Luther, au secours !

Le propre d’une restauration est de faire resurgir le passé dans le présent. Il est étonnant qu’un esprit aussi fin que Benoît XVI ne l’ait pas davantage pesé. Sans doute parce que ses erreurs répétées se résument à une cause principale : il rêve bel et bien de restaurer un catholicisme dont la majorité des catholiques ne veut plus et qui finit de lasser le reste de l’opinion par ses aspects réactionnaires. En décidant, le 24 janvier, de lever l’excommunication frappant quatre évêques intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, le pape leur a offert une publicité inespérée et a enclenché un mécanisme infernal. L’annonce de son prochain voyage en Israël, au mois de mai, n’y changera rien. A Jérusalem comme à Bethléem, il y aura des génuflexions, des accolades, des séquences  » émotion  » et de grands discours de fraternité abrahamique. Les hautes autorités du judaïsme en seront certainement très touchées et rassurées ; les musulmans ne seront pas oubliés. Puis le Saint-Père rentrera dans son palais de marbre, citadelle assiégée dont le fonctionnement ne cesse d’apparaître invraisemblable. L’affaire Williamson, ce soi-disant évêque qui persiste à nier l’existence des chambres à gaz, révèle en effet une rupture tragique : l’Eglise de Rome, après avoir provoqué par sa raideur l’évasion de millions d’âmes, voit maintenant son statut de force morale vaciller. Le Vatican s’est mis à la merci d’un banal révisionniste qui, assurément, prend un malin plaisir à réitérer ses propos criminels pour bafouer l’autorité. Williamson n’a pas d’ennuis, c’est Rome qui en a.

D’où la question qui jaillit : dans sa définition actuelle, la papauté a-t-elle encore un avenir ? Il devient évident qu’on ne peut bâtir une espérance spirituelle, à vocation universelle, sur un système archaïque dans lequel les décisions sont prises par un seul homme. Car ce n’est pas la révolte des théologiens face aux propos de Williamson, ni la colère des évêques progressistes, ni encore l’émoi profond du monde associatif catholique qui ont décidé Benoît XVI à réaffirmer que  » toute négation ou minimisation de ce terrible crime [la Shoah] est intolérable et tout à fait inacceptable « . Ce sont les propos très sévères de la chancelière allemande, Angela Merkel, qui l’ont obligé à prononcer cette déclaration et à confirmer dare-dare son déplacement en Israël. Quelque part, une protestante aura contribué à sauver l’honneur de l’Eglise de Rome.

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