous attendront pas.

La recherche ne souffre-t-elle pas d’une sorte de méfiance et de débats incessants sur son impact ?

> Les nanotechnologies, par exemple, sont au centre de nombreux débats. Pourtant, de nombreux progrès en dépendront. Le Comité mondial d’éthique des sciences et technologies, dont je suis un des quinze membres, planche actuellement sur ces nouvelles technologies. Une directive est en discussion au Parlement européen pour une certaine prudence en la matière. Certaines nanotechnologies sont déjà utilisées dans les cosmétiques mais sans réel contrôle. Nous voulons éviter de revivre ce qui s’est fait avec les organismes génétiquement modifiés. Or certains OGM sont utiles dans des domaines comme les produits de nettoyage pour les sols ou la réduction de la faim dans le monde. Sans avoir une foi aveugle dans l’avenir, je crois cependant qu’il y a un important effort d’éducation à fournir. Il faut appliquer des principes de précaution qui ne paralysent pas l’avenir.

A ce sujet, certains pays se moquent de l’éthique. Où se situe l’Europe dans ce débat ?

> Progressivement, l’état d’esprit en Europe change. On sort de l’immobilisme, voire de l’obscurantisme, qui a parfois prévalu. Nous ne sortirons pas de la crise sans nouvelles technologies, sans un effort accru pour attirer les jeunes vers les études scientifiques, sans favoriser la mobilité intra-européenne des chercheurs.

Entretien : didier grogna

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