Médicaments : par ici les bonnes pubs ?

L’industrie pharmaceutique ne peut pas vanter auprès du grand public ses traitements prescrits sur ordonnance. Les commissaires européens examinent un texte qui briserait cette omerta. Les associations de consommateurs hurlent à la potion amère.

Selon la rumeur, ce sont les médias allemands qui, attirés par l’odeur de revenus substantiels, auraient suggéré à la Commission européenne d’autoriser l’industrie du médicament à faire de la publicité pour ses produits vendus sur ordonnance. En tout cas, le 3 décembre prochain, les commissaires européens examineront une proposition de directive encadrant l’information donnée par l’industrie. Actuellement, seules les molécules vendues sans ordonnance peuvent faire l’objet de messages. Si la directive est votée, le nom de produits sur prescription pourrait être cité. L’idée que les malades iraient, ensuite, les réclamer aux médecins agite tous les interlocuteurs du monde médical : un vrai bouillon de culture !

Pour ceux qui auraient souhaité voir de vraies  » pubs  » pour n’importe quel médicament, comme aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande, c’est raté : la Commission y a renoncé.  » En Europe, l’industrie du médicament ne demandait absolument pas cela, rappelle Olivier Remels, porte-parole de pharma.be. Actuellement, entre autres sur des sites Internet non contrôlés, on trouve tout et n’importe quoi sur les médicaments. Ce que nous désirons, c’est participer, via des brochures ou sur Internet, à une information sérieuse et validée concernant les produits complexes que nous développons. Les patients recherchent ces renseignements, par exemple sur le bon usage du médicament,alors pourquoi nous exclure ? Nous sommes les mieux placés pour bien connaître les molécules, tout au long de leur parcours, pour parler de nos possibilités de traitement, de leur sécurité, de leur efficacité, de leurs effets secondaires. « 

Les thérapies non médicamenteuses passent à la trappe

Pourtant, rien qu’à l’idée d’augmenter les pouvoirs de communication de l’industrie, certains acteurs du secteur s’étranglent. C’est le cas de Test-Achats, soutenu par 17 autres organisations, y compris médicales.  » La législation qui autorise déjà l’industrie à mener des campagnes d’information sur les maladies sans citer le nom des produits a donné lieu à plusieurs abus. Ainsi, un site suggérait aux jeunes filles qu’elles seraient plus heureuses en prenant la pilule !  » s’indigne le Dr Martine Van Ecke, coordinatrice de l’équipe Santé à Test-Achats. L’industrie, dit-elle, est placée dans un conflit d’intérêts évident, qui ne la rend pas apte à informer de manière objective. De plus, la Commission ne prévoit pas de permettre de publicité comparative.  » Or aucune firme ne soulignera jamais qu’un autre produit est plus efficace que le sien, de même qu’elle n’insistera pas sur les thérapies non médicamenteuses !  » assure-t-elle. Dialogue de sourds : Olivier Remels soutient que l’industrie n’est pas là pour faire des comparaisons, mais pour donner des informations scientifiques à ceux qui les cherchent.

Au Beuc (Bureau européen des unions de consommateurs), on reconnaît que l’industrie joue un rôle important en matière d’information des malades et on souligne qu’elle devrait travailler davantage encore à la lisibilité des notices ! En fait, selon Ilaria Passarani, responsable du département santé, la législation actuelle suffit déjà largement.  » L’information promotionnelle n’a aucun intérêt pour le consommateur. D’autant qu’avec le nouveau texte on prend le risque de voir l’industrie choisir de mettre en avant des substances qui ne sont pas les plus essentielles en matière de santé publique.  » Vous avez dit  » santé publique  » ? C’est le commissaire européen en charge… des entreprises qui défend cette directive. Et là, en ch£ur, ceux qui la contestent enchaînent :  » Le médicament n’est pas un produit comme les autres. Les lois le concernant doivent relever des ministres de la Santé.  » Comme ceux qui, en Belgique, disposent de si peu de moyens pour promouvoir les messages médicaux qu’ils doivent faire appel… au soutien de l’industrie du médicament ?

Pascale Gruber

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