Mèmes pas mal

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Il n’y a pas de fautes d’orthographe dans le titre. Peu connus du grand public, les mèmes Internet font partie intégrante de la culture Web. En ignorant l’existence de ces blagues virtuelles, les néophytes s’exposent à bien des malentendus.

Le PS bruxellois avait a priori des raisons de s’indigner. Début mai, un internaute a mis en ligne sur YouTube une parodie du film La Chute, d’Oliver Hirschbiegel (2004), qui raconte les derniers jours du IIIe Reich. Sauf que dans cette version allemande aux sous-titres modifiés, l’état-major nazi est présenté comme le  » politburo  » de la fédération PS de Bruxelles. On peut y voir Hitler, désigné sous le nom de Philippe Moureaux, s’étrangler de colère en apprenant que la commune de Schaerbeek pourrait échapper à son plan de partage de la capitale avec les libéraux.

Le bourgmestre d’Evere, Rudi Vervoort, président de la fédération, a fermement réagi. Par voie de communiqué, il a exprimé son  » éc£urement  » et son  » horreur  » devant  » cet acte de banalisation de l’horreur nazie « , demandant aux instances du FDF de condamner l’auteur de la vidéo.

On ne saurait mieux illustrer le fossé culturel qui sépare les néophytes des internautes assidus. Si Rudi Vervoort surfait plus souvent, il aurait su que les détournements du film La Chute figurent depuis six ans parmi les blagues les plus répandues sur le Web. Pourquoi ? Parce qu’un anonyme, en août 2006, a découvert le potentiel comique de cette scène. Dans la première parodie postée sur YouTube, le Führer s’emportait contre les défauts d’un logiciel Microsoft. Des dizaines d’autres ont imité le procédé, puis des centaines, puis des milliers. Avec un générateur de sous-titres, quiconque peut désormais créer en quelques minutes sa propre version de la scène du bunker (voir downfall. jfedor.org/create/).

Par on ne sait quel mystère, une image, un son, une simple phrase peuvent ainsi se retrouver du jour au lendemain propagés et déclinés à l’infini dans la communauté des internautes. Ces phénomènes connus sur le Net depuis les années 1990 ont pris le nom pompeux de  » mèmes « , un terme popularisé en 1976 par le biologiste anglais Richard Dawkins. Dans son ouvrage The Selfish Gene (Le Gène égoïste), Dawkins présentait les mèmes comme les équivalents culturels des gènes biologiques, à savoir des éléments de culture qui se diffusent d’un individu à l’autre en subissant des mutations.

Plaisanteries sur un adolescent grassouillet jouant à Star War, photos de chats loufoques (les lolcats), détournement de vidéos amusantes… La base de données spécialisée knowyourmeme.com en recense plusieurs milliers, dont plus de 1 200 confirmés. D’autres viennent s’ajouter chaque jour. Une bonne part est née sur le forum de discussion anglo-saxon 4Chan (plus précisément un  » imageboard « ), d’où a également surgi le mouvement de hacker Anonymous. Leur niveau de popularité varie, beaucoup peinent à franchir la barrière de la langue, mais presque tous méritent le coup d’£il, ne serait-ce que pour observer la bouillonnante inventivité du Web.

De manière tout à fait subjective, nous avons sélectionné [ lire encadrés] cinq mèmes parmi les plus connus ou les plus drôles. Histoire que Philippe Moureaux ou Rudi Vervoort ne s’étonnent pas si le chanteur Rick Astley leur apparaît tout à coup au détour d’un lien sur Twitter ou Facebook.

ETTORE RIZZA

Ce sont des gènes culturels mutants

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