Mons, une montagne de fierté

Rayonnante capitale du Hainaut au Moyen Âge, Mons sombre dans la crise qui engloutit toute la région au milieu du xxe siècle. C’est désormais sur la culture et les nouvelles technologies que les Montois misent pour retrouver leur lustre d’antan.

Ici comme ailleurs, c’est la géographie qui a fait la ville. Mais ici plus qu’ailleurs, la cité porte cette évidence dans son nom : Mons, la montagne. C’est sur cette colline que sainte Waudru établit une communauté religieuse dès le viie siècle. Cette communauté va gagner en importance au point d’incarner l’autorité religieuse sur toute la région. Rapidement, la colline accueille un autre hôte de marque : le comte du Hainaut. Un nom puisé dans la Haine, la rivière qui coule en contrebas.

C’est sous la double autorité des chanoinesses de sainte Waudru et du comte de Hainaut que Mons va se développer. Au Moyen Age, la ville compte de nombreux artisans qui travaillent la fourrure, le cuir ou les métaux précieux. On y croise aussi des brasseurs, comme la famille Tondreau, dont l’un des descendants donnera son nom, quelques siècles plus tard, au stade de la cité. Les chanoinesses, le comte et sa cour alimentent le commerce de leurs dépenses fastueuses.

En devenant le siège du comté du Hainaut, la ville se coule dans le destin d’une famille dont le sang se mêle à celui des plus grands d’Europe. Même un empereur de Constantinople est né à Mons : Baudouin VI. Quant aux chanoinesses, elles ne sont pas en reste de légitimité aristocratique. Issues de familles nobles dès l’origine de la communauté, elles devront, au xviiie siècle, justifier de seize quartiers de noblesse pour pouvoir intégrer la congrégation.  » C’est une sorte de club très select pour jeunes filles de bonne famille, appelées à épouser les plus grands d’Europe, explique Gérard Bavay, membre de la Commission des monuments et sites et de la Maison de la Mémoire de Mons. C’est sans doute sur ce glorieux passé que s’est forgée la fierté des Montois. « 

Opulente capitale du Hainaut, la cité attire les convoitises. Elle se protège des assaillants en s’entourant de remparts et devient l’une des plus fortes places de guerre des temps modernes. Un titre qui n’impressionnera pas outre mesure les nombreuses armées qui prendront la ville.

Malgré les sièges qu’elle subit, la ville rassure : on vient s’y abriter. Lorsque les campagnes qui entourent leurs abbayes sont incertaines, les congrégations religieuses s’y réfugient dans de grosses bâtisses. On vient également y chercher la loi et l’ordre. Mons dispose très tôt dans son histoire d’une cour de justice qui règle les conflits du comté. Ce qui engendre des générations de juristes, d’avocats et de notaires dans certaines familles.  » Appartenir à une grande famille montoise, c’est avant tout descendre d’un avocat au Conseil souverain, sésame pour toutes les fonctions publiques, détaille François Collette, auteur de l’ouvrage Ils ont construit Mons. C’est le cas des familles Houzeau, Harmignie, d’Hardenpont, Franeau ou encore Siraut qui ont donné des hauts magistrats, des avocats, des notaires. Au moment de la révolution brabançonne, on compte près de 300 avocats en ville, issus de 200 familles.  » Mons est donc une ville de robe avant tout, qui constitue une véritable pépinière de responsables politiques. Ainsi en est-il du bourgmestre François Dolez, qui libère enfin Mons de ses remparts, au milieu du xixe, et qui lance la construction du boulevard périphérique sur leur tracé. Ou encore de Charles Sainctelette, lui aussi magistrat et bourgmestre, qui va construire le réseau des égouts montois. Les Montois reconnaissants baptiseront d’ailleurs des parties de ce boulevard périphérique de leur nom.

