Linux – Le logiciel qui monte…

Linus Torvalds s’étonne encore aujourd’hui des multiples applications de son système d’exploitation. Un regret : seul le marché des PC fait de la résistance.

Le Vif/L’Express : Imaginiez-vous qu’un jour votre logiciel se retrouverait dans des téléphones, des box Internet, des calculateurs ?

Linus Torvalds : Pas du tout. En 1991, seul l’univers des PC me préoccupait. Depuis, bien des utilisations de Linux m’ont surpris. Ainsi, voilà quelques années, un ingénieur est venu m’expliquer comment il l’avait installé dans une pompe à gaz ! C’était pour le moins inattendu. En réalité, le fait que mon système soit libre lui a permis de se diffuser bien au-delà de son objet initial. Et ironie de l’histoire, le marché pour lequel il était destiné à l’origine – celui du PC – est l’un des rares dans lequel il n’a pas encore percé.

Pourtant, vous avez conçu Linux comme une alternative à Windows. Comment expliquez-vous qu’il ne se soit pas imposé sur les ordinateurs ?

Pour moi, Linux n’a jamais été une alternative à Windows. Je cherchais seulement à retrouver un logiciel proche de celui que j’utilisais à l’université, fonctionnant sur de gros ordinateurs. Au demeurant, la raison pour laquelle Linux ne s’est pas imposé sur les PC est simple : aujourd’hui, les deux principaux systèmes d’exploitation – Windows de Microsoft et l’OS X d’Apple – sont préinstallés sur tous les PC vendus dans le commerce. Nombre de mes détracteurs ont longtemps prétendu que Linux était inadapté aux besoins du grand public, mais Google a démontré le contraire. Avec Android [NDLR : fondé sur Linux], il est devenu l’un des acteurs dominants dans les smartphones. Et, là encore, l’explication est claire : ce système est préinstallé sur les téléphones.

Linux ne cesse d’évoluer grâce à des développeurs qui participent, souvent bénévolement, à son amélioration. Combien sont-ils ?

Difficile à dire. Au cours des sept dernières années, nous avons comptabilisé environ 10 000 contributeurs qui ont apporté leur pierre à l’édifice. Une minorité d’entre eux ont réalisé des changements majeurs. Les autres ont effectué des modifications ou des corrections marginales. Nombre de personnes encore testent et rédigent des réponses aux questions que nous nous posons. C’est vraiment un travail collaboratif.

Les utilisateurs de la liseuse Kindle, d’Amazon, ne peuvent lire leurs ouvrages qu’avec cet appareil. Pourtant, il fonctionne grâce à Linux. Cela ne va-t-il pas à l’encontre de votre philosophie du partage ?

Je suis pragmatique. Tant que le marché offre une diversité d’approches, la situation me convient. Si, d’un côté, une ou deux entreprises contrôlent un ensemble de technologies, mais que, de l’autre, une réelle concurrence demeure grâce à Linux et à son modèle ouvert, alors il n’y a pas de problème. D’ailleurs, et pour répondre à votre question, Linux équipe aussi la liseuse Nook, du libraire Barnes & Noble.

Voilà quelques années, un responsable de Microsoft a comparé Linux à un cancer. Aujourd’hui, le groupe fondé par Bill Gates est concurrencé dans de nombreux domaines. Vit-on la fin d’une époque ?

Je n’aurais pas l’arrogance de dire cela. Microsoft domine toujours de nombreux pans du marché du logiciel, avec son traitement de texte Word, par exemple. Au-delà, il conserve une énorme influence dans le monde du PC. On ne peut donc pas parler de la  » fin d’une époque « . Microsoft est seulement en train de comprendre qu’il n’est plus le seul joueur de la partie.

Apple contre Samsung, Oracle contre Googleà La guerre des brevets dans le high-tech vous inquiète-t-elle ?

Je suis affligé par ces batailles juridiques. Les brevets représentent certes un énorme enjeu pour l’industrie, mais la multiplication des procès n’est pas un bon signe. Elle témoigne de la faiblesse de certains leaders qui usent et abusent de cette arme pour contrecarrer leurs concurrents.

PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL PAQUETTE

 » Pour moi, Linux n’a jamais été une alternative à Windows « 

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