Magritte sur le gril

Guy Gilsoul Journaliste

L’homme aux charentaises a encore des secrets à nous révéler. Témoin, cette série d’érotiques exposée parmi d’autres ouvres récemment apparues sur le marché.

Depuis la parution entre 1992 et 1997 des cinq tomes du catalogue raisonné de l’£uvre de René Magritte, la grande rétrospective de 1998 et surtout l’ouverture, il y a trois ans, du musée de la Place royale, à Bruxelles, de nouvelles £uvres sont apparues sur le marché. D’où la parution aujourd’hui (Fonds Mercator) d’un sixième tome révélant les pièces authentifiées et la présentation de quelques-unes d’entre elles dans la salle de l’Empire des Lumières. Parmi elles, un paravent aux allures d’abstraction qui, apprend-on, fut acquis dans les années 1930 par René Gaffé, pour lequel Magritte dessinait des pochettes de disques.

Architecture au clair de lune, une £uvre aux allures de décor de théâtre (on songe à De Chirico) avait été offerte par le peintre à un médecin en échange de ses diagnostics. Retenons aussi l’étrange Leçon de musique (1963) réapparue en 2000, un paysage vide dans lequel flotte, dans une teinte de vieux rose, une cloche dont le manche n’est autre qu’une oreille. Les pièces les plus nombreuses sont des gouaches (la plus ancienne remontant à 1936) et des dessins. Les six  » feuilles  » les plus inattendues sont des érotiques illustrant, à petits traits bouclés et jeux d’ombres évasives, Madame Edwarda, le sulfureux texte de Georges Bataille. Ces dessins datés de 1946 (soit neuf ans avant les gravures plus connues de Hans Bellmer) suggèrent surtout aux spécialistes du surréaliste bruxellois de nouvelles perspectives de recherches. Or voilà bien une mission essentielle du musée. En collaboration avec d’autres centres internationaux, celui-ci fait de Bruxelles l’épicentre des études  » Magritte  » et encourage du coup les échanges, les prêts, voire les dons, en assurant ainsi le renouvellement des accrochages. Donc, le plaisir du public. En 2013 par exemple, le musée bruxellois collaborera avec le MOMA de New York pour une grande exposition évoquant les  » années décisives  » (1926-1938), dont on sait que Bruxelles possède la plus importante part des £uvres produites. Or cette exposition sera ensuite montrée à Houston puis à Chicago où vivait un certain Barnet Hodes. L’occasion pour nos historiens de mener une enquête sur les relations de ce collectionneur avec le peintre qui pourrait bien éclairer d’un jour nouveau les liens de Magritte avec l’Amérique, le pays qui le propulsa aux premiers rangs des artistes du xxe siècle.

Bruxelles, musée Magritte, 3 place Royale, du mardi au dimanche, de 10 à 17 heures, le mercredi jusqu’à 20 heures. www.fine-arts-museum.be

Guy Gilsoul

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