Mais que fait l’Europe ?

Face à la récession la plus grave qu’elle ait eu à affronter, l’Union européenne est-elle adaptée ? Difficile de coordonner les politiques de relance des Vingt-Sept.

La crise financière et économique ne cesse de rebattre les cartes dans le grand jeu de la mondialisation. L’Union européenne, elle, semble hésiter. La récession met à l’épreuve les solidarités et exacerbe la course au leadership.

Les limites d’une Europe non fédérale. Devant l’avalanche de plans nationaux, la question se pose : mais que fait l’UE ? La Commission a finalement réagi en proposant 3,75 milliards d’euros d’investissements dans l’énergie. Las, pour l’essentiel, ils ne pourront être utilisés qu’enà 2010 et 2011. Et les 500 millions issus du Fonds d’ajustement à la mondialisation se révèlent aussi difficiles à distribuer, à cause de critères restrictifs. Faut-il en faire rejaillir la faute sur le président, José Manuel Barroso ? Celui-ci est de plus en plus contesté dans certaines capitales pour son immobilisme supposé, son désir de plaire à tous (et donc à personne) et son incapacité à assurer l’unité de ses 26 commissaires. Jusqu’à remettre en question son renouvellement pour un second mandat à l’automne ? Ce serait oublier que, depuis une décennie, les grands Etats membres ont voulu une Commission faible, réduite pour l’essentiel à un pouvoir de proposition. L’impôt européen ne dépasse pas 1 % du PIB de l’UE. Et les traités ne permettent pas le lancement d’un grand emprunt communautaire.

L’affirmation des Etats. Faute de gouvernement européen, la relance ne peut venir que des Etats membres. Au risque du choc des intérêts nationaux et d’une distorsion de la concurrence, voire d’un protectionnisme déguisé.  » Hier, c’était le mot « concurrence » ; aujourd’hui, c’est « coordination » qui doit devenir le nouveau mot clef du registre européen « , soutient le Français Bruno Le Maire, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Lequel reconnaît :  » Il reste du travail pour faire naître un intérêt européen. » A cet égard, les aides des Etats à l’industrie automobile constituent un cas d’école. Paris s’est fait rappeler à l’ordre par la Commission et la présidence tchèque de l’UE en décidant de conditionner ses aides au maintien des usines dans l’Hexagone. Rome et Madrid aussi doivent s’expliquer. Autre exemple : la régulation financière au menu du G 20, à Londres, le 2 avril. Malgré les bonnes paroles échangées entre Européens à Berlin, le 22 février, il reste à combler le fossé entre ceux qui souhaitent, en réalité, que le sommet débouche sur un simple code de bonne conduite et ceux qui réclament la fin des paradis fiscaux, des règles comptables plus strictes et une supervision supranationale des banques.

L’essentiel reste toutefois préservé, comme l’atteste l’engagement inédit du gouvernement allemand, ces jours-ci, à soutenir tout Etat de la zone euro menacé de faillite. En cas de risque systémique, la solidarité serait de mise.

La fin du couple franco-allemand. Après avoir échoué à imposer à Berlin un  » gouvernement économique « , Paris prône désormais une  » politique industrielle européenne « à à l’heure où l’allemand Siemens se dégage du français Areva. L’ex-ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine le dit sans ambages :  » Arrêtons avec le sentimentalisme !  » Le couple a vécu, place aux liens d’intérêt, au cas par cas. L’Allemagne a changé depuis l’unification et a cessé d’être indulgente à l’égard d’une France qu’elle juge plus incapable que jamais de se réformer. Berlin pense de moins en moins bas ce que l’UE dit haut et fort en épinglant l’envolée du déficit français : Paris aurait dû mettre de l’ordre dans ses finances plus tôt.

JEAN-MICHEL DEMETZ

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