Les yeux rivés sur la Capitale de la culture 2015

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

La grosse actualité, du côté du Doudou, le sera forcément encore pour quatre ans : Mons 2015 catalyse à la fois les espérances d’un renouveau culturel et la perspective d’un avenir économique plus rose. Et de près ou de loin, les projets locaux gardent tous un oil sur cette échéance.

Tout est dans tout. Et à Mons, tout est dans Mons 2015. Dans un peu plus de quatre ans, la capitale hennuyère deviendra également, pour douze mois, celle de l’Europe culturelle. Une belle manière d’exister sur la carte des villes d’art et de patrimoine. Mais surtout, restons prosaïques, une façon – presque – comme une autre de signaler aux investisseurs de tout poil que la ville aimerait décoller pour de bon les étiquettes que des siècles d’histoire (l’argent n’a jamais coulé à flots à Mons) ont apposées sur son front.

Et si Mons 2015, en réalité, n’était donc qu’une manière de sabrer dans un taux de chômage toujours très élevé en dépit d’une relative  » hype  » médiatique et d’une politique que d’aucuns qualifient de  » prestige et d’image « . Malgré sa très harmonieuse Grand-Place, malgré les visites d’Albert II sur les sites de Google et de Microsoft, malgré l’issue heureuse de la candidature 2015, environ 20 % de la population active montoise n’a toujours pas d’emploi. La situation budgétaire de la ville – un tiers du budget est affecté aux dépenses  » sociales  » – est qualifiée par Elio Di Rupo de  » compliquée « .

Conséquence : en bombant le torse via Mons 2015, la cité du Doudou souhaite clairement s’offrir une sorte de  » projet-levier  » au budget de fonctionnement (75 millions d’euros, répartis entre la Province, la Région, la Communauté française, la Ville et les partenaires institutionnels) probablement sans commune mesure avec les retombées que cette année fera naître.  » L’objectif est clairement de voir débarquer cinq à dix PME par an sur le sol montois « , entend-on au cabinet du bourgmestre Di Rupo, dont on se demande, vu son implication dans l’avenir politique du pays, comment il trouve encore le temps de diriger son collège et sa ville :  » Il est moins présent que d’habitude, c’est clair, mais il n’y a pas un jour sans qu’il ait un contact avec ses collaborateurs. Il continue donc à être là. Maintenant, que sa vie soit compliquée, c’est un fait « , sourit sa chef de cabinet.

L’opposition CDH et Ecolo ne se prive d’ailleurs pas de tancer le côté  » omnipotent  » de l’homme au n£ud de papillon. L’exemple des façades de la Grand-Place, dont il a lui-même choisi les couleurs, n’est pas le moins frappant. Dire que Mons n’est pas le  » jardin  » de Di Rupo, comme il le reconnaît d’ailleurs, ou même  » sa chose « , comme l’affirment de plus cinglantes voix, serait trahir la réalité. Mais l’opposition doit bien l’admettre : sa frénésie – et celle de sa majorité PS-MR – dans l’activation des projets entraîne, dans son sillage, de véritables réussites. Qui se plaindrait en Wallonie et ailleurs de voir débarquer, sur son sol, les majors américaines du monde de l’informatique ?

La Digital Innovation Valley symbolise parfaitement cette dynamique (voir en page 118). Tout comme elle symbolise la volonté de Mons 2015 d’être bien davantage qu’un nid d’événements artistiques. En intégrant la question technologique à la thématique centrale –  » Là où la technologie rencontre la culture  » – de cette année culturelle, Mons s’est mise en position offensive par rapport aux investisseurs liés au monde numérique. L’idée ? Profiter de la dynamique insufflée par la candidature pour créer un pôle digital et numérique essentiellement basé, pour le moment, sur le parc scientifique Initialis. L’annonce, en 2007, de l’arrivée du géant Google à Ghlin a par ailleurs créé un sillon dans lequel se sont engouffrées, avec l’aide financière et logistique de la Région wallonne, des sociétés comme Microsoft (via son Microsoft Innovation Center), Cisco ou IBM. Le développement Euro Green IT en est la dernière preuve en date. Privé de secteur industriel propre, Mons s’est donc tournée vers des horizons plutôt porteurs.

