Mgr Jousten  » La Belgique reste une terre chrétienne « 

Les églises sont de moins en moins remplies, mais les fêtes catholiques rythment toujours notre calendrier. Anachronique ? Aloys Jousten, évêque (germanophone) de Liège, assure que non.

Les catholiques pratiquants représentent moins de 10 % de la population belge. Cela a-t-il encore un sens de maintenir autant de jours fériés religieux ?

Aloys Jousten : La question ne se résume pas au nombre de pratiquants. L’influence de la religion est beaucoup plus profonde. Depuis plus de mille ans, la Belgique a été imprégnée par la culture chrétienne. Néanmoins, je n’exclus pas la discussion. Les fêtes chrétiennes choisies comme jours de congé ne sont d’ailleurs pas les mêmes dans tous les pays européens. En Allemagne, les jours fériés religieux varient d’un Land à l’autre, selon que la population y est majoritairement catholique ou protestante. Il faut accepter ce pluralisme.

De plus en plus de Belges sont musulmans. La fête du sacrifice (Aïd el-Kebir) doit-elle devenir un jour férié ?

Entre évêques, on n’en a jamais discuté. Je réagis donc à chaud. Selon moi, le fait qu’un certain pourcentage de Belges pratiquent l’islam n’est pas suffisant pour modifier le calendrier des congés. Il faut que la terre soit trempée par cette culture. Le jour où la culture musulmane – et pas seulement la religion – imprégnera toute la société belge, à ce moment-là, on pourra l’envisager.

La signification culturelle de la Noël saute aux yeux. Peut-on en dire autant du lundi de Pentecôte ?

Vous avez raison, il y a des fêtes plus essentielles que d’autres.

Vous ne seriez pas choqué si la Belgique suivait la même voie ?

Non. Si, un jour, il faut trouver un arrangement avec d’autres religions, alors on fera un tri entre les jours fériés qu’on veut absolument garder et les autres.

Certains proposent de ne garder que des fêtes civilesà

Quand j’entends ça, je me dis que ça cache une arrière-pensée antireligieuse.

Autre sujet qui interpelle l’Eglise : la question du travail le dimanche.

C’est un vrai débat, ça !

Ces dix dernières années, le nombre de commerces ouverts le dimanche a nettement augmenté. Vous le regrettez ?

Oui, je le regretteà

Pourtant, rien n’empêche d’aller à la messe le dimanche matin, et de faire ses courses l’après-midi.

Mais le dimanche, ce n’est pas seulement la messe. C’est une journée particulière qui signifie que tout ne dépend pas de nous, que Dieu aussi est à l’£uvre. Si le dimanche devient un jour où l’on fait ses courses, on court le risque d’être entraîné dans un tourbillon d’activités, dans une absence de réflexion sur le sens de la vie.

Faut-il obliger les non-chrétiens à  » subir  » eux aussi cette pause dominicale ?

Je pense que, pour les non-chrétiens aussi, il est souhaitable de s’arrêter une fois par semaine. Certains profitent du dimanche pour faire un tour chez Ikea. Pourquoi pas ? Mais je crains qu’on remplisse l’agenda jusqu’à ras bord, et qu’en fin de compte on s’active de la même manière sept jours sur sept.

L’Eglise s’implique de moins en moins dans les questions de sociétéà

Vous trouvez ? Ces dernières années, les évêques ont publié des documents sur la mondialisation, sur les migrants. Nous avons réagi sur la situation des sans-papiers, sur les problèmes de bioéthique. Et je viens de publier deux cartes blanches sur la crise financière, dans le Standaard et La Libre Belgiqueà

Entretien : François Brabant

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