Harlan Coben, deux mètres d'assurance et d'efficacité. © ALAIN JOCARD/BELGAIMAGE

Meet the Boss

Harlan Coben vit son âge d’or : le boss du thriller est aujourd’hui à la fois une des grandes vedettes internationales des ventes de livres et le nouveau roi du PAF. Deux bonnes raisons de le lire, puis de le rencontrer.

Quoi de plus normal que de dénicher le roi du pétrole dans une suite du Plaza ? Un roi, c’est bien ce qu’est devenu l’Américain Harlan Coben, colosse de près de deux mètres (comme son héros récurrent Myron Bolitar) qui, ce jour-là, vous sert la pince plein d’assurance avant de s’asseoir dans le canapé et de faire un sort aux petits fours : cet homme tranquille est devenu, en 27 romans pour autant d’années de carrière, l’un des plus gros vendeurs de livres de la planète, en plus d’un auteur désormais vénéré par le grand et le petit écrans. Pour être clair, on n’avait plus vu ça depuis Stephen King : à la suite de Ne le dis à personne et son adaptation cinéma par Guillaume Canet, tous ses romans ont été numéro 1 des ventes en France et aux Etats-Unis, et ses adaptations télé cartonnent comme rarement. TF1 a attiré plus de 8 millions de téléspectateurs autour de la récente minisérie Une chance de trop, et compte bien remettre ça tout bientôt avec l’adaptation de Juste un regard, annoncée avec Virginie Ledoyen. Quant à Canal +, elle diffuse actuellement sa première série originale, créée pour les Britanniques de Sky1, The Five.

Livre ou série : à chaque fois, Harlan Coben déploie le même univers (des familles middle class et une petite bourgeoisie très éloignées de l’univers des thrillers), les mêmes ressorts (des secrets et des traumatismes du passé viennent briser le cocon familial, que seriez-vous prêt à faire pour sauver votre famille ? ), mais surtout le même talent, qui n’appartient sans doute qu’aux Américains. Les thrillers de Coben sont de vrais page turner, effectivement haletants. Un métier plus qu’un art, que l’écrivain conçoit comme tel, et qui a fait de l’efficacité sa marque de fabrique. Raison de plus pour en parler franco et détendu, en marge de la récente Foire du livre de Bruxelles, où l’attendrait ensuite son habituelle horde de fans.

Un tel succès, on n’avait plus vu ça depuis Stephen King. Vous avez une explication ?

J’espère que mes livres vous surprennent, vous captivent, mais aussi qu’ils vous touchent au coeur. Dans ce dernier, Intimidation, on sent, on comprend la dévastation ressentie par les personnages. Les lecteurs veulent plus qu’un thriller, ils veulent un thriller avec une vraie histoire d’amour. J’espère que c’est ça, l’explication.

J’en ai peut-être une autre : comme Stephen King, vous fouillez en permanence ce fameux American way of life d’une certaine classe moyenne, presque rêvée. Avec des aspects très précis de cette mythologie : le cercle familial, la réussite sociale, le sport, comme ici le baseball. Et à chaque fois, vos héros se battent pour préserver cet univers…

Mais c’est juste la vie que je connais ! (NDLR : Harlan Coben vit dans le New Jersey avec sa femme et ses quatre enfants). Il faut être très spécifique pour être universel. En Bulgarie, ils ne connaissent pas le baseball, mais il n’empêche qu’aux yeux des lecteurs bulgares, je suis tout de même  » vrai « . Et ce rêve américain est celui de tous : un foyer, une épouse, un bon job, une voiture… Mes livres parlent surtout d’une famille qui fait tout pour protéger ses enfants. Et ça, tout le monde peut le comprendre. Si je vous demande de tuer quelqu’un, vous me direz non. Si je vous demande de tuer quelqu’un pour protéger votre enfant, vous hésiterez et la réponse sera peut-être oui. Et c’est ça qui est intéressant.

Dans Ne le dis à personne, le personnage principal revoyait sa femme disparue dans une vidéo ; dans Intimidation, un homme interpelle le héros en lui disant  » votre femme vous a menti « . A chaque fois, le passé est au centre de vos intrigues…

Oui, c’est important pour moi comme pour tout le monde. Je construis toujours mes romans sur la base d’une idée, d’un twist, celui qui veut que les choses enterrées ne le restent pas longtemps. C’est toujours un bon ressort. Mais il y a autre chose : je n’aime pas les crimes énormes ou spectaculaires qui arrivent sans raison. Par contre, quand il s’agit de protéger ses proches, ça devient très différent, et il est difficile de revenir en arrière. Le bien et le mal, c’est comme le hors-jeu dans un match de foot : c’est délicat de décider si on a ou pas franchi la ligne. Il suffit d’une seconde. Juste une seconde. Et ça, c’est passionnant si c’est bien fait.

Dans Intimidation, comme souvent, il n’y a pas de flics, pas de privés, pas vraiment de vrais méchants…

Parce que ce n’est pas un thriller ! C’est juste un roman haletant, qui avance vite. Je crois que c’est aussi, comme souvent chez moi, une histoire d’amour. Mais mes livres sont plein de suspense, ils sont rapides, poussent à une lecture compulsive, donc on les classe comme crime fictions. OK, ça me va. Je me fiche des étiquettes. Je sais juste que j’envisage mes livres comme mes scénarios : l’intrigue doit commencer à la première ligne. Tout comme mes lecteurs, je ne veux pas attendre vingt pages pour entrer dans l’histoire. Je le dis souvent aux jeunes écrivains qui me demandent des conseils : ne commencez pas par le début ! Quel est selon vous le meilleur moment de votre roman ? Eh bien, commencez par là. En ajoutant ensuite un tas de twists(sourire).

On en revient à ce terme qui semble incontournable pour parler de vous : l’efficacité. Aux Etats-Unis, le mot sonne comme un compliment ; en France et en Belgique, c’est parfois plus complexe…

Je sais qu’il y a des approches très différentes de la littérature, je n’ai pas de problème avec ça. Certains aiment quand ça traîne en chemin, moi pas. Hemingway non plus n’aimait pas ça. Je veux que tous mes personnages aient une histoire, je les traite tous comme des personnages principaux. Je veux que les lecteurs les comprennent et entrent en empathie avec eux, mais je sais aussi que m’appesantir ne les rendra pas meilleurs. J’aime quand l’émotion passe par le mot juste, là est parfois le vrai défi littéraire. L’année dernière, j’ai écrit deux romans et deux séries. J’aime bien traiter ça comme un job, je crois que c’est aussi ce que font les bons écrivains. Les amateurs cherchent l’inspiration, les autres bossent.

Intimidation, par Harlan Coben, traduit de l’américain par Roxane Azimi, éd. Belfond, 396 p.

PAR OLIVIER VAN VAERENBERGH

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