Monastère en péril

Le sort du plus vieux monastère syriaque orthodoxe du monde est suspendu à une décision de justice.

Mor Gabriel est un monastère syriaque qui se trouve à Midyat dans la province turque de Mardin à quelques kilomètres de la frontière turco-syrienne. Le plus vieux monastère syriaque orthodoxe du monde où l’on prêche toujours en araméen, la langue du Christ, ne compte plus que 3 moines, 13 nonnes et 1 métropolite, mais il n’en est pas moins menacé depuis le début d’une bataille judiciaire contestant la paternité de ses propres terres. Fondé en 397, le monastère est accusé aujourd’hui par les mairies des villages avoisinants, la direction turque des Forêts, le parquet et l’administration du Trésor de Midyat… d’occupation illégale des terrains appartenant au domaine public. Cette accusation se fonde sur la mise à jour des registres du cadastre effectuée en 2008. Le ministère du Trésor réclame en plus des droits sur 142 autres hectares tandis que les paysans de trois villages avoisinants (Yayvantepe, Eglence et Candarli) réclament des terres pour faire paître leur bétail.

 » Les décisions du cadastre et plusieurs affaires judiciaires risquent de déposséder le monastère de la plus grande partie, voire de la totalité des terres dont il est propriétaire depuis des siècles et pour lesquelles il paie des impôts. Il s’agit là d’une menace directe qui pèse sur la survie de ce patrimoine religieux et culturel. A l’heure actuelle, les autorités turques ne semblent pas prêtes à reconnaître l’Eglise syriaque orthodoxe. La communauté se trouve donc dans l’obligation d’enseigner l’araméen, à l’université d’Oxford, par exemple, car elle ne peut pas le faire en Turquie. La protection des droits des minorités, consacrée par le traité de Lausanne, ne s’étend pas à la communauté syriaque orthodoxe. Il s’ensuit que les citoyens turcs de la communauté syriaque orthodoxe ont moins de droits que les communautés juive, arménienne orthodoxe et grecque orthodoxe, sans parler de la majorité musulmane « , note le député hollandais Pieter Omtzigt (PPE) dans une interpellation écrite au Conseil de l’Europe.

D’autres parlementaires, comme le social-démocrate suédois d’origine syriaque Yilmaz Kerimov ou des élus du parti prokurde DTP (Parti de la Société Démocratique), se sont également engagés sur le terrain pour tenter de trouver une solution à ce problème qui menace un patrimoine religieux d’importance mondiale.  » L’atmosphère est très tendue. On essaie d’étouffer la communauté syriaque « , explique David Gelen, président de la Fédération syriaque en Allemagne.  » Plus de 250 000 familles assyriennes vivent en Europe et seules 15 familles ont décidé de retourner vivre dans la région de Mardin « , ajoute-t-il dans un entretien publié dans Agos, le quotidien de la communauté arménienne d’Istanbul.

Cette crainte est partagée par une partie des Syriaques ou Assyriens vivant actuellement en Belgique. Pour Nahil Beth Kine, animateur de l’émission La Voix des Assyriens sur Radio Panik (105.4 FM) à Bruxelles,  » la communauté assyrienne de Belgique suit ce procès de très près à travers les médias. Mais, pour moi, ce procès n’est pas seulement une bataille pour la terre ou pour le monastère, c’est une tentative du pouvoir turc de recycler les gardiens de village qui coûtent très cher parce qu’ils sont censés se battre contre la rébellion kurde. En leur accordant de nouvelles terres, le pouvoir espère échapper au paiement de leurs salaires et empêcher ainsi le retour des Assyriens sur leurs terres d’origine « . Le procès de Mor Gabriel suit toujours son cours judicaire, les prochaines comparutions sont prévues pour le 22 avril et le 6 mai, un suspense juridique qui ne manquera pas d’animer la communauté syriaque orthodoxe de Belgique.

Mehmet Koksal

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