Lizin au bazooka  » Trucage  » RTBF et  » magistrat antipolitique « 

Au tribunal, l’avocat Serge Moureaux ranime la thèse du grand complot. Embarras au PS, où les affaires  » Lizin  » débouchent sur le procès de la RTBF, accusée d’un bidouillage de bande-son.

La vengeance est un plat qui se mange froid. La sénatrice-bourgmestre de Huy Anne-Marie Lizin et son avocat Serge Moureaux ont reporté le festin. Le procès qu’ils intentent au journaliste Patrick Remacle, une valeur sûre de la RTBF, devait débuter ce lundi 22 septembre. Le 27 décembre 2007, la télé publique avait affirmé que des employés communaux hutois s’étaient livrés à de la propagande électorale pendant leurs heures de service ; la RTBF avait ensuite diffusé un long reportage du même Remacle, épinglant certaines dérives autoritaristes de la maïeure socialiste. Allégations  » mensongères  » et  » gravement injurieuses  » : Lizin et son clan hutois avaient personnellement assigné le journaliste, derrière lequel s’était rangé le service public tout entier, y compris son conseil d’administration pluraliste, dénonçant une man£uvre d’intimidation et une menace sur la liberté d’expression. Procès de presse, procès politique : au tribunal de première instance de Bruxelles, lundi 22 septembre, Me Moureaux a provoqué un report d’audience (au 26 janvier) en demandant la récusation d’un magistrat jugé partial.  » Antipolitique  » (et anti-PS ?), aux yeux de Moureaux.

Ce ne sont pas les trois juges spécialisés qui sont visés, mais le représentant du ministère public invité à assister aux joutes et censé donner un avis à chaud, une sorte de commentaire sans impact direct sur le verdict. Dans la ligne de mire : le substitut du procureur du roi Axel de Theux de Meylandt et Montjardin.  » Quand ce monsieur insulte un parlementaire, c’est moi aussi ( NDLR : ancien sénateur PS) qu’il insulte !  » s’est exclamé Me Moureaux. Allusion à un incident intervenu en juin dernier. Dans la même enceinte, le procès opposant le tandem Lizin-Moureaux au journaliste du Soir Magazine Jean-Frédéric Deliège avait dérapé lorsque le même substitut de Theux avait commenté les débats en semblant donner raison au reporter. Version de Moureaux :  » Ce magistrat a laissé entendre que tout homme ou femme politique qui recherche de la publicité n’a qu’à s’en prendre à lui-même en cas d’attaque dans la presse.  » Pour rappel, Deliège avait écrit qu’Anne-Marie Lizin aurait abusé de la carte bancaire de l’hôpital public de Huy, où une instruction judiciaire est en cours.

Moureaux recourt volontiers à la thèse du complot, selon laquelle quiconque critique Lizin fait forcément la campagne du MR, voire du CDH. Pour lui, les activités du  » quatrième pouvoir  » (il vise la presse d’investigation) ne jouissent pas d' » une immunité absolue « . Le contre-attaquant sort l’artillerie lourde. Dans un procès d’un genre inédit, il accuse Remacle et la RTBF d’avoir harcelé Lizin, d’avoir foulé aux pieds la déontologie journalistique et même d’avoir manipulé des bandes-son – et produit des faux – afin de faire dire à des tiers ce qu’ils n’ont pas dit ! Au cours du documentaire consacré à Lizin, on voit une brave dame remercier la bourgmestre  » pour la contravention « . Pure invention, selon Moureaux. Qui n’hésite pas à défier la RTBF : l’avocat a exigé auprès de la ministre de tutelle, Fadila Laanan (PS), un relevé de tous les coûts causés par le reportage Lizin. Réponse de la ministre socialiste : pour rappel, la RTBF est une entreprise publique autonome…

Une telle offensive de blindés ferait presque oublier les faits. Selon la défense,  » des  » tracts distribués par  » des  » fonctionnaires de la ville de Huy l’ont bel et bien été pendant les heures de service. Une interview au Soir du ministre wallon de l’Intérieur, Philippe Courard (PS), le confirme. Avant de secouer le cocotier, le journaliste Remacle s’était appuyé sur des documents et des témoignages recoupés. Le tribunal pourrait-il contester le caractère professionnel de la démarche ? Le long reportage du 11 avril était, lui, d’une autre nature : un portrait sans concession, forcément subjectif, présentant la face cachée d’une personnalité publique. Lizin et Moureaux voulaient-ils censurer cette émission en portant plainte dès le mois de janvier ?

Philippe Engels

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