Un tiers de fiction, un tiers de dérision, un tiers d'observation. Et un tiers de réalité. © xzarobas

Murder party politique

Qui a tué la politique belge ? Dans ce dernier billet de la saison, tous les protagonistes du café Geyser jouent à débusquer les auteurs de petites phrases assassines. Pas si facile de gagner la langue de bois.

A force de vouloir dorloter les ignorances des uns tout en exaltant les croyances des autres, à force de tenter d’épargner le chou tout en cherchant à gaver la chèvre, les politiciens ne parlent de rien, et détaillent pourtant le tout : le paquet est vide, mais la ficelle est grosse. Le Geyser avait fermé depuis un moment, mais les dix membres du café, patronne comprise, s’attardaient autour de la grande table, au centre de laquelle trônait un plateau de jeu, des dés et une dizaine d’objets : une calculatrice, une prise, un appareil photo… (1) (2).

Roulement de dés.

Qui a dit  » j’en ai marre des parvenus  » ?

Une petite fille spectrale, Daisy, leva la main avec gloutonnerie :  » Moi ! moi ! moi ! C’est Bart De Wever !  »

Allez, on se concentre, Daisy, bougonna Le Fleuri, le chef de salle. On recadre, comme dirait Lutgen.

Armand De Decker, avec une robe d’avocat, devant le miroir de la chambre à coucher ? hésita Paula.

Toujours pas , soupira Le Fleuri.

Alors, comme un indice voltigeant en pointillés, un papillon de nuit se posa sur le cou flétri du vieil Heinrich, l’homme à tout faire du café.

Elio Di Rupo, avec un hérisson fouronnais, au Lido de Mons, lâcha enfin Goliarda, la volupté dans la gorge, en exhalant la fumée de sa longue cigarette mentholée.

Pendant ce temps, Bertrand, le chef coq, parcourait inlassablement la salle, tenant nerveusement dans sa main un coffret garni de soie. A l’intérieur : une langue morte. Une langue de bois. Le trophée. Une abomination, pour tout cuisinier qui se respecte.

Asseyez-vous, Bertrand et posez votre truc. Vous fatiguez tout le monde, commanda la patronne.

J’ai un problème de langue, madame.

Vous êtes en Belgique, Bertrand. Qui n’en a pas ?

Et Le Fleuri de reprendre :  » Qui a dit : la rupture est nécessaire et doit être immédiate ?  »

Le parti Islam, avec une femme, dans un bus ! glapit la blonde Lorelei.

N’importe quoi, rétorqua le Fleuri. Bon. Et celle-ci :  » Je vous dis merde !  » ?

Bart de Wever ! pétula encore Daisy. Non ? Alors, Benoît Lutgen, avec une prise, dans la salle de bains !

C’était Jacqueline Galant, avec un bouquin, à la gare. Bon, qui a dit :  » Les négociations, c’est comme la friterie : à chaque fois, on se dit que c’est la dernière fois, et pourtant, on y retourne  » ?

Bart De Wever !

A nouveau, Daisy avait sévi. Avec justesse, cette fois. Comme c’était la benjamine, on lui accorda la victoire. Contemplant son trophée, la mouflette se demanda comment diable ça pouvait bien se cuisiner, une langue de bois.

Mais c’est pas tout ça, l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer sur la Une, à 20h15…

(1) Une Murder party est un jeu de rôle, pendant lequel les participants doivent résoudre un meurtre.

2) A sa création, le jeu Cluedo s’appelait Murder ! Son créateur, le pianiste Anthony Pratt, amateur de Murder parties, avait prévu dix personnages (et non six, comme lorsque le jeu sortit, en 1949).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire