Michael jackson Autopsie d’une icône

Enfant maltraité devenu star planétaire, Noir transformé en Blanc, idole rattrapée par ses fantômes et ses démons… Le géant de la pop qui refusait de grandir racontait aussi une histoire américaine. Entre rêve et cauchemar, entre Bambi et Thriller.

L’onde de choc qui a suivi l’annonce de la disparition de Michael Jackson, le 25 juin dernier, à l’âge de 50 ans, est à la hauteur de la démesure de l’artiste et de ses records – 750 millions de disques vendus. Michael Jackson, c’est l’homme de tous les paradoxes, qui mêle, à la fois, l’immortalité et l’éphémère, le génie public et son revers sulfureux, le repli sur l’enfance et la marche en avant. C’est aussi un fantôme de l’Amérique hantée par ses spectres, qui fit de sa vie un processus de création et de démolition. Retour sur ce que l’on sait de lui. Ou pas.

On le sait. Le roi de la pop avait débuté à 6 ans. Son histoire d’enfant surdoué propulsé dans le show-biz et maltraité par son père est connue de tous. Joe Jackson, ouvrier de chantier, monte, dans les sixties, les Jackson Five avec ses cinq fils – ils sont neuf frères et s£urs. L’homme broie ses enfants et les transforme en animaux savants. Michael a 10 ans lorsqu’il auditionne en famille pour la Motown, à Detroit, devant Diana Ross, The Temptations et Stevie Wonder. C’est  » le son de la jeune Amérique « , slogan du label. Les Jackson Five vont être formés à l’esprit Motown : cours de chant, de danse, coaching pour les interviews. En 1979, Michael Jackson s’émancipe avec Off the Wall, conçu par lui.

On le sait moins. C’était un enfant de  » remplacement « . L’enfance était son territoire : il avait pour lanternes Peter Pan, Walt Disney, les cartoons de la MGM, les films de Spielberg ou de Charlie Chaplin.  » Michael Jackson s’est construit tout petit une forteresse mentale imaginaire pour se protéger de son père, avance Yves Gautier, sociologue et auteur de Michael Jackson. De l’autre côté du miroir (Publibook). Jusqu’à la fin, il est resté figé dans ses mécanismes de défense, s’identifiant à un personnage ou à un objet. Michael était aussi un enfant de « remplacement », c’est-à-dire qu’il est arrivé juste après des jumeaux dont l’un était mort-né, ce qui explique, chez lui, un sentiment de culpabilité, chose courante dans ce genre de cas. « 

On le sait. Thriller est l’album le plus vendu de tous les temps : 118 millions d’exemplaires. Dans ce disque, qui s’appelait au départ Starlight, la voix de falsetto de Jackson explose les codes du funk-rock. Michael Jackson confiait avoir été stimulé par le Saturday Night Fever, des Bee Gees. La présence de Van Halen au générique de Thriller permet à Jackson d’être joué sur les radios  » blanches « . C’est aussi le premier artiste noir dont les clips passent sur MTV.  » Thriller atteint une forme de perfection et semble construit à l’épreuve du temps, analyse Olivier Cachin, auteur de Michael Jackson. Pop Life (Alphée, sortie le 17 juillet). C’est d’autant plus rare que ce disque, qui a nécessité beaucoup de travail, est aussi très spontané. « 

On le sait moins. Manu Dibango l’a attaqué pour plagiat. Et il a eu gain de cause. L’une des chansons de Thriller, Wanna Be Starting Something, contient, à la fin, un sample de Soul Makossa (1972), composé par le chanteur camerounais. L’affaire, d’abord portée devant les tribunaux, est réglée à l’amiable.  » Quand je suis passé à l’Apollo de Harlem, en 1973, Michael Jackson et Barry White étaient dans la salle… se rappelle Manu Dibango. J’étais flatté que ce grand esprit de la musique devienne mon porte-voix, sauf que mon nom ne figurait nulle part sur la pochette de Thriller. Nos rencontres ont eu lieu par avocats interposés.  » Le dédommagement tournera autour d’une somme équivalente à 300 000 euros. Récemment, la même chanson a été reprise par Rihanna et Dibango est remonté au créneau.

Deux musiciens du Brabant flamand, Danny et Eddy Van Passel, ont également accusé le roi de la pop du plagiat de leur titre If We Can Start All Over, dont You’re Not Alone (1995), de Jackson, est très proche. La cour d’appel de Bruxelles leur a donné raison. Jackson a, quant à lui, été samplé par LL Cool J ou Nas. Les Français de Justice lui ont rendu hommage dans le tube D.A.N.C.E.

