© illustration : charles monnier

Liège ou l’inversion des valeurs : la peur gagne contre la beauté

On sait les bienfaits des arbres, devenus si rares en ville. L’air pur qu’ils dégagent est recherché partout, sauf à Liège.

Tous les arbres du quai Marcellis qui bordaient la Meuse ont été rasés cet été, offrant à la vue des touristes et des habitants l’enfilement incohérent des façades nues, irrégulières, des immeubles sans harmonie des années 1970.

Cette déforestation urbaine s’attaque aujourd’hui au plus beau parc de Liège : celui de la Boverie, seul vestige végétal de la prestigieuse exposition de 1905 qui créa le quartier des Vennes et le pont de Fragnée. Toutes ces sources de vie, de perpétuité et d’élégance viennent d’être éliminées, une fois encore, au centre de Liège, dans un de ses remarquables sites classés !

Que cherche-t-on ? Un modèle de déforestation systématique ? On évoque les risques de chute des branches, mais ces arbres sont là, intacts, depuis plus d’un siècle ! Et la hantise sécuritaire, aux sources de toute action réactionnaire, a laissé place à cette obsession de dégrader l’art de vivre, entre les deux rivières, près du musée restauré. De ces peupliers typiques des rivages mosans, il ne reste rien ! Les passants liégeois, incrédules, ont vu s’effondrer ces majestueux arbres centenaires.

Une fois encore, le fait accompli l’a emporté : pas d’avis aux citoyens, pas d’enquête publique, travaux à vitesse élevée, efficaces, privés, organisés. Il ne fallait pas faire de vagues. La Commission royale des monuments et sites avait pourtant exprimé un avis négatif, ignoré bien entendu. A qui profitent de telles dégradations ? Seule, l’entreprise dont les engins belliqueux s’étalent le long de la Dérivation semble y trouver son compte.

Mais ce sont encore les citoyens liégeois qui paient la destruction de l’une des plus belles perspectives de la ville. Là où s’harmonisaient l’eau, la culture et la végétation. Bien sûr, on nous servira les pâles prétextes coutumiers : castors, maladie, dangers. Tous concepts outrancièrement vagues, destinés à effrayer le citoyen et l’électeur abusés. Cependant, chaque inconvénient aurait dû être rencontré particulièrement, en donnant la priorité absolue aux vraies valeurs : la beauté collective, la santé et la mémoire. Les arbustes qu’on nous propose de replanter là seront aussi majestueux que nos sapins d’appartement à Noël. Leurs essences n’ont rien à voir avec les paysages mosans. Et dans cent ans, enfin, ils décoreront ces rives, mais seulement si les futurs castors les laissent vivre… Aucune valeur ne peut arrêter l’obsession de démolir à Liège. Nous le savons depuis 1789, mais nous ne comprenons toujours pas pourquoi !

Marcel Otte
Marcel Otte© dr

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