Michel Delpech, sexa-peal

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Retour avec un Sexa conforme à son style velouté, mais pas trop, le crooner de Wight Is Wight s’offre un massage en chansons organiques et légèrement funky. Passage en revue des étapes-valeurs de la carrière Delpech…

J’ai mal et je ne sais pas vraiment à qui parler « , dit la première chanson,  » J’étais un autre homme  » lui répond la deuxième. Le disque est comme un puzzle ouvert sur une vie bien remplie mais qui ne compte nullement en rester là. Ce S exa – pour sexe, sexagénaire, saxo ou sixties – est un bel album épanoui qui traite des incendies de jeunesse mais aussi d’une plénitude nouvellement acquise. Une dose de mélancolie ( Johnny à Vegas), une pointe d’ironie ( J’ai revu la cigarette) : hier valait-il aujourd’hui ?

SOUVENIRS SIXTIES  » Je venais chanter à l’Ancienne Belgique qui était alors une salle de music-hall, avec les présentateurs et tout cela, c’était très bon enfant. Mais j’étais jeune, j’avais un trac fou et l’enjeu me semblait gigantesque. J’ai fait la première partie des adieux de Brel à l’Olympia en 1966 avec Amsterdam et tout cela, ce jour-là, à la première, un kiné est venu me remettre d’aplomb. La magie est plus grande aujourd’hui ; avant je me jetais à corps perdu et advienne que pourra.  »

CHEZ LAURETTE  » C’était au Studio Charcot, accolé à une école maternelle. Les quatre titres de l’ Extended Play ont été enregistrés en une journée, j’avais fait la pochette la veille chez un photographe qui s’en foutait un peu. En débarquant, je ne connaissais absolument pas les musiciens choisis par l’arrangeur qui était aussi le compositeur de la chanson, Roland Vincent. Il écrivait des partitions à des gens qui ne savaient pas ce qu’ils allaient jouer et puis trois, quatre, on y allait. Il fallait s’arrêter pendant la récréation parce qu’on entendait les mômes qui jouaient au ballon contre le mur du studio.  »

QUAND J’ÉTAIS CHANTEUR  » Peut-être qu’on a surtout retenu les romances, mais dans Quand j’étais chanteur, il y avait de l’autodérision. J’avais une trentaine d’années, c’était de la pure fiction. Cette chanson ayant eu beaucoup de succès, on la chante encore aujourd’hui : chaque décennie nous rapprochant du premier degré, cela va être intéressant de voir si on peut aller jusque-là. Je rêve de la chanter le jour de mes 73 ans ( NDLR : l’âge du chanteur dans la chanson…), cela aurait quand même une certaine gueule !  »

JOHNNY À VEGAS  » Après avoir entendu le Graceland de Paul Simon – l’histoire d’un père qui emmène son fils chez Elvis – j’avais en tête de faire une sorte de chanson-pèlerinage, païenne, pas religieuse. C’est comme cela que l’idée de Johnny à Vegas est venue : ce qui m’a intéressé, ce n’est pas l’hommage mais le voyage des gens qui y vont, qui achètent le kit Johnny, le concert et peut-être même le mariage dans la foulée… J’ai fait très attention qu’il n’y ait rien de moqueur. Moi, je n’aurais pas pu faire le genre de carrière à la Johnny mais on a tous cette énergie un peu hors du commun.  »

J’AI REVU LA CIGARETTE  » Je suis un ancien grand fumeur, j’ai un peu freiné mais je ne me prive pas. Ce qui m’amusait, c’était de la faire parler la cigarette, comme une fille qui fait le tapin. Aujourd’hui, on sombre dans le grotesque puisqu’on enlève la cigarette de Coco Chanel sur l’affiche du film, ou la pipe de la bouche de Tati. C’est la peur de la sanction, on vit dans le terreur même s’il y a eu des moments pires dans l’histoire…  »

SEXA  » J’ai voulu que ce disque soit fluide, qu’il nous réchauffe, qu’il fasse du bien au corps aussi, qu’il soit un peu sexy. J’aime que cela parle aux gens à tous les niveaux. J’avais une admiration pour Marvin Gaye parce qu’il parlait à tous mes sens, à mon c£ur, à mon intellect et à mon sexe, et pour moi, la musique doit être tout cela !  »

Sexa, CD chez Universal.

PHILIPPE CORNET

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