On le sait. Les soupçons de pédophilie ont entaché sa carrière. Dans les années 1990, l’icône glisse de son piédestal. Accusé d’attouchements sur un garçon de 13 ans, en 1993, il lui verse une somme proche de 22 millions de dollars. La justice américaine met fin à l’enquête en 2003. Jackson reviendra sur cette affaire dans HIStory en livrant sa version de l’histoire. Mais le c£ur n’y est plus. La deuxième affaire où il est de nouveau accusé d’attouchements le brise. Le verdict du procès retentissant, dont il sort acquitté en juin 2005, ne convainc pas. Au lendemain de sa mort, l’Osservatore romano, le journal du Vatican, a écrit qu' » aucune accusation, si grave et honteuse soit-elle, n’a été suffisante pour égratigner son mythe « .

On le sait moins. Neverland accueillait aussi des enfants stars. Par exemple Sean Lennon, Macaulay Culkin (Maman, j’ai raté l’avion) et Miko Brando, le fils de Marlon. Son ranch, baptisé du nom du pays de Peter Pan, a été revendu à Colony Capital, une société qui détient aussi le PSG. Michael Jackson avait interdit au printemps 2009 la vente aux enchères de ses 2 000 objets personnels, dont son gant brodé de perles Swarovski ou la maquette du château de la Belle au bois dormant. Neverland était un lieu de conte de fées dont profitaient ses trois enfants. En 2003, un quatrième s’était profilé : le travesti Djamel, autoprétendu fils naturel de Michael Jackson.

On le sait. Le Moonwalk est un peu français. Ce pas de danse a été inspiré par la  » marche contre le vent  » de Marcel Marceau et par les chorégraphies d’enfants du ghetto. Pour son retour, Jackson avait, dit-on, imaginé un nouveau pas de danse et formé une chorale d’enfants parlant le langage des sourds-muets.

On le sait moins. Sa maison de disques française décuplait d’imagination. Pour faire écouter Dangerous à la presse hexagonale, en 1991, Epic France avait affrété… le Concorde. Quelques années plus tard, le roi de la pop avait rencontré en tête à tête trois membres du label, qu’il avait reçus en chaussettes au George V et devant un Coca,  » pour savoir comment la France le percevait… « . C’est en France et en Allemagne que ses fans européens étaient alors les plus nombreux.

On le sait. Il était devenu sa propre créature. Transformation du visage, blanchiment de peau, Michael Jackson avait créé un autre lui-même.  » Sa métamorphose physique était une manière de rompre le lien avec son père, analyse Yves Gautier. Le voyage dans le temps, thème récurrent chez lui, était une façon d’affirmer qu’il ne devait rien aux autres et qu’il pouvait se réinventer. Le fantasme ultime a été la conception de ses enfants, choisis « génétiquement ». C’est un schéma à la Frankenstein. « 

On le sait moins. La bête de foire attirait les insultes. Michael Jackson avait été sacré  » Américain le plus bête  » en 2006 pour la quatrième fois d’affilée, selon un sondage de l’institut Opinion Research Corporation. Il était classé devant l’ex-vice-président Dick Cheney, George W. Bush et Tom Cruise. Le rappeur Eminem, notamment, l’a ridiculisé dans son titre Just Lose It.

On le sait. Son come-back à Londres devait rassembler 750 000 spectateurs. Depuis HIStory World Tour (1996-1997), il n’avait pas donné de show et Jackson avait d’abord pensé se produire dans un hôtel de Las Vegas, à la manière de Céline Dion. Criblé de dettes, il avait accepté ces 50 concerts très lucratifs, qui allaient engranger 450 millions de dollars de recettes. Aucun disque n’était prévu. Pourtant, depuis son dernier album, Invincible (2001), il n’avait jamais cessé de composer.  » Il reste des trésors dans le coffre-fort de Michael Jackson, note Olivier Cachin. Jackson risque d’être encore plus grand mort que vivant. « 

On le sait moins. Le nouveau spectacle empruntait au Cirque du soleil. Chorégraphié par Kenny Ortega, le réalisateur de High School Musical, le show comportait 22 tableaux et plusieurs numéros dans les airs, inspirés par le Cirque du soleil, que Jackson adorait, comme tous les arts du spectacle. Dans un rare entretien, accordé au magazine américain Interview, en 2004, à la question :  » Quel conseil donneriez-vous à un jeune chanteur ? « , il avait répondu :  » Crois en toi, étudie les plus grands et deviens le plus grand. Et agis comme un scientifique. Dissèque, dissèque.  » l

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Gilles Médioni

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