» Monsieur Aubry  » se dévoile

Pour contrer des accusations qui circulent sur Internet à propos de son rôle d’avocat, le mari de la première secrétaire du PS a été incité à s’exprimer. Une opération qui ne doit rien au hasard, à vingt mois de la présidentielle.

Lors de l’université d’été du PS à La Rochelle, il a suivi le discours de Martine Aubry assis parmi les militants. Eux écoutaient la première secrétaire, lui entendait aussi sa femme. Il a épousé en 2004 la maire de Lille, en secondes noces – elle était également divorcée. Ce grand gaillard aux cheveux en bataille est un homme discret. Il fuit les caméras. Il ne veut pas s’exprimer. Ou plutôt : il ne voulait pas. Car, le 17 juillet, l’avocat Jean-Louis Brochen, 66 ans, est sorti de l’ombre. Dans un article paru sur le site Internet Nonfiction.fr, il revient sur sa carrière, ses combats et son effacement  » un peu à regret  » de la vie politique, en 2001, quand Martine Aubry est élue maire de Lille. Il raconte, du bout des lèvres, sa rencontre avec elle, alors qu’il est lui-même adjoint à la culture de la ville et qu’elle a été parachutée dans le Nord :  » Je la connaissais, mais elle ne me connaissait pas. Je l’avais déjà vue deux fois, au congrès du Syndicat des avocats de France, où elle était intervenue, et à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur au bâtonnier de Versailles. « 

Il est accusé d’être un  » avocat islamiste « 

Cet article, étonnant quand on sait à quel point Martine Aubry protège ses jardins secrets, ne doit rien au hasard. Il a été mûrement réfléchi au siège du PS. Nonfiction.fr est un site proche du parti, animé par un collectif de chercheurs de gauche et dirigé par Frédéric Martel, un ancien collaborateur de cabinet d’Aubry au ministère du Travail, sous Lionel Jospin.

L’objectif de l’opération est clair : contrer les rumeurs qui circulent sur Internet. Des sites d’extrême droite se déchaînent contre Jean-Louis Brochen, présenté comme un  » avocat islamiste « ,  » salafiste  » et  » communautariste « . Ces attaques remontent à 1993, quand il a défendu 17 lycéennes voilées exclues du lycée Faidherbe de Lille – bien avant la loi sur le voile. En 1996, il s’occupe d’un jeune islamiste qui a participé au braquage d’un supermarché. Hasard ou pas,  » depuis deux ans, ces messages sur Internet se multiplient « , explique Brochen au Vif/L’Express. Sous-entendu : depuis qu’Aubry a pris la tête du PS.

A moins de deux ans de la présidentielle, l’affaire est prise au sérieux par l’équipe de la première secrétaire.  » Il s’est confié à Nonfiction, car il savait que nous ne ferions pas une interview people « , assure Frédéric Martel.

Brochen a choisi d’être pédagogique :  » De même que l’avocat d’un criminel n’est pas lui-même un criminel, j’ai défendu ces jeunes filles voilées alors que je n’étais pas favorable au voile. Je suis contre le voile et encore plus clairement contre la burqa, mais c’est l’honneur d’un avocat que de faire en sorte qu’un individu ait toujours quelqu’un pour le défendre.  » Et d’ajouter :  » Ces attaques démontrent une méconnaissance fondamentale du métier d’avocat. « 

En juillet, Jean-Louis Brochen s’est donc confié. En mai, c’est Jacques Delors, père de Martine Aubry, et Clémentine, la fille de la maire de Lille, née de son précédent mariage, qui accordaient un entretien croisé au journal La Croix sur l’Europe.  » Cela n’a rien à voir !  » commente Jean-Louis Brochen. Ce dévoilement de la famille, très limité et encadré, est censé coller avec la posture antipeople dont Aubry a fait sa marque de fabrique. Mais la première secrétaire du PS le sait : la personnalisation est un exercice de style obligé d’une campagne présidentielle.

Marcelo Wesfreid

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