Louvain-la-Neuve

L’inauguration, le 2 mai, de la Grande Aula, un auditoire de 1200 places, met un terme à trente ans d’installation de l’UCL à Louvain-la-Neuve. La fin des chantiers dans la ville ? Pas tout à fait

Moment fort dans l’histoire de l’université de louvain (UCL): ce mercredi 2 mai, jour de sa fête patronale, en l’année du 575e anniversaire de sa fondation, elle inaugure la Grande Aula. Cet auditoire de 1 200 places, le plus important de tous, situé en plein centre-ville, est appelé à devenir le bâtiment phare de Louvain-la-Neuve. Et pas seulement pour son architecture, véritable cassure dans le paysage uniforme et assez répétitif de la ville.

« L’auditoire sera riche de nombreux symboles, explique Marcel Crochet, recteur de l’UCL. Le premier tient dans la date choisie pour son inauguration. En cette année d’anniversaire, la Grande Aula sera le signe que l’UCL est une institution certes ancienne, mais néanmoins résolument tournée vers l’avenir. »

Mais ce n’est pas là le symbole le plus important. S’il fallait trouver une seule justification à ce nouveau bâtiment, ce serait sans aucun doute celle-ci : avec la Grande Aula, l’UCL met enfin un terme symbolique, trente ans après, au transfert de l’université, de Leuven vers le Brabant wallon. « Ce projet d’auditoire remonte aux années 70. A quelques dizaines de mètres près, son emplacement est celui prévu à l’origine », raconte Jean-Marie Lechat, le coordinateur du projet urbanistique de la ville, depuis la première pierre jusqu’en 1997, et auteur d’un ouvrage intitulé Louvain-la-Neuve. Trente années d’histoires, qui vient de paraître chez Académia-Bruylandt.

La Grande Aula manquait donc à l’achèvement du transfert. Et si l’auditoire était prévu dès le lancement du projet, c’est parce que les concepteurs savaient déjà qu’il serait indispensable au développement de l’université et de la ville. « Un tel lieu manquait, continue Marcel Crochet. Il nous fallait un bâtiment capable d’accueillir les événements d’envergure qui rythment une année universitaire : les grands cours magistraux, les temps forts de la vie académique et institutionnelle, les congrès scientifiques internationaux; mais aussi les manifestations de la vie de l’entreprise, de la participation politique; les expositions, les spectacles, les rencontres, les concerts. »

Dès la rentrée académique prochaine, lorsqu’elle sera complètement opérationnelle, la Grande Aula pourra donc s’ouvrir à toutes ces activités. Elle devra être prête, en tout cas, puisqu’elle doit héberger un Conseil informel des ministres européens des Transports et de l’Environnement dès le mois de septembre. « Il s’agit donc déjà d’un événement de taille, organisé dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne », souligne Jean-Claude Nihoul, responsable, depuis 1997, de la promotion urbaine de Louvain-la-Neuve.

Une « vraie ville »

Si la Grande Aula a été conçue, en priorité, pour rencontrer les besoins de l’université, elle ne se limitera pas à ce rôle. Le bâtiment abritera, en effet, la plus grande salle de spectacles et de congrès du Brabant wallon. Pour Marcel Crochet, « l’objectif second sera donc d’en faire un lieu qui offre une réelle ouverture à la culture et aux arts. Un lieu complet et polyvalent qui permette d’attirer à Louvain-la-Neuve, en plus des étudiants et des habitants, un public nouveau en provenance de la région tout entière. Voire même de plus loin encore. La Grande Aula doit devenir un pôle d’attraction régional et international ». C’est dans cette logique que la gestion de l’auditoire a été confiée à Patrick de Longrée et à Rinus Vanelslander. Deux noms connus dans le domaine de la culture grâce à plusieurs créations organisées sur le site des ruines de Villers-la-Ville. Leur défi: faire de la Grande Aula un lieu incontournable pour les grands spectacles.

Un lieu qui a pris une forme tout à fait inattendue dans le paysage louvaniste. Jusqu’ici, l’université était restée extrêmement discrète au sein de la toute jeune ville. Aujourd’hui, c’est une énorme boîte de verre de 19 mètres de hauteur, de 70 mètres de longueur et de 30 mètres de largeur qui a surgit en plein centre urbain. Un contraste étonnant avec les autres bâtiments, à l’allure plutôt neutre, composés essentiellement de briques rouges et de béton. Marcel Crochet s’en explique : « Il s’agit d’une infrastructure audacieuse. Très belle à l’extérieur, elle est étonnante à l’intérieur. Mais elle est surtout appelée à devenir un signal fort de la présence de l’université au coeur de la ville. » C’est ce qu’avait bien compris le Pr Raymond Lemaire, l’homme qui, avec Michel Woitrin, était à la base du grand défi qu’a constitué Louvain-la-Neuve et qui continuait à suivre son évolution. « Quelques jours avant sa mort, en 1997, il avait reçu les plans du nouvel auditoire. Etonné par la rupture architecturale, il nous avait alors téléphoné pour voir si nous en étions conscients. Nous lui avions alors demandé ce qu’il en pensait. Ce à quoi il a répondu « je suis pour! Mais je voulais être sûr que vous aviez bien réalisé ». Il fut le premier à pointer toute la potentialité symbolique du projet. »

Pour Michel Woitrin, administrateur général de 1963 à 1984, l’explication n’est pas différente. Il écrit, dans le carnet de l’UCL consacré à la Grande Aula, qu' »aujourd’hui la ville est assez forte pour se permettre plus d’audace, plus de recours aux technologies nouvelles, en matière culturelle ou commerciale ». Il annonce, ce faisant, le dernier grand défi que l’UCL et la ville doivent désormais relever. Un défi auquel participe bien évidemment la Grande Aula: faire de Louvain-la-Neuve une « vraie ville ».

Un premier pas important a déjà été réalisé dans ce sens, à la fin de l’année 1999, lorsque, pour la première fois, le nombre d’habitants a dépassé légèrement celui des étudiants résidents à Louvain-la-Neuve: environ 9 000 mille de part et d’autre. Aujourd’hui, la tendance ne risque plus de s’inverser, puisque la ville s’accroît en moyenne de 500 habitants par an, au grand bonheur des promoteurs immobiliers. « Alors que, depuis quatre ou cinq ans, le marché des kots pour étudiants est saturé, avec une offre légèrement supérieure à la demande, la demande de constructions résidentielles reste continue, explique Guido Eckelmans, patron d’une importante agence sur le site. Le troisième âge est fort attiré, ainsi que les jeunes familles avec des enfants, car la ville est piétonne. Cela offre aux plus petits une zone de jeu inépuisable et leur permet, ainsi qu’aux plus âgés, de circuler en toute sécurité. Le lac et le bois offrent de superbes balades. Et puis, il y a aussi l’université des aînés qui draine beaucoup de monde. Ajoutez à cela la proximité des commerces, de la gare, de l’autoroute ainsi que toutes les activités culturelles liées au site universitaire, et vous comprendrez pourquoi nous n’avons pas fini de construire. »

De ce point de vue, l’avenir de Louvain-la-Neuve semble donc assuré, même si l’objectif final, d’ici à une quinzaine d’années, reste de parvenir à un total de 28 000 résidents. Pour atteindre ce chiffre, un grand nombre de chantiers sont d’ores et déjà mis en oeuvre. Tous poursuivent un double but : terminer le développement du centre-ville, resté inachevé depuis près de vingt ans. Et faire de Louvain-la-Neuve le nouveau pôle d’attraction du Brabant wallon, sur les plans à la fois commercial et culturel. « Nous voulons ainsi attirer une nouvelle population en ville, grâce à de nouveaux logements, de nouvelles superficies de bureaux et, surtout, une grande surface commerciale », explique Jean-Claude Nihoul. Un projet prévu de longue date mais qui a mis du temps à se concrétiser. « Dans les années 80, nous avons subi de plein fouet la crise économique et du logement. Nous avons donc été matériellement contraints d’abandonner l’aménagement du centre, en ce compris la dalle sur laquelle il repose. Cela nous a valu de nombreuses critiques mais le fait était là : nous manquions de moyens publics. A la fin des années 90, nous nous sommes finalement lancés dans un partenariat avec un promoteur privé : Wilhelm and Co. »

Aujourd’hui, les premiers signes concrets de cet accord sont visibles. Un complexe cinématographique d’une dizaine de salles est en chantier, juste à côté de la Grande Aula. Il devrait être opérationnel pour la rentrée de 2001. Par ailleurs, les travaux préparatoires à la construction du centre commercial, juste à l’entrée de la ville, ont débuté il y a quelques semaines. Ce chantier ne sera pas terminé avant la fin de l’année 2003. Enfin, ce sera au tour de la rue Charlemagne, qui établira la liaison entre la place de l’Université et la Grand-Place, de voir le jour. Lorsque cette première phase sera terminée, la superficie du centre urbain aura pratiquement doublé. Ce qui ne mettra pas pour autant fin aux chantiers puisqu’il restera à construire le boulevard du Sud, qui devrait permettre une meilleure circulation, le centre d’archivage du Brabant wallon, le musée Tintin, ou encore tous les nouveaux logements dans les divers quartiers. La totalité du programme devrait ainsi s’étaler sur une quinzaine d’années. En 2016, les grues devraient donc avoir disparu du paysage de Louvain-la-Neuve. Image totalement insolite pour les pionniers des années 70…

L’UCL évoque son histoire, et son avenir, dans l’ouvrage Une aventure universitaire, paru aux éditions Racine. Réalisé par 89 collaborateurs sous la direction de Gabriel Ringlet, il est illustré de nombreuses photos et de six évocations littéraires.

Damien Detry

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