Ne tuez pas le malade !

Un retour à l’équilibre des pays du sud de l’Europe est impossible à court terme.

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Dans un environnement international plus favorable, l’Allemagne a mis six ans, de 2000 à 2005, pour voir les effets positifs de sa politique de rigueur. La Belgique a mis quinze ans, depuis la dévaluation de 1982 jusqu’au  » plan global  » de 1994-1996, pour restaurer la compétitivité de son économie, ramener le déficit budgétaire sous la barre des 3 % et casser l’effet  » boule de neige  » de la dette publique.

Imposer un retour à l’équilibre aux pays en difficulté du sud de l’Europe sur une période beaucoup plus courte est irréaliste et les enfonce dans une spirale déflationniste dont tout le monde souffrira. L’application brutale de l’austérité dans les pays du Sud affaiblit un marché national déjà atone. Les entreprises locales voient leurs débouchés diminuer sur leur premier marché (dans ces pays, le marché domestique représente en moyenne 70 % de leur chiffre d’affaires) sans pouvoir compenser cette perte, du moins dans l’immédiat, par des gains sur les marchés extérieurs eux-mêmes déprimés. Dès lors, ce que l’on  » gagne  » en réduisant les salaires et les dépenses publiques, on le  » perd  » par une diminution des recettes. Les déficits subsistent, la dette s’alourdit, le chômage augmente, les turbulences sociales s’amplifient. A exiger trop, trop vite, on va décourager la nécessaire persévérance.

Il est temps d’en revenir à une application raisonnable de la discipline budgétaire. Ce qui compte, y compris pour les marchés financiers, c’est la clarté et la fermeté de la direction. Si un gouvernement s’engage à réduire le déficit de l’équivalent de 4 % du PIB et s’il applique effectivement des mesures qui donnent ce résultat, cela n’a pas de sens de lui demander d’en faire davantage parce que la récession frappe ce pays et que le déficit nominal est plus élevé que prévu. Au lieu de se braquer sur des objectifs de déficit nominal, il serait préférable, comme le prévoit d’ailleurs le traité sur le pacte budgétaire, de raisonner en termes de déficit structurel, c’est-à-dire en neutralisant les conséquences automatiques de l’évolution conjoncturelle. La Commission européenne aurait déjà dû prendre l’initiative de dire qu’il faut poursuivre l’effort mais ne pas tenter de compenser les baisses de recettes par des prélèvements supplémentaires.

Les nouvelles règles budgétaires de l’Union européenne sont bien conçues ; elles assurent une discipline budgétaire indispensable au bon fonctionnement de l’Union monétaire tout en offrant une flexibilité souvent sous-estimée. Il y aura toujours des  » talibans de l’austérité « , pour reprendre l’expression de Jean Pisani-Ferry. Mais il ne faut pas les laisser gouverner ! Au contraire, il est important que la marge de man£uvre prévue par les textes soit pleinement exploitée. Les règles en vigueur autorisent temporairement un déficit excessif quand la récession économique est spécialement sévère soit dans un pays individuel, soit dans l’ensemble de l’Union. La Commission devrait faire usage de cette possibilité non seulement pour l’Espagne (qui a obtenu un an de plus pour réduire son déficit à 3 % du PIB, ce qui représente encore un effort considérable) mais également pour d’autres pays. On pourrait même envisager, puisqu’il apparaît que la zone euro prise dans son ensemble sera en récession en 2012, d’accorder cette extension d’une année aux 17 pays de la zone.

Restaurer la compétitivité et la solvabilité des pays du Sud sera une affaire de longue haleine. Ne risquons pas de la compromettre par des exigences irréalistes.

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