De 1830 à 1953, tous les bourgmestres montois ont été libéraux. Depuis, le parti socialiste a repris les commandes de la ville. Jamais les conservateurs catholiques n’auront été au pouvoir, malgré l’influence prépondérante des chanoinesses sur la cité.  » Ce n’est pas si étonnant, nuance François Collette. Les Montois ont longtemps été rebelles à l’ordre établi. D’ailleurs, il y a eu une forte communauté protestante en ville. « 

Mons est aussi le berceau de la franc-maçonnerie en Belgique. C’est ici que la loge Parfaite Union a été fondée en 1721. Autre signe du caractère réfractaire, voire moqueur des Montois, les boulets que les armées de Louis XIV ont tirés sur la ville ont été alignés dans le mur du couvent des s£urs noires, comme pour mieux signifier que les habitants des lieux ne se soumettraient jamais.

Capitale culturelle de Wallonie

 » Insoumis à l’industrie également « , plaisante un Montois. De fait, il n’y a pas de tradition industrielle montoise. Pourtant, la ville figure au milieu d’une des régions les plus prospères d’Europe au xixe siècle. Dès le xiie siècle, les chanoinesses et les comtes du Hainaut ont d’ailleurs bâti une partie de leur richesse sur le charbon. La bourse au charbon qui régissait le commerce de la houille de la région était installée à Mons et de nombreux Montois vivaient du commerce de ce précieux minerai.

A la fin du xviiie siècle, l’apparition des grandes exploitations minières creuse le fossé entre Mons et le Borinage. L’ouverture, dès le milieu du xviiie siècle, de la prestigieuse école des mines de Mons, aujourd’hui devenue Faculté polytechnique, n’y change rien. Les ingénieurs qui font tourner l’industrie boraine sont rarement montois.

L’opposition entre les deux entités atteint son paroxysme en 1893, lorsque la garde civique, qui maintient l’ordre dans la ville, tire sur les ouvriers du Borinage en grève.

Malgré ce clivage entre Montois et Borains, tous vont basculer dans la crise qui touche durement les bassins houillers du pays. Ici, aucune industrie sidérurgique ne va amortir le choc, comme à Liège ou à Charleroi. La région est dévastée. Seule l’installation en territoire montois, en 1967, du centre de commandement militaire des forces de l’Otan en Europe viendra furtivement éclaircir la grisaille économique. Il faudra attendre les fonds européens accordés aux régions en retard de développement pour redynamiser le tissu économique de la ville. C’est cette manne qui permettra, entre autres, la sortie de terre, au c£ur de Mons, d’Initialis, le nouveau parc industriel à vocation technologique, qui accueille entreprises et centres de recherche.

C’est aussi grâce aux subsides européens (147 millions d’euros perçus entre 1994 et 2006) que la commune va investir dans la valorisation de son patrimoine touristique et culturel. Mons décroche le titre de capitale culturelle de Wallonie en 2002 et transforme son musée des Beaux-Arts exigu en un bâtiment de verre ouvert sur le monde de l’art et de la création : le BAM.

En 2006, la ville inaugure le théâtre du Manège. La Grand-Place se refait une beauté. Les touristes, principalement flamands ou français, commencent à investir les lieux, et les hôteliers se frottent les mains. On est passé de 50 000 nuitées en 1995 à 160 000 aujourd’hui.

 » Les habitants se sont beaucoup investis pour défendre le patrimoine de la ville « , explique Serge Ghiste, administrateur de l’ASBL Sauvegarde et avenir de Mons. Son association veille à préserver l’architecture traditionnelle en briques et pierre bleue des maisons montoises, typique du xviiie siècle, et décerne depuis 1979 un label de qualité aux bâtiments qui ont su préserver ce caractère typique.

Car malgré les années de vaches maigres, les Montois sont restés fiers de leur ville et de leur tradition. La ducasse en est l’exemple le plus criant. Instaurée au xive siècle pour remercier sainte Waudru d’avoir mis un terme à une épidémie de peste, cette procession rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année à la Trinité. Ce rituel se termine par une reconstitution, sur la Grand-Place, du combat entre saint Georges et le dragon, classée au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco depuis 2005. C’est sur cette nouvelle dynamique que les autorités communales ont décidé de présenter la candidature de Mons comme capitale culturelle européenne en 2015.

Ol. H.

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