Métaphysique des vieilles canettes

Ampoules, sachets d’Earl Grey, couvercles de bocaux à compote de pêche… Qui veut des compositions philosophico-trash de Pascal Vrebos ?

Pascal Vrebos, écrivain et homme de télé, passe ses étés à Patmos, en Grèce. C’est là qu’il a eu, dans un resto, comme une illumination de saint Jean : l’envie pressante de collecter des détritus et de les bricoler vite fait dans son garage. Cette pulsion a engendré une trentaine de sculptures exposées actuellement à la BW Gallery, à Bruxelles (1). Pas facile à décrire, ces engins : des vieux sodas défoncés s’imbriquent dans des étuis à cigares ; des cartouches de Nespresso voisinent avec un moteur de fosse septique. C’est limite dégoûtant, dans les compositions qui incluent des poils, des mégots, un fond d’huile d’olive ou des vermicelles de choco à demi fondus. Surtout, ça pourrait être drôle… si l’auteur ne se prenait pas au sérieux. Or  » je suis, pose-t-il d’entrée de jeu, professeur de sémiologie à l’Académie des beaux-arts. La belle thématique des déchets m’intéresse, car elle ouvre sur les mondes philosophique, écologique, économique et cosmique.  » Le catalogue qui accompagne ces trucmuches aux titres surréalistes – Mimésis de la grosse Dinde, Infini de caniches (où sont les toutous ?) – laisse éclater la fibre rhétorique du dramaturge :  » Le déchettisme, c’est le signe du signe qui fait cygne « … Plus loin, pour légender La Douche de Socrate (deux bouteilles d’eau posées sur une vidange de champagne), c’est carrément l’extase poétique :  » Errance entre la chose et le signe, le déchet-signifiant, comme la peur d’être lié, la fuite devant l’attachement, signe chronophage, travailler et consommer… face au déchet comme suspendu, figé, grimaçant, le temps !…  » Ouille.

On sait gré à Vrebos, tout de même, de n’avoir rien suggéré de sexuel dans ses £uvres, même si Skata Machine Ensablures s’enguirlande d’un vieux slip de plage. Pour le reste, ouf, pas de Davidoff exagérément phallique, pas le moindre condom usagé, on a eu chaud, surtout en inspectant de près Mouillures Plexigaz ou L’ Anus caché

Tout ce bataclan est en outre offert au chaland.  » J’aimerais bien que ces montages se vendent, assure l’artiste. On a mis des prix très modestes…  » Renseignements pris, la gamme s’échelonne entre 350 et 1 000 euros pièce, ce qui fait quand même chère la canette (vide). Et si, par malheur, cet art ne se vendait pas ? Reste un terrible dilemme : bulle verte ou sac bleu ?

(1) Jusqu’au 21 mars, 74, avenue Louise, à Bruxelles. Rens. : 0477 57 38 15.

V.C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire