Les vilaines filles et les mauvais garçons AU TOP

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Balotelli, Madonna, Lady Gaga, Zemmour, Pauwels, Doherty… Les badboys et les badgirls sont les valeurs toujours montantes sur le grand marché de l’image. Pourquoi tant de fascination ?

Avant, c’était les clowns, les bouffons, les fous du roi. Puis les antihéros dans les romans. Après, les scandaleuses. Les rebelles, ensuite. Et les blousons noirs. Les salauds lumineux. Et enfin les badboys, et les badgirls.

Même condensé, ça donne un casting de feu. Triboulet, Valmont, Colette, Brando, Bukowski, les Stones, les héros de Kerouac, Cohn-Bendit, George Best, McEnroe, Madonna, Sean Penn, les personnages de Brett Easton Ellis, Joey Starr, Dr. House, Lady Gaga… Tous, ils exhibent, à leur époque, à leur façon,  » des signes de déviances sociales « , comme dit le philosophe français Gérald Bronner (voir son interview en page 40).

Ce sont des forts en gueule, évidemment : la résistance aux convenances et le culte de sa propre singularité se marient mal avec l’effacement (sauf celui de la norme). Ils savent donc occuper l’espace public. Avec une décontraction sidérante, ils font ce qu’on ne fait d’ordinaire pas du tout dans leur sphère mais ce que tout le monde fait chez soi. Juste, ils le font en public. Et ça marche.

S’il ne faut retenir qu’un joueur du récent championnat d’Europe de foot, c’est Mario Balotelli. Parce que, résume notre partenaire So Foot,  » tour à tour drôle, fantomatique, désespérant, rebelle, frondeur, buteur, gâcheur et gagman, il a quasiment représenté, à lui tout seul, une bonne raison de regarder l’Euro « . Et le badboy italien est devenu une attraction du Web, donc une star planétaire.

S’il ne faut retenir qu’une tournée pop de cette année, c’est celle de Madonna. Parce qu’elle a offert ce qu’elle fait le mieux : la badgirl. En s’exhibant en grande scandaleuse, en tenues provocantes, en défiant le FN, en refusant de s’excuser. Et la madone américaine est redevenue la reine mondiale de la scène.

S’il ne faut citer que deux noms d’animateurs/chroniqueurs télé que tout le monde connaît à coup sûr dans le paysage audiovisuel francophone, ce sont Stéphane Pauwels et Eric Zemmour. Parce que ce sont des atypiques, forte tête ou méchante langue.

Et Lady Gaga, dont le moindre soupir met en émoi l’univers. Et l’increvable Cantona. Et Michel Daerden. Et les mauvais garçons dans la pub Twingo. Et Javier Bardem qu’on attend impatiemment dans la peau du méchant du prochain James Bond. Et Batman, le chevalier si noir… Et le succès de Dr. House, ou Dexter, ou Gossip Girl, ou Mad Men, dans lesquels plus on est mauvais, peste, corrosif et amoral, plus on est admiré.

 » Aujourd’hui, reprend Gérald Bronner, le cynisme est devenu la marque ultime de l’intelligence. Le cynisme et la déviance. Celle ou celui qui flirte avec les normes du bien et du mal séduit, attire. Il y a quelque chose, peut-être, dans notre commune humanité, qui est fasciné par des personnages de ce type. Or le marché, quel qu’il soit, même celui des images, révèle toujours les tendances collectives. C’est un formidable outil de dévoilement. Le succès des badboys et des badgirls dévoile quelque chose qu’on n’aurait pas forcément avoué dans le privé. C’est le mensonge privé qui devient une vérité publique. « 

Parce que ces vilaines filles et ces mauvais garçons, même devenus calculateurs, ne peuvent se départir d’une forme de pureté. La sincérité. De plus en plus rare. Donc, de plus en plus recherchée.

THIERRY FIORILLI

Plus on est mauvais, peste, corrosif et amoral, plus on est admiré

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