Mixité L’exemple américain

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Comment réformer le décret Mixité tout en respectant le choix des parents ?Selon une professeure en économie, l’expérience américaine pourrait nous inspirer.

Voilà des semaines que la Communauté française s’attelle à dégonfler la bulle des inscriptions multiples en 1re secondaire, entraînée par le fameux décret Mixité. Objectif : libérer des places pour ceux qui n’en ont pas pour la rentrée prochaine. Tâche difficile : l’incertitude et la colère inciteront une grande partie des parents à garder sous le coude plusieurs inscriptions dans plusieurs établissements pendant longtemps encore. Estelle Cantillon, chercheuse FNRS et professeure d’économie à la Solvay Brussels School, a orienté ses travaux sur la mixité scolaire. Et propose d’aller voir ce qui se fait aux Etats-Unis.

Le Vif/L’Express :  » Le tirage au sort est grillé « , avait déclaré le ministre de l’Enseignement. Christian Dupont avait-il parlé trop vite ?

> Estelle Cantillon : On accuse à tort le tirage au sort. Ce n’est pas là que réside le fiasco du décret, mais c’est sa concrétisation qui est en cause : en clair, comment créer de la mixité sociale ? Sur le terrain, la machine s’est emballée, à tel point que tout le monde (même des politiques) confond encore l’objectif du décret et sa mise en £uvre !

On aurait pu compter sur l’autonomie des chefs d’établissement, non ?

>Prétendre qu’il n’y aurait pas eu tout ce  » bazar  » si on avait réclamé des directeurs d’école qu’ils départagent eux-mêmes les demandes d’inscriptions excédentaires est une erreur. Car c’est leur laisser un pouvoir discrétionnaire. Le tirage au sort, donc le recours au hasard, reste une bonne solution, la plus équitable.

Existe-t-il des façons de faire qui évitent ces écueils ?

>Oui, aux Etats-Unis, notamment à Boston et à New York. La ville de New York, pour créer de la mixité sociale, souhaitait mélanger des élèves de différents niveaux scolaires : 20 % d’élèves faibles, 20 % d’excellents éléments et 60 % d’élèves moyens. Comment a-t-elle procédé ? En centralisant les demandes et en procédant au tirage au sort. Sachant évidemment qu’il existe aussi des règles de priorité (regroupement de fratries…). Cela n’a suscité ni contestations ni bulles.

Chez nous, les inscriptions ne sont pas centralisées. Au fond, c’est là que ça coince ?

>Comme on l’a fait outre-Atlantique, il faut absolument centraliser les inscriptions. C’est la condition pour que le système tourne.

Comment cela fonctionnerait-il ?

>Même s’il ne s’agit pas de reproduire la méthode ici, l’expérience américaine peut nous inspirer. Les inscriptions seraient centralisées à un niveau sous-régional, par zone géographique, et tous réseaux confondus. Les parents feraient trois souhaits, classés en ordre décroissant : ils prennent part au choix et sont sûrs d’avoir une place dans l’une des écoles sélectionnées. En tout cas, l’effet pervers des inscriptions multiples est neutralisé.

Que fait-on en cas de demandes excédentaires : on tire au sort ?

>On repère d’abord les établissements qui enregistrent le plus de premiers choix. S’il y a plus de demandes que d’offres, on tire au sort. Une fois les places excédentaires attribuées, l’école et les élèves qui l’occupent sortent du processus. Les familles qui n’ont pas été tirées au sort se tournent vers le deuxième choix qui passe alors en tête de liste. On repère à nouveau l’école qui est la plus demandée. Le processus continue jusqu’à épuisement des établissements.

Pour sauver le décret Mixité, on planche, entre autres, sur le critère de la proximité géographique. Est-ce la bonne piste ?

>Dans son plan mixité, la ville de Boston a opté pour la proximité géographique, outre le choix du tirage au sort. Cela ne semble pas être un critère efficace, ni là-bas ni ici. Parce que, chez nous, ce critère creuserait davantage la mixité, plutôt que de la renforcer. A Bruxelles et dans le Brabant wallon surtout, où se côtoient des quartiers très contrastés.

Soraya Ghali

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