La manne de l’Europe

En parallèle, la ville a réussi à retourner à son avantage l’indigence historique dans laquelle elle a trop longtemps été plongée. Comme un bon paquet de projets locaux, le tout nouveau Centre de congrès sera financé à hauteur de 30 millions d’euros par les fonds européens Convergence, ex-Objectif 1. Combien de villes wallonnes rament péniblement pour réunir les financements nécessaires à la rénovation de leurs joyaux ?  » Le collège a mis en place un grand nombre d’équipes sérieuses qui multiplient les demandes de subsides pour des projets de ce genre. Le Centre de congrès a reçu l’aval des fonds européens dans la mesure où il dopera très certainement le redressement économique de la ville et de la région alentour « , affirme-t-on du côté de l’hôtel de ville. Au total, Mons aura réussi à glaner 107 millions d’euros dans la manne de l’Europe, pour réaliser vingt-deux projets. L’argent fédéral de la Politique des Grandes Villes est une autre source de financement extérieur utilisée jusqu’à la moelle par la majorité en place. Difficile de reprocher aux édiles locaux de piocher dans les montants disponibles pour donner un coup d’accélérateur à leurs ambitions.

Capitaliser pour l’après-2015

Tout est dans tout, nous le soulignions en préambule. Le Centre de congrès, l’une des pièces manquantes majeures sur l’échiquier actuel de l’offre montoise, s’inscrit pleinement dans la perspective de Mons 2015. Il en va de même, forcément, pour la toute nouvelle gare dessinée par l’architecte espagnol Santiago Calatrava. A ce bémol près : l’afflux attendu de visiteurs en 2015 rend la perspective d’un retard, pour la finalisation de cette très onéreuse nouvelle gare, difficilement envisageable. On voit mal, en effet, Mons accueillir ses touristes sur des quais poussiéreux et insécurisants. Pour le coup, c’est la SNCB qui va devoir tenir ses engagements, même si le responsable du projet, comme vous pourrez le lire (voir en page 107) n’est pas  » Madame Soleil « …

Autre enjeu important auquel devra faire face la Ville : une fois que ces visiteurs auront posé le pied sur le sol de Mons : pourront-ils facilement trouver où se loger ? L’offre hôtelière fut clairement le point faible de la candidature montoise. On peut imaginer, là encore, que l’émulation provoquée par un tel projet attisera l’appétit de promoteurs hôteliers, mais il s’agit également d’agir en bon gestionnaire : après 2015, il faudra capitaliser. Et faire les comptes. Rien ne sert de créer des milliers de chambres supplémentaires si le soufflet retombe trop lourdement après cette année de chaude activité.

Comme le souligne Yves Vasseur, commissaire de l’année culturelle,  » on a choisi des projets dont on sait qu’il pourront être pérennisés, même budgétairement parlant, après 2015 « . La gare, le Centre de congrès et les infrastructures culturelles devront en effet permettre à Mons d’augmenter son attrait touristique pour passer, c’est la volonté locale, à 500 000 visiteurs annuels.

En attendant, nous verrons également quelles sont les ambitions affichées par les pouvoirs en place concernant 2015 qui, même si l’on a insisté sur son aspect  » développement économique « , n’en reste pas moins une véritable fête à caractère culturel : deux millions de tickets vendus serait considéré comme une superbe réussite. Pour atteindre ces objectifs, les organisateurs, Yves Vasseur en tête, tablent sur un nombre de projets plutôt serré (entre 60 et 70 au maximum), histoire de ne pas trop se disperser. Un atout de choix pourrait, dans ce contexte, porter la griffe d’une grande exposition consacrée à l’une des quatre personnalités choisies pour symboliser la culture à Mons : De Lassus, Verlaine, saint Georges et un certain Van Gogh…

Mais à la Ville, on préfère rester discret : le programme complet ne sera dévoilé que dans deux ou trois ans, pas avant. Il ne faut, cela dit, pas être grand clerc pour deviner à quelle sauce le BAM (Beaux-Arts Mons, musée dont la conception fait débat), qu’on devra aménager, sera croqué…

GUY VERSTRAETEN

le taux de chômage reste toujours très élevé à mons